Problématique de la revue
Nous avons examiné les données probantes sur l'effet de la thérapie antivirale (médicaments utilisés spécifiquement pour traiter les infections virales), seule ou en association avec toute autre thérapie, sur la paralysie de Bell. Dans cette mise à jour, nous nous sommes concentrés sur le traitement combiné avec antiviraux et corticostéroïdes (qui sont des médicaments utilisés pour réduire l'inflammation), car il existe déjà de bonnes preuves que les corticostéroïdes peuvent réduire le taux de récupération incomplète de la paralysie de Bell.
Contexte
La paralysie de Bell est une maladie du nerf facial qui entraîne la paralysie d'un côté du visage. Certaines études ont suggéré qu'elle serait causée par les mêmes infections virales causant les boutons de fièvre ou le zona et ont étudié l'effet du traitement antiviral. Des versions antérieures de cette revue ont révélé que les antiviraux seuls ne sont pas utiles comparativement à une pilule factice (placebo) et sont moins efficaces que les corticostéroïdes seuls. Cependant, les études sur le traitement antiviral en association avec des corticostéroïdes donnent des résultats contradictoires.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons identifié 14 essais cliniques, qui comprenaient 2 488 participants atteints de paralysie de Bell unilatérale légère, modérée ou sévère et de cause inconnue. Les participants étaient âgés de 14 à 84 ans. Les essais comparés :
- antiviraux plus corticostéroïdes aux corticostéroïdes seuls ou en association avec un placebo ;
- antiviraux seuls ou en association avec un placebo à placebo seul ou aucun traitement ;
- les antiviraux seuls ou en association avec un placebo à un traitement aux corticostéroïdes seuls ou en association avec un placebo ; ou
- antiviraux plus corticostéroïdes à un placebo seul ou aucun traitement.
Pour la majorité des études, aucune information sur le financement n'a été fournie. La plupart des autres études ont été financé en partie par des fonds publics, et un essai a été financé par une société pharmaceutique.
Onze études présentaient un risque élevé ou inconnu de biais lié à divers facteurs pouvant affecter systématiquement les résultats des essais. Nous avons choisi de fonder nos conclusions uniquement sur les données de trois études présentant un risque faible de biais.
Résultats principaux et certitude des données probantes
L’étude a démontré qu’il n’y aurait pas une différence claire entre les taux de récupération incomplète de la paralysie de Bell après traitement par une association d’antiviraux et de corticostéroïdes comparé aux corticostéroïdes seuls. Cette conclusion était d’une faible certitude et était fondée sur les données de trois essais auxquels ont participé 766 personnes atteintes de la paralysie de Bell, pour différents degrés de gravité. Nous avons exclu les données de 10 essais comportant de multiples sources potentielles de biais. Cependant, nous pouvons être modérément confiants sur le fait que la thérapie combinée ait réduit le nombre de personnes présentant des effets à long terme de la paralysie de Bell (larmoiement excessif des yeux ou un mouvement facial anormal) comparé au traitement par corticostéroïde seul.
Les données de deux études (98 participants) ont montré que chez les personnes atteintes de paralysie de Bell sévère (paralysie faciale complète ou presque complète), l'association d'antiviraux et de corticostéroïdes n'avait pas d’effet clair sur la récupération, comparé au traitement par corticostéroïde seul.
Les corticostéroïdes seuls étaient plus efficaces que les antiviraux seuls sur les taux de récupération incomplète (667 participants, 2 essais) ; les antiviraux et les corticostéroïdes combinés étaient plus efficaces que les placebos ou l’absence de traitement (658 participants, 2 essais) ; et il n'y avait pas de bénéfices évidents des antiviraux seuls par rapport au placebo (658 participants, 2 essais).
Bien que d'après les données de deux essais (656 participants), nous n'ayons pas retrouvé de différence évidente dans la survenue d’effets secondaires chez les personnes recevant à la fois des antiviraux et des corticostéroïdes, par rapport à celles recevant uniquement des corticostéroïdes, ces données probantes sont trop incertaines pour tirer des conclusions.
De plus amples études chez des personnes atteintes de paralysie de Bell et comparant d'autres agents antiviraux pourraient être indiquées dans l'avenir.
La combinaison d'antiviraux et de corticostéroïdes pourrait avoir peu ou pas d'effet sur les taux de récupération incomplète comparé aux corticostéroïdes seuls dans la paralysie de Bell de différents degrés de gravité, ou chez les personnes atteintes de paralysie de Bell sévère, mais les résultats étaient très imprécis. Les corticostéroïdes seuls étaient probablement plus efficaces que les antiviraux seuls et les antiviraux plus les corticostéroïdes étaient plus efficaces que le placebo ou l'absence de traitement. Les antiviraux seuls n'ont pas eu d'effet bénéfique évident par rapport au placebo.
L'association d'antiviraux et de corticostéroïdes a probablement réduit les séquelles tardives de la paralysie de Bell par rapport aux corticostéroïdes seuls. Les études ont également montré moins d'épisodes de séquelles à long terme chez les participants traités aux corticostéroïdes, que chez les participants traités aux antiviraux.
Nous n'avons pas trouvé de différence évidente pour les effets indésirables avec l'utilisation d'antiviraux par rapport au placebo ou aux corticostéroïdes, mais les preuves sont trop incertaines pour nous permettre d’en tirer des conclusions.
Il pourrait être indiqué de réaliser un ECR avec une puissance adéquate, pour comparer les différents agents antiviraux chez des personnes atteintes de la paralysie de Bell.
Les corticostéroïdes sont largement utilisés dans le traitement de la paralysie faciale idiopathique (paralysie de Bell), mais l'efficacité d'un traitement additionnel avec un agent antiviral est incertaine. Cette revue a été publiée pour la première fois en 2001 et mise à jour pour la dernière fois en 2015. Etant donné qu’un bénéfice significatif des corticostéroïdes dans la prise en charge précoce de la paralysie de Bell a été démontré, l'objectif principal de cette mise à jour, comme dans la version précédente, était de déterminer l'effet de l'ajout d'antiviraux au traitement corticostéroïde. Nous avons entrepris cette mise à jour afin d'intégrer des données probantes supplémentaires et de mieux évaluer la robustesse des observations, en tenant pleinement compte du risque de biais.
Évaluer les effets des traitements antiviraux seuls ou en association avec tout autre traitement de la paralysie de Bell.
Nous avons fait des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies neuromusculaires, CENTRAL, MEDLINE, Embase et LILACS en juillet 2019. Nous avons examiné la bibliographie des essais identifiés et communiqué avec les auteurs des essais afin de trouver des données supplémentaires, publiées ou non publiées. Nous avons fait des recherches dans les registres d'essais cliniques pour connaître les études en cours.
Nous avons comparé des essais contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-ECRs d'antiviraux avec et sans corticostéroïdes à des traitements témoins pour le traitement de la paralysie de Bell. Nous avons exclu les essais qui ont suivi des participants pendant moins de trois mois.
Nous avons évalué de façon indépendante la pertinence, l'éligibilité et le risque de biais des essais cliniques à l'aide des procédures standards de Cochrane. Nous avons effectué des analyses de sensibilité excluant les essais à risque de biais élevé ou inconnu dans au moins cinq domaines, et nous avons présenté ces données en tant qu’analyses primaires.
Quatorze essais, incluant 2 488 participants, répondaient aux critères d'inclusion. La plupart étaient petits et la plupart présentaient un risque de biais élevé ou inconnu dans plusieurs domaines. Nous avons inclus quatre nouvelles études dans cette mise à jour.
Récupération incomplète
Une combinaison d'antiviraux et de corticostéroïdes pourrait avoir peu ou pas d'effet sur les taux de récupération incomplète chez les personnes atteintes de paralysie de Bell par rapport aux corticostéroïdes seuls (rapport de risque (RR) 0,81, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,38 à 1,74 ; 3 essais, N = 766 ; effets aléatoires ; données de faible valeur probante). Nous avons exclu de cette analyse 10 essais qui présentaient un risque de biais élevé ou inconnu dans plusieurs domaines et nous avons restreint les analyses aux études présentant un risque de biais plus faible. Les taux de récupération étaient meilleurs chez les participants recevant des corticostéroïdes seuls que chez ceux recevant des antiviraux seuls (RR 2,69, IC à 95 % : 0,73 à 10,01 ; 2 essais, N = 667 ; effets aléatoires), mais le résultat était imprécis et n’excluait pas l’absence d’effet. Le taux de récupération incomplète était plus faible avec les antiviraux et les corticostéroïdes qu'avec le placebo ou l’absence de traitement (RR 0,56, IC à 95 % : 0,42 à 0,76 ; 2 essais, N = 658 ; effets aléatoires). Les antiviraux seuls n'ont pas d’effet clair sur les taux de récupération incomplète comparé au placebo, mais le résultat était imprécis (RR 1,10, IC à 95 % : 0,87 à 1,40 ; 2 essais, N = 658 ; effet fixe). Chez les personnes atteintes d’une forme sévère de paralysie de Bell (score de House-Brackmann de 5 et 6, ou l'équivalent sur d'autres échelles), nous avons constaté que la combinaison d'antiviraux et de corticostéroïdes n'avait pas d’effet clair sur la récupération incomplète à six mois comparé aux corticostéroïdes seuls, même si le résultat était également imprécis (RR 0,82, IC à 95 % : 0,57 à 1,17 ; 2 essais, N = 98 ; effets aléatoires).
La syncinésie motrice ou les larmes de crocodile
Les antiviraux plus corticostéroïdes ont réduit la proportion de participants qui ont subi ces séquelles à long terme de la paralysie de Bell par rapport au placebo plus corticostéroïdes (RR 0,56, IC à 95 % : 0,36 à 0,87 ; 2 essais, N = 469 ; effet fixe ; données de valeur probante moyenne). Les antiviraux plus corticostéroïdes ont réduit les séquelles à long terme comparé au placebo, mais il n'y avait pas de différence évidente dans ce résultat pour les antiviraux seuls comparés au placebo.
Les événements indésirables
Les données sur les effets indésirables étaient disponibles dans quatre études fournissant des données sur 1 592 participants. Aucune des quatre comparaisons n'a montré de différence claire en matière d’effets indésirables entre les groupes de traitement et les groupes de comparaison (données de très faible valeur probante) ; pour la comparaison entre les antiviraux plus corticostéroïdes et les corticostéroïdes seuls dans les études à plus faible risque de biais, le RR était de 1,17 (IC à 95% : 0,81 à 1,69 ; 2 essais, N = 656 ; effet fixe ; données de très faible valeur probante).
Post-édition effectuée par Christine Faillieres et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr