Les résultats de notre revue indiquent que l'utilisation de la TM pour la gestion de l'insuffisance cardiaque semble mener à des résultats médicaux similaires par rapport à une intervention en personne ou par téléphone ; il existe des preuves que la TM peut améliorer le contrôle de la glycémie chez les personnes diabétiques. Le coût du service de santé et l'acceptabilité par les patients et les professionnels de la santé ne sont pas clairs en raison des données limitées rapportées pour ces résultats. L'efficacité de la TM pourrait dépendre d'un certain nombre de facteurs, incluant ceux liés à la population étudiée, p. ex. la gravité et l'historique de la maladie, la fonction de l'intervention, p. ex. si elle est utilisée pour la surveillance d'une condition chronique ou pour fournir un accès aux services diagnostiques, ou encore le prestataire de soins de santé et le système de santé impliqués dans l'administration de l'intervention.
La télémédecine (TM) est l'utilisation de systèmes de télécommunication pour administrer des soins de santé à distance. Elle a comme potentiel d'améliorer l'état de santé des patients, faciliter l'accès aux soins de santé et réduire les coûts des soins de santé. Comme les applications de la TM continuent d'évoluer, il est important de comprendre leur impact sur les patients, les professionnels de la santé et l'organisation des soins.
Évaluer l'efficacité, l'acceptabilité et les coûts de la TM interactive comme alternative ou supplément aux soins habituels (c.-à-d. les soins en personne, ou la consultation téléphonique).
Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur l'efficacité des pratiques et l'organisation des soins (EPOC), CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, cinq autres bases de données et deux registres d'essais cliniques jusqu'à juin 2013, conjointement à la vérification des références, la recherche de citations, la recherche manuelle et le contact avec les auteurs des études afin d'identifier des études supplémentaires.
Nous avons considéré les essais contrôlés randomisés de TM interactive qui impliquaient une interaction directe entre le patient et l'intervenant et qui étaient administrés, en supplément ou en remplacement des soins habituels par rapport aux soins habituels seulement, aux participants avec une condition clinique quelconque. Nous avons exclu les interventions exclusivement téléphoniques ainsi que les interventions de TM automatiques entièrement autogérées.
Pour chaque condition, nous avons regroupé les données des résultats qui étaient suffisamment homogènes à l'aide d'une méta-analyse à effets fixes. Nous avons rapporté les risques relatifs (RR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % pour les résultats dichotomiques, et les différences moyennes (DM) pour les résultats continus.
Nous avons inclus 93 études éligibles (N = 22 047 participants) qui ont évalué l'efficacité de la TM interactive administrée en complément de (32 % des études), comme alternative à (57 % des études), ou en substitution partielle aux soins habituels (11 %), par rapport aux soins habituels seuls.
Les études incluses portaient sur des patients atteints des conditions suivantes : maladie cardio-vasculaire (36), diabète (21), affections respiratoires (9), troubles de santé mentale ou consommation abusive de substances (7), conditions nécessitant une consultation spécialisée (6), comorbidités (3), affections génito-urinaires (3), lésions ou affections neurologiques (2), troubles gastro-intestinaux (2), conditions néonatales nécessitant des soins spécialisés (2), greffe d'organe solide (1), et cancer (1).
La télémédecine fournissait un système de contrôle à distance (55 études) ou de vidéoconférence en temps réel (38 études), utilisés seuls ou en combinaison. La principale fonction de la TM variait en fonction de la condition clinique, mais se situait généralement dans l'une des six catégories suivantes, avec certains recoupements : i) suivi d'une affection chronique pour détecter des signes précoces de détérioration, et traitement et conseils rapides, (41) ; ii) traitement ou rééducation (12), par exemple thérapie cognitivo-comportementale ou entraînement pour l'incontinence ; iii) éducation et conseils pour l'autogestion (23), par exemple les infirmières procédant à l'éducation des patients atteints de diabète ou fournissant un support aux parents de nourrissons de très faible poids de naissance, ou encore un support pour la nutrition parentérale à domicile ; iv) consultations spécialisées pour le diagnostic et les décisions de traitement (8), v) évaluation en temps réel de l'état clinique, par exemple évaluation post-opératoire après une opération mineure ou suivi après une greffe d'organe solide (8) vi), dépistage de l'angine (1).
Le type de données transmises par le patient, la fréquence du transfert de données (p. ex. téléphone, mail, SMS) et la fréquence des interactions entre les patients et les prestataires de soins de santé variaient entre les études, de même que le type de prestataires de soins et de système de santé impliqués dans l'administration de l'intervention.
Aucune différence n'a été observée entre les groupes pour la mortalité toutes causes confondues chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque (16 études ; N = 5239 ; RR :0.89, IC à 95 % 0,76 à 1,03, P = 0,12 ; I 2= 44 %) (qualité des données probantes modérée à élevée) à une médiane de six mois de suivi. Le nombre d'admissions à l'hôpital (11 études ; N = 4529) allait d'une diminution de 64 % à une augmentation de 60 % à une médiane de huit mois de suivi (certitude modérée des données probantes). Nous avons trouvé des indications de l'amélioration de la qualité de vie (cinq études ; N = 482 ; DM : -4,39, IC à 95 % -7,94 à -0,83 ; P < 0,02 ; I 2= 0 %) (certitude modérée des données probantes) chez les patients sous TM par rapport aux soins habituels à une médiane de trois mois de suivi. Dans les études recrutant des participants atteints de diabète (16 études, N = 2768), nous avons constaté de plus faibles niveaux d'hémoglobine glyquée (% HbA1c) chez ceux assignés à la TM par rapport au groupe contrôle (DM -0,31, IC à 95 % -0,37 à -0,24 ; P < 0,00001 ; I2= 42 %, P = 0,04) (certitude élevée des données probantes) à une médiane de neuf mois de suivi. Nous avons trouvé des indications d'une diminution du LDL (quatre études, N = 1692 ; DM -12,45, IC à 95 % -14,23 à -10,68 ; P < 0,00001 ; I 2 = 0 %) (certitude modérée des données probantes) et de la pression artérielle (quatre études, N = 1770) : DM : PAS : -4,33, IC à 95 % -5,30 à -3,35, P < 0,00001 ; I2= 17 % ; PAD : -2,75 IC à 95 % -3,28 à -2,22, P < 0,00001 ; I2= 45 % (certitude modérée des données probantes), en TM par rapport aux soins habituels.
Sept études ayant recruté des participants atteints de différents problèmes de santé mentale ou d'abus de substances n'ont rapporté aucune différence pour l'effet d'un traitement en vidéoconférence par rapport à une intervention en personne. Les résultats des autres études étaient contradictoires ; il y avait certaines indications que la surveillance par TM améliorait le contrôle de la pression artérielle chez des participants souffrant d'hypertension, et quelques études ont rapporté une amélioration des symptômes pour les personnes atteintes d'une affection respiratoire. Les études portant sur des participants nécessitant des services de santé mentale ou une consultation spécialisée en dermatologie n'ont rapporté aucune différence entre les groupes.
Traduction : Geneviève Painchaud Guérard, Dt. P., Québec, Canada, pour Cochrane France