Problématique de la revue
L'inhalation d'une solution saline hypertonique (eau salée contenant au moins 3 % de sel) sous forme de fine brume à travers un masque ou un embout buccal est-elle plus efficace pour améliorer l'élimination du mucus dans les poumons des personnes atteintes de mucoviscidose (ou fibrose kystique) qu'un placebo (brume sans sel ou avec très peu de sel) ou que d'autres agents?
Contexte
Les personnes atteintes de mucoviscidose produisent de grandes quantités de mucus épais qui est difficile à éliminer et bloque leurs voies respiratoires. La physiothérapie thoracique ou les médicaments, par exemple la solution saline hypertonique, ou les deux combinés, sont utilisés pour tenter d'éliminer le mucus des voies respiratoires. La solution saline hypertonique est de l'eau avec une concentration de 3 % à 7 % de sel et est inhalé sous forme de fine brume. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue antérieure.
Principaux messages
- Nous ne savons pas si l'inhalation régulière de solution saline hypertonique nébulisée améliore la fonction pulmonaire par rapport au placebo.
- La solution saline hypertonique nébulisée semble donner de bons résultats en complément de la physiothérapie.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études portant sur l'utilisation d'une solution saline hypertonique nébulisée par rapport à un placebo ou à un autre type de traitement pour éliminer le mucus des poumons. Nous avons comparé la taille et les méthodes des études et indiqué le niveau de confiance dans les résultats.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons inclus 24 essais portant sur 1318 personnes atteintes de mucoviscidose âgées d'un mois à 56 ans. Les deux tiers des essais ont comparé la solution saline hypertonique à un placebo (un traitement factice); les autres essais ont comparé la solution saline hypertonique à un autre type de traitement d'élimination du mucus (y compris le mannitol; la rhDNase (Pulmozyme®); l'amiloride; le Mistabron®; le xylitol); et un essai a comparé la solution saline hypertonique à 7 % à la solution saline hypertonique à 3 %. Les essais ont évalué différentes concentrations de solution saline hypertonique avec différents nébuliseurs et différents protocoles de traitement; le traitement le plus courant était la solution saline hypertonique à 7 % deux fois par jour et le nébuliseur le plus courant était un ultrason. Dans la plupart des essais, les personnes étaient traitées avec un bronchodilatateur pour élargir les voies respiratoires avant d'administrer la solution saline hypertonique.
Principaux résultats
Solution saline hypertonique 3 % à 7 % par rapport au placebo
Nous ne savons pas si la solution saline hypertonique entraîne une amélioration de la fonction pulmonaire en cas de maladie stable après quatre semaines. Deux essais ont montré qu'il pourrait y avoir une légère amélioration de la fonction pulmonaire (mesurée à l'aide de l'index de clairance pulmonaire) avec une solution saline hypertonique par rapport au placebo chez des enfants d'âge préscolaire. Nous ne savons pas non plus si le traitement par solution saline hypertonique fait une différence par rapport au placebo en ce qui concerne l'élimination du mucus des poumons, les exacerbations ou les effets secondaires.
Au cours des exacerbations, nous avons constaté qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans la fonction pulmonaire après l'administration d'une solution saline hypertonique par rapport au placebo. Les essais n'ont pas rapporté d'effets secondaires graves et il n'y a pas eu de décès.
Une étude a comparé une solution saline hypertonique à 7 % à une concentration plus faible de solution saline hypertonique (3 %); nous ne savons pas si la concentration plus élevée a amélioré la fonction pulmonaire.
Solution saline hypertonique par rapport aux traitements mobilisant le mucus
Trois essais ont comparé la solution saline hypertonique à la rhDNase et ont montré que la rhDNase pourrait entraîner une amélioration de la fonction pulmonaire par rapport à la solution saline hypertonique après trois mois. Nous ne savons pas s'il y a une différence au niveau des effets secondaires.
Un essai a comparé la solution saline hypertonique à l'amiloride et un autre essai a comparé la solution saline hypertonique au sulfonate de sodium-2-mercaptoéthane (Mistabron®), mais aucun de ces essais n'a fourni d'informations sur l'effet des traitements sur la fonction pulmonaire.
De même, un essai comparant la solution saline hypertonique au mannitol n'a pas fourni d'informations sur les effets sur la fonction pulmonaire, mais il a indiqué qu'il n'y avait pas de différence entre les traitements en ce qui concerne l'élimination du mucus des poumons. Les personnes prenant du mannitol ont déclaré qu'il était plus irritant que la solution saline hypertonique.
