Quelle est la question ?
Le syndrome néphrotique est une affection au cours de laquelle les reins laissent échapper les protéines du sang dans les urines. La néphrose lipoïdique (maladie à lésions minimes) est la troisième affection rénale primaire la plus courante chez les adultes souffrant d'un syndrome néphrotique inexpliqué (entre 10 et 15 %). Les schémas thérapeutiques les plus efficaces n'ont pas été déterminés.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recensé tous les essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur le traitement des adultes souffrant d’un syndrome néphrotique en raison d’une néphrose lipoïdique. Nous avons recherché les ECR évaluant la corticothérapie et ceux évaluant d'autres agents avec ou sans corticothérapie.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 15 études randomisant 769 participants dont les résultats ont pu être évalués. Les inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, cyclosporine) avec ou sans prednisolone à faible dose ont été aussi efficaces que la prednisolone seule pour engendrer une rémission, sans différence dans le nombre de résistants ou de rechutes (huit études) mais avec des effets secondaires réduits d'obésité et d'acné. Le mycophénolate sodique à enrobage entérique a été aussi efficace que la prednisolone seule dans la rémission, avec aucune différence au niveau des effets secondaires. Il n’était pas clair si la prednisolone comparée à l'absence de traitement ou à la méthylprednisolone intraveineuse influence le nombre de participants en rémission ou en rechute ultérieure, car le niveau de confiance des données probantes était très faible. Dans une seule étude, aucune différence dans le nombre de rémissions ou de rechutes n'a été identifiée avec le lévamisole par rapport à la prednisolone. Nous n'avons pas trouvé d'études terminées évaluant le rituximab mais deux études sont en cours.
Conclusions
Nous avons constaté que les données incluses dans cette revue actualisée indiquent que les inhibiteurs de la calcineurine et le mycophénolate de sodium à enrobage entérique pourraient être efficaces pour induire une rémission chez les adultes atteints d'un syndrome néphrotique dû à une néphrose lipoïdique, avec une certaine réduction des effets secondaires du traitement par prednisolone à dose élevée. Des études sur ces thérapies dans la maladie récidivante et dans la néphrose lipoïdique résistante à la prednisolone sont nécessaires.
Cette revue actualisée a permis d'identifier des données probantes sur l'efficacité et les effets indésirables des inhibiteurs de la calcineurine (ICN) et du mycophénolate de sodium à enrobage entérique (enteric-coated mycophenolate sodium, EC-MPS) avec ou sans prednisolone à dose réduite, par rapport à la prednisolone seule, dans la rémission des adultes atteints de néphrose lipoïdique et de syndrome néphrotique, et avec une certaine réduction des effets indésirables associés aux stéroïdes. Des données des ECR sur l'efficacité et les effets indésirables du rituximab chez les adultes atteints de néphrose lipoïdique sont attendues. De plus, des ECR suffisamment puissants sont nécessaires pour déterminer l'efficacité relative des ICN et de l'EC-MPS ainsi que pour évaluer ces médicaments chez les patients atteints d'une maladie récidivante ou résistante aux stéroïdes.
Les stéroïdes ont été largement utilisés depuis le début des années 1970 dans le traitement de la néphrose lipoïdique (maladie à lésions minimes) de l'adulte. Récemment, des nouveaux agents ont été utilisés dans la néphrose lipoïdique de l’adulte afin de réduire le risque d'effets indésirables. Les taux de réponse aux agents immunosuppresseurs dans la néphrose lipoïdique de l’adulte sont plus variables que chez les enfants. L'agent optimal, la dose et la durée du traitement pour le premier épisode de syndrome néphrotique ou pour la ou les rechutes de la maladie n'ont pas été déterminés. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2008.
Notre objectif était 1) d'évaluer les bénéfices et les risques de différents agents, y compris les agents immunosuppresseurs et non immunosuppresseurs, chez les adultes atteints de (néphrose lipoïdique causant le syndrome néphrotique ; et 2) d'évaluer l'efficacité des interventions sur le « délai jusqu'à rémission » du syndrome néphrotique chez les adultes atteints de néphrose lipoïdique responsable d’un syndrome néphrotique.
Nous avons effectué une recherche dans le registre d’essais du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 21 juillet 2021 en contactant les spécialistes de l'information et en utilisant les termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre ont été identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, des actes de conférence, le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et le site ClinicalTrials.gov.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des quasi-ECR de toute intervention dans le traitement de la néphrose lipoïdique avec un syndrome néphrotique chez des adultes de plus de 18 ans. Les études comparant les différents types, voies, fréquences et durées d’agents immunosuppresseurs et d’agents non immunosuppresseurs ont été évaluées.
Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment la qualité des études et extrait les données. Les analyses statistiques ont été réalisées à l'aide du modèle à effets aléatoires et les résultats exprimés sous forme de risque relatif (RR) pour les critères de jugement dichotomiques, ou de différence moyenne (DM) pour les données continues, avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Le niveau de confiance des données probantes a été évalué en utilisant l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).
Quinze ECR (769 participants randomisés) ont été identifiés ; quatre études ont évalué différents régimes de prednisolone, huit études ont évalué les inhibiteurs de la calcineurine (ICN) (tacrolimus ou cyclosporine), deux études ont évalué le mycophénolate de sodium à enrobage entérique (enteric-coated mycophenolate sodium, EC-MPS) et une étude a évalué le lévamisole. Dans toutes les études portant sur des agents non corticostéroïdes, à l’exception de deux études, la prednisolone à dose réduite a été administrée avec l'agent de traitement et le comparateur était la prednisolone à dose élevée. Dans l'évaluation du risque de biais, 11 et sept études présentaient un faible risque de biais pour la génération de la séquence et l’assignation secrète, respectivement. Aucune étude ne présentait un faible risque de biais de performance et huit études présentaient un faible risque de biais de détection. Treize, dix et six études présentaient un faible risque de biais d'attrition, de biais de déclaration et d'autres biais, respectivement.
Par rapport à l'absence de traitement spécifique, il n'est pas certain que la prednisolone augmente le nombre de personnes en rémission complète (1 étude, 28 participants) : RR 1,44, IC à 95 % entre 0,95 et 2,19), rémission complète ou partielle (1 étude, 28 participants : RR 1,38, IC à 95 % entre 0,98 et 1,95), rechute ultérieure (1 étude, 28 participants : RR 0,75, IC à 95 % entre 0,48 et 1,17), ou réduit les effets indésirables car le niveau de confiance des données probantes est très faible. Comparée à la prednisolone orale seule, il n'est pas certain que la méthylprednisolone et la prednisolone par voie intraveineuse augmentent le nombre de personnes en rémission complète (2 études, 35 participants) : RR 1,76, IC à 95 % entre 0,17 et 18,32 ; I² = 90 %), les rechutes (deux études, 19 participants. RR 1,18, IC à 95 % entre 0,65 et 2,15 ; I² = 0 %) ou les effets indésirables car le niveau de confiance des données probantes est très faible.
Par rapport à la prednisolone seule, les ICN associés à une dose réduite de prednisolone ou sans prednisolone ont probablement peu ou pas d’impact concernant le nombre de personnes en rémission complète (8 études ; 492 participants) : RR 0,99, IC à 95 % entre 0,93 et 1,05 ; I² = 0 %), en rémission complète ou partielle (4 études, 269 participants : RR 1,01, IC à 95 % entre 0,96 et 1,05 ; I² = 0 %), ou en rechute (7 études ; 422 participants : RR 0,73, IC à 95 % entre 0,51 et 1,03 ; I² = 0 %) (données probantes d’un niveau de confiance faible). Ils pourraient réduire le risque d'obésité ou de syndrome de Cushing (5 études ; 388 participants : RR 0,11, IC à 95 % entre 0,02 et 0,59 ; I² = 45 %) et le risque d'acné (4 études ; 270 participants : RR 0,15, IC à 95 % entre 0,03 et 0,67 ; I² = 0 %) (données probantes d’un niveau de confiance faible) ; et ont eu des effets incertains sur le diabète ou l'hyperglycémie, l'hypertension et l'insuffisance rénale aiguë (IRA) (données probantes d’un niveau de confiance faible).
Par rapport à la prednisolone seule, l'EC-MPS avec la prednisolone à dose réduite a probablement peu ou pas d’effet sur le nombre de personnes en rémission complète à 4 semaines (1 étude, 114 participants : RR 1,12, IC à 95 % entre 0,84 et 1,50). À 24 semaines, ils n’ont probablement que peu ou pas d’effet sur le nombre de personnes en rémission complète (2 études, 134 participants : RR 1,12, IC à 95 % entre 0,84 et 1,38 ; I² = 0 %) (données probantes d’un niveau de confiance modéré), en rémission complète ou partielle (2 études 134 participants : RR 0,92, IC à 95 % entre 0,75 et 1,12 ; I² = 0 %), sur les rechutes (2 études, 83 participants : RR 0,50, IC à 95 % entre 0,07 et 3,74 ; I² = 56 %) (données probantes d’un niveau de confiance faible) ; ou sur les effets indésirables de nouvelle intolérance au glucose, de décès ou d'IRA (données probantes d’un niveau de confiance faible).
Une étude (24 participants) a comparé le lévamisole et la prednisolone avec la prednisolone seule, chez des patients atteints d'une maladie récidivante. Les auteurs n'ont identifié aucune différence dans le taux moyen de rechute ou d'effets indésirables, mais aucun écart-type n'a été fourni.
Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr