Stratégies de gestion des dysfonctionnements sexuels causés par des antidépresseurs

Les antidépresseurs peuvent avoir de nombreux effets sur la fonction sexuelle, notamment l'altération du désir sexuel, des difficultés d'érection et des problèmes d'orgasme. Cette revue systématique a examiné différentes façons de gérer un tel dysfonctionnement sexuel. Nous avons inclus 23 études randomisées, totalisant 1886 participants ayant développé leurs problèmes sexuels quand ils prenaient des médicaments antidépresseurs. Vingt-deux de ces études portaient sur l'ajout d'autres médicaments au traitement antidépresseur en cours. Pour les hommes souffrant de dysfonctionnement érectile induit par des antidépresseurs, l'ajout de sildénafil (Viagra ; trois études, 255 participants) ou de tadalafil (Cialis ; une étude, 54 participants) semblait améliorer la situation. Pour les femmes souffrant de dysfonctionnement sexuel induit par des antidépresseurs, l'ajout de bupropion (Wellbutrin, Zyban ; trois études, 482 participants) à doses élevées semble être la plus prometteuse approche étudiée jusqu'ici, mais il faudra probablement de nouvelles données issues d'essais randomisés avant que cela puisse être recommandé en toute confiance. Nous n'avons pas trouvé de preuve qu'une quelconque intervention ait conduit à une aggravation des symptômes psychiatriques, mais nous ne pouvons pas en être sûrs pour une grande part des interventions étudiées en raison du petit nombre de participants étudiés jusqu'ici.

Conclusions des auteurs: 

Les données actuellement disponibles sont plutôt limitées. Pour les hommes souffrant de dysfonction érectile induite par des antidépresseurs, l'ajout de sildénafil ou de tadalafil semble constituer une stratégie efficace. Pour les femmes souffrant de dysfonctionnement sexuel induit par des antidépresseurs l'ajout de bupropion à des doses élevées semble être l'approche la plus prometteuse étudiée jusqu'ici.

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Contexte: 

La dysfonction sexuelle (notamment l'altération du désir sexuel, le dysfonctionnement orgasmique et éjaculatoire, les problèmes d'érection et autres) est un effet secondaire relativement courant des antidépresseurs. Ces effets secondaires d'ordre sexuel peuvent compromettre le mode de vie de la personne et entrainer le non-respect de la prescription d'antidépresseurs, au détriment de la santé mentale de la personne. Un large éventail de stratégies est possible pour gérer ce problème, notamment des approches comportementales, psychologiques et pharmacologiques.

Objectifs: 

1. Déterminer l'efficacité des stratégies de prise en charge de la dysfonction sexuelle causée par des antidépresseurs.

2. Déterminer les effets indésirables et l'acceptabilité des différentes stratégies de prise en charge.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur la dépression, l'anxiété et la névrose (CCDANCTR, jusqu'au 1er janvier 2013), qui comprend des essais contrôlés randomisés pertinents provenant des bases de données bibliographiques suivantes : The Cochrane Library (toutes les années), EMBASE (de 1974 à aujourd'hui), MEDLINE (de 1950 à aujourd'hui) et PsycINFO (de 1967 à aujourd'hui). Des recherches supplémentaires ont été menées par l'équipe d'auteurs dans les mêmes bases de données biomédicales (au moyen des seuls termes 'sexual dysfunction') ainsi que dans CINAHL (de 1982 à janvier 2012). Nous avons passé au crible les références bibliographiques des rapports de toutes les études incluses.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés ayant comparé des stratégies de prise en charge de la dysfonction sexuelle induite par des antidépresseurs versus un placebo ou toute autre stratégie.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont indépendamment extrait des données et évalué la qualité méthodologique des essais. Des auteurs d'études ont été contactés pour obtenir des informations supplémentaires.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus dans cette revue actualisée 23 essais impliquant 1886 personnes. Vingt-deux de ces essais avaient porté sur l'ajout de médicaments pour traiter le dysfonctionnement identifié, la plupart des agents n'ayant été étudiés que dans des études uniques. Une étude avait porté sur le passage à un autre antidépresseur.

Chez les hommes, les données sur les inhibiteurs de la phosphodiestérase, le sildénafil (trois études, 255 participants) et le tadalafil (une étude, 54 participants), indiquaient qu'ils menaient à une plus grande amélioration de la fonction érectile que le placebo. Les données combinées des trois études sur le sildénafil ont mis en évidence un avantage par rapport au placebo pour les notes de capacité à obtenir (DM 1,04 ; IC 95% 0,65 à 1,44) et à maintenir une érection (DM 1,18 ; IC 95% 0,78 à 1,59) sur l'indice international de la fonction érectile. Une amélioration d'un seul point de cette note est équivalente à une amélioration de la fréquence de « parfois » à « la plupart du temps ». Les hommes recevant du tadalafil étaient plus susceptibles de faire état d'une amélioration de la fonction érectile (RR 11,50 ; IC 95% 3,03 à 43,67). Pour les femmes, il n'est toujours pas clair si le sildénafil est plus efficace que le placebo. Des données non publiées pourraient réduire cette incertitude.

Les données de trois études chez des hommes et des femmes portant sur le bupropion (150 mg deux fois par jour) indiquent un avantage par rapport au placebo pour les scores sur l'échelle de notation (DMS 1,60 ; IC 95% 1,40 à 1,81), mais les taux de réponse dans les deux études sur le bupropion à dose quotidienne unique de 150 mg n'ont pas mis en évidence de différence statistiquement différence quant à l'effet (RR 0,62 ; IC 95% 0,09 à 4,41).

Les autres stratégies d'augmentation n'ont pas montré d'améliorations significatives du dysfonctionnement sexuel en comparaison avec le placebo.

Un essai portant sur 75 personnes souffrant de dysfonction sexuelle due à la sertraline avait évalué l'effet du changement d'antidépresseur. Le passage à la néfazodone avait été significativement moins susceptible d'entraîner la réapparition de la dysfonction sexuelle que la reprise de sertraline (RR 0,34 ; IC 95% 0,19 à 0,60) ; toutefois la néfazodone n'est plus disponible pour utilisation clinique.

Il n'y a pas d'essais randomisés ayant évalué les effets du passage à des antidépresseurs actuellement disponibles ayant des taux inférieurs d'effets sexuels indésirables, le rôle des interventions psychologiques ou mécaniques, ou des techniques telles que les fenêtres thérapeutiques.

Pour aucune des stratégies incluses dans les essais évalués nous n'avons identifié de données indiquant qu'elles aient conduit à une aggravation des symptômes psychiatriques. Toutefois, pour une grande partie des interventions étudiées les effectifs évalués étaient si restreints qu'un tel effet ne peut pas être exclu avec certitude dans tous les cas.

Vu le petit nombre d'études se rapportant à la plupart des stratégies évaluées, le moindre essai non publié pourrait avoir des répercussions importantes sur les estimations de l'effet. Dans certains cas, seuls les résultats d'éléments ou de sous-échelles particulières dans les échelles de notation sont disponibles. Il est probable que cela puisse biaiser les estimations de l'effet obtenu, en augmentant l'efficacité apparente.

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.