Deux essais ont comparé la solution saline hypertonique au xylitol, mais nous ne savons pas s'il existe une différence au niveau de la fonction pulmonaire et aucun de nos autres critères de jugement n'a été mesuré.
Quelles sont les limites de ces données probantes ?
Nous ne sommes pas confiants dans les données probantes issues de ces essais. Dans la moitié des essais, le risque est grand que les participants savaient quel traitement ils recevaient, car ils pouvaient discerner le goût des solutions.
D'autres facteurs qui nous ont fait douter des résultats étaient le petit nombre de participants aux essais, combiné à une grande variation des résultats; en outre, certains essais ont limité les participants à ceux qui pouvaient tolérer une solution saline hypertonique ou à certains groupes d'âge.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'au 25 avril 2022.
Nous ne sommes pas certains que l'utilisation régulière par des adultes et des enfants de plus de 12 ans atteints de mucoviscidose d'une solution saline hypertonique nébulisée entraîne une amélioration de la fonction pulmonaire après quatre semaines (trois essais ; données probantes d’un niveau de confiance très faible); aucune différence n'a été observée après 48 semaines (un essai; données probantes d’un niveau de confiance faible). La solution saline hypertonique a amélioré modestement l'index de clairance pulmonaire (ICP) chez les enfants de moins de six ans.
Les données probantes d'un petit essai croisé chez des enfants indiquent que la désoxyribonucléase recombinante (rhDNase) pourrait améliorer la fonction pulmonaire par rapport à la solution saline hypertonique après trois mois; alors que l'étude a démontré que l'amélioration du volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) était plus importante avec la rhDNase quotidienne, nous soulignons qu’aucune différence n'a été observée en ce qui concerne les critères de jugement secondaires.
La solution saline hypertonique semble être un complément efficace à la physiothérapie pendant les exacerbations aiguës de la maladie pulmonaire chez les adultes. Toutefois, pour les critères de jugement évalués, le niveau de confiance des données probantes allait de très faible à faible au mieux, selon les critères GRADE.
Le rôle de la solution saline hypertonique en conjonction avec le traitement par modulateur du régulateur de conductance transmembranaire de la mucoviscidose (cystic fibrosis transmembrane conductance, CFTR) doit maintenant être envisagé, et les recherches futures doivent se concentrer sur cet aspect.
Une solution saline hypertonique améliore la clairance mucociliaire et pourrait réduire le processus inflammatoire destructeur dans les voies respiratoires. Il s’agit ici d’une mise à jour d'une revue déjà publiée.
Étudier l'efficacité et la tolérabilité d'un traitement par solution saline hypertonique nébulisée chez des personnes atteintes de mucoviscidose (ou fibrose kystique) par rapport à un placebo ou à d'autres traitements améliorant la clairance mucociliaire.
Nous avons consulté le registre des essais cliniques sur la mucoviscidose du groupe Cochrane sur la mucoviscidose et les autres maladies génétiques, comprenant des références identifiées à partir de recherches exhaustives dans des bases de données électroniques, de recherches manuelles dans des journaux pertinents et de comptes rendus de conférences. Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données sur les essais en cours.
Date de la recherche la plus récente : 25 avril 2022.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés et quasi randomisés comparant la solution saline hypertonique à un placebo ou à un autre traitement mucolytique, quelle que soit la durée ou la posologie, chez des personnes atteintes de mucoviscidose (quel que soit l'âge de ces personnes ou la gravité de la maladie).
Deux auteurs ont examiné de façon indépendante tous les essais inclus, ont extrait toutes les données et ont évalué la qualité des essais. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l’aide du système GRADE. Pour les essais croisés, nous avons stipulé une période de sevrage thérapeutique d'une semaine. Nous avions prévu d'utiliser les résultats d’analyse appariée dans cette revue, mais cela n'a été possible que dans un seul essai. Pour d’autres essais croisés, nous avons choisi de traiter les essais comme s'ils étaient réalisés en parallèle.
Nous avons inclus 24 essais (1318 participants, âgés d'un mois à 56 ans); nous avons exclu 29 essais, deux essais sont en cours et six sont en attente de classification. Nous avons jugé que 15 des 24 essais inclus présentaient un risque de biais élevé en raison de la capacité des participants à discerner le goût des solutions.
Solution saline hypertonique 3 % à 7 % par rapport au placebo (maladie stable)
Nous ne sommes pas certains que l'utilisation régulière d'une solution saline hypertonique nébulisée dans le cadre d'une maladie pulmonaire stable entraîne une amélioration du volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) en % de la valeur prédite après quatre semaines (différence de moyennes (DM) de 3,30 %, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,71 à 5,89; 4 essais, 246 participants; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Chez les enfants d'âge préscolaire, nous n'avons pas trouvé de différence concernant l'index de clairance pulmonaire (ICP) à quatre semaines, mais une légère amélioration après 48 semaines de traitement avec la solution saline hypertonique par rapport à la solution saline isotonique (DM -0,60, IC à 95 % de -1,00 à -0,19; 2 essais, 192 participants). Nous ne savons pas non plus si la solution saline hypertonique a eu un effet sur la clairance mucociliaire, les exacerbations pulmonaires ou les événements indésirables par rapport au placebo.
Solution saline hypertonique par rapport au contrôle (exacerbation aiguë)
Deux essais ont comparé la solution saline hypertonique au contrôle, mais un seul a fourni des données. Il pourrait y avoir peu ou pas de différence en termes de la fonction pulmonaire mesurée par le VEMS en % de la valeur prédite après l'administration d'une solution saline hypertonique par rapport à une solution saline isotonique (DM 5,10 %, IC à 95 % de -14,67 à 24,87; 1 essai, 130 participants). Aucun des essais n'a rapporté de décès ou de mesures de la clairance des expectorations. Aucun événement indésirable grave n'a été rapporté.
Solution saline hypertonique par rapport à la rhDNase
Trois essais ont comparé une dose similaire de solution saline hypertonique à la désoxyribonucléase recombinante (rhDNase) ; deux essais (61 participants) ont fourni des données à inclure dans cette revue. Nous ne sommes pas certains qu'il y ait eu un effet de la solution saline hypertonique sur le VEMS en % des prédictions après trois semaines (DM 1,60 %, IC à 95 % de -7,96 à 11,16; 1 essai, 14 participants; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Après trois mois, la rhDNase pourrait entraîner une augmentation plus importante du VEMS en % de la valeur prédite que la solution saline hypertonique (5 ml deux fois par jour) après 12 semaines chez les participants atteints d'une maladie pulmonaire modérée à sévère (DM 8,00 %, IC à 95 % de 2,00 à 14,00; données probantes d’un niveau de confiance faible). Nous ne savons pas si les événements indésirables ont différé entre les deux traitements. Aucun décès n'a été rapporté.
Solution saline hypertonique par rapport à l'amiloride
Un essai (12 participants) a comparé la solution saline hypertonique à l'amiloride, mais n'a pas rapporté la plupart de nos critères de jugement. L'essai a montré qu'il n'y avait pas de différence entre les traitements en ce qui concerne la clairance des expectorations (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Solution saline hypertonique comparée au sulfonate de sodium-2-mercaptoéthane (Mistabron®)
Un essai (29 participants) a comparé la solution saline hypertonique au sulfonate de sodium-2-mercaptoéthane. L'essai n'a pas permis de mesurer nos critères de jugement principaux. Il n'y a pas eu de différence entre les traitements en ce qui concerne la clairance des expectorations, les traitements antibiotiques ou les événements indésirables (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Solution saline hypertonique par rapport au mannitol
Un essai (12 participants) a comparé la solution saline hypertonique au mannitol, mais n'a pas rapporté la fonction pulmonaire à des points de mesure pertinents pour cette revue; il n'y a pas eu de différences en ce qui concerne la clairance des expectorations, mais le mannitol a été signalé comme étant plus « irritant » (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Solution saline hypertonique par rapport au xylitol
Deux essais ont comparé la solution saline hypertonique au xylitol, mais nous ne sommes pas certains qu'il y ait une différence entre les groupes en ce qui concerne le VEMS en % de la valeur prédite ou le temps médian jusqu'à l'exacerbation (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucun autre critère de jugement n'a été rapporté dans la revue.
Solution saline hypertonique 7 % par rapport à la solution saline hypertonique 3 %.
Nous ne sommes pas certains qu'il y ait eu une amélioration du VEMS en % de la valeur prédite après le traitement avec une solution saline hypertonique à 7 % par rapport à 3 % (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Post-édition effectuée par Nadja Stille-Le Renard et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr