Principaux messages
- Le fait de couvrir un œil avec un cache-œil améliore la coordination oculaire des enfants souffrant d'exotropie intermittente plus efficacement qu'un suivi régulier par un ophtalmologue.
- Peu d'études ont comparé les autres traitements de l'exotropie intermittente, et celles qui l'ont fait n'apportent pas de réponses claires sur leurs bénéfices et leurs risques.
- Des études bien menées sont nécessaires dans ce domaine pour améliorer la prise en charge de l'exotropie intermittente.
Qu'est-ce que l'exotropie intermittente ?
L'exotropie intermittente est une affection oculaire qui se développe au cours de la première année de vie. Elle se caractérise par le fait que l'un des yeux ou les deux yeux se tournent vers l'oreille, généralement lorsque l'enfant regarde au loin, rêvasse, est fatigué ou se trouve en plein soleil. Un seul œil se tourne vers l'extérieur à la fois, tandis que l'autre œil est dirigé vers l'avant. Cela peut se produire de manière peu fréquente ou se produire régulièrement au cours de la journée.
Quels sont les traitements disponibles pour l'exotropie intermittente ?
Un suivi (observation) régulier par un ophtalmologue pourrait suffire lorsque les yeux de l'enfant pointent dans la même direction la plupart du temps, ou lorsque l'exotropie intermittente n'affecte pas la vision.
Pour les enfants présentant une exotropie intermittente plus sévère, plusieurs traitements sont disponibles, notamment :
- des exercices oculaires, pour améliorer le contrôle de l'enfant sur ses mouvements oculaires ;
- des lunettes, pour encourager les yeux à travailler ensemble ;
- la chirurgie des muscles des yeux, pour ajuster la position des yeux ; et
- en couvrant un œil avec un cache-œil, pour renforcer l'autre œil.
Que voulions-nous découvrir ?
Nous voulions savoir :
- quel traitement est le plus efficace pour l'exotropie intermittente ; et
- si les traitements ont des effets indésirables.
Qu'avons-nous fait ?
Nous avons recherché les études qui comparaient différents traitements de l'exotropie intermittente entre eux. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance dans les données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.
Qu'avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 6 études portant sur un total de 890 personnes, principalement des enfants âgés de 12 mois à 10 ans. Les études ont suivi des personnes pendant une période comprise entre six mois et trois ans, et ont été menées aux États-Unis (quatre études), en Inde (une étude) et en Turquie (une étude). Les études ont comparé :
- le cache-œil à l'observation (deux études) ; et
- différents traitements impliquant une intervention chirurgicale (quatre études).
Le cache-œil par rapport à l'observation
Les données probantes :
- montrent que le cache-œil est meilleur que l'observation pour améliorer la coordination des yeux
- suggèrent que le cache-œil et l'observation pourraient avoir des effets similaires sur l'acuité en vision de près.
Les différentes procédures chirurgicales
Les données probantes suggèrent que :
- La chirurgie des muscles qui contrôlent le mouvement vers l'extérieur des deux yeux est probablement plus efficace pour améliorer la coordination des yeux que la chirurgie des muscles qui contrôlent à la fois le mouvement vers l'intérieur et vers l'extérieur d'un seul œil ;
- ces deux procédures pourraient avoir des effets similaires sur l'acuité en vision de près et sur la qualité de vie, et pourraient entraîner un nombre similaire d'effets indésirables (tels que de petites bosses sous la peau) ; et
- il se pourrait qu'il n’y ait que peu ou pas de différence dans l'effet sur la coordination oculaire lors de la fixation d'objets éloignés entre les différentes procédures chirurgicales sur l'intérieur de l'œil (« plicature » et « résection ») lorsqu'elles sont combinées à une chirurgie sur l'extérieur de l'œil.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Les données probantes reposent sur un petit nombre d'études, et plusieurs d'entre elles pourraient avoir utilisé des méthodes susceptibles d'introduire des erreurs dans leurs résultats. En général, les études ont fourni des informations limitées sur les bénéfices et les risques des différents traitements de l'exotropie intermittente. Par exemple, ils n'ont souvent pas étudié les effets indésirables ou les effets sur l’acuité en vision de loin et sur la qualité de vie.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en janvier 2021.
Le cache-œil confère un bénéfice clinique par rapport à l'observation active chez les enfants âgés de 12 mois à 10 ans atteints d’exotropie intermittente basique ou d’exotropie intermittente de loin. Il n’y a pas suffisamment de données probantes pour déterminer si les interventions telles que la récession bilatérale du droit latéral par rapport à la récession unilatérale du droit latéral avec résection du droit médial ; la récession du droit latéral avec plicature du droit médial par rapport à la récession du droit latéral avec résection du droit médial ; et le test d'adaptation prismatique avant la chirurgie des muscles oculaires par rapport à la chirurgie des muscles oculaires seule pourraient apporter un quelconque bénéfice.
La prise en charge clinique de l'exotropie intermittente (X(T)) a fait l'objet de nombreuses discussions dans la littérature, mais il reste un manque de clarté concernant les indications d'intervention, la forme de traitement la plus efficace et s’il y a oui ou non un moment optimal dans l'évolution de la maladie pour la mise en place du traitement.
L'objectif de cette revue était d'analyser les effets de divers traitements chirurgicaux et non chirurgicaux dans des essais contrôlés randomisés (ECR) chez des participants souffrant d'exotropie intermittente, de rendre compte des critères d'intervention et de déterminer si l'effet du traitement varie selon l'âge et le sous-type de X(T).
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2021, numéro 1), qui contient le registre des essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie; Ovid MEDLINE ; Ovid Embase ; la base de données Latin American and Caribbean Health Science Information (Informations d’Amérique latine et des Caraïbes sur les sciences de la santé, LILACS) ; le registre ISRCTN ; ClinicalTrials.gov et le système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. Ces recherches ont été effectuées le 20 janvier 2021. Nous avons effectué des recherches manuelles dans le British Orthoptic Journal jusqu'en 2002, et dans les actes de conférence de l'Association européenne de Strabologie (European Strabismological Association, ESA), de l'Association internationale de Strabologie (International Strabismological Association, ISA) et de l'Association américaine pour l’ophtalmologie pédiatrique et le strabisme (American Association for Pediatric Ophthalmology and Strabismus, AAPOS) jusqu'en 2001.
Nous avons inclus les ECR portant sur tout traitement chirurgical ou non chirurgical de l'exotropie intermittente.
Nous avons suivi la méthodologie standard de Cochrane.
Nous avons inclus six ECR, dont quatre ont eu lieu aux États-Unis et les deux autres en Asie (Turquie, Inde). Au total, 890 participants atteints de X(T) basique ou de X(T) de loin ont été inclus, dont la plupart étaient des enfants âgés de 12 mois à 10 ans. Trois de ces six études étaient dans la version 2013 de cette revue. Dans l'ensemble, les études incluses présentaient un risque élevé de biais de performance, car la mise en aveugle des participants et du personnel administrant le traitement n'était pas possible.
Deux ECR ont comparé la récession bilatérale du muscle droit latéral à la récession unilatérale du droit latéral avec résection du droit médial, mais un seul ECR (n = 197) a rapporté les critères de jugement principaux de cette revue. La récession bilatérale du droit latéral entraîne probablement peu de différence dans l'alignement moteur en vision de près (DM de 1,00, IC à 95 % de -2,69 à 4,69) et de loin (DM de 2,00, IC à 95 % de -1,22 à 5,22), tel que mesuré par la distance pupillaire obtenue lors du test avec prisme à l’écran alterné (prism alternate cover test, PACT) (données probantes d’un niveau de confiance modéré). La récession bilatérale du muscle droit latéral pourrait n'entraîner que peu ou pas de différence en ce qui concerne la stéréo-acuité en vision de près (risque relatif (RR) de 0,77, IC à 95 % de 0,35 à 1,71), les effets indésirables (RR de 7,36, IC à 95 % de 0,39 à 140,65) ou les mesures de la qualité de vie (données probantes d’un niveau de confiance faible).
Nous avons réalisé une méta-analyse de deux ECR comparant le cache-œil (n = 249) à l'observation active (n = 252), mais nous n'avons pas pu réaliser d'autres méta-analyses en raison de l'hétérogénéité clinique et méthodologique des essais restants. Nous avons trouvé des données probantes suggérant que le cache-œil était cliniquement plus efficace que l'observation active pour améliorer l'alignement moteur en vision de près (différence moyenne (DM) de -2,23, intervalle de confiance (IC) à 95 % de -4,02 à -0,44) et de loin (DM de -2,00, IC à 95 % de -3,40 à -0,61), tel que mesuré par le test avec prisme à l’écran alterné (PACT) à six mois (données probantes d’un niveau de confiance élevé). Les données probantes suggèrent que le cache-œil n'entraîne que peu ou pas de différence dans la stéréo-acuité en vision de près (DM de 0.00, IC à 95 % de -0.07 à 0.07) (données probantes d’un niveau de confiance faible). La stéréo-acuité à distance, l’examen de la fusion motrice et les mesures de la qualité de vie n'ont pas été rapportés. Les effets indésirables n'ont pas non plus été rapportés, mais les auteurs de l'étude ont expliqué que cela n’avait pas été prévu en raison de la nature non chirurgicale du cache-œil.
Un ECR (n = 38) a comparé le test d'adaptation prismatique avec chirurgie des muscles oculaires à la chirurgie des muscles oculaires seule. Les critères de jugement de la revue n'ont pas été rapportés.
Un ECR (n = 60) a comparé la récession du muscle droit latéral avec plicature du droit médial à la récession du droit latéral avec résection du droit médial. La récession du droit latéral associée à la plicature du droit médial pourraient ne pas améliorer l'alignement moteur en vision de loin (DM de 0.66, IC à 95 % de -1.06 à 2.38) (données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes concernant l'effet de la récession du droit latéral avec plicature du droit médial sur la performance lors de l’examen de la fusion motrice sont très incertaines (RR de 0,92, IC à 95 % 0,48 à 1,74) (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr