Question de la revue
Quels sont les effets du traitement par une hormone thyroïdienne (la lévothyroxine) et des procédures mini-invasives sur les nodules thyroïdiens bénins ?
Contexte
Les nodules (boursouflures) au sein de la glande thyroïde sont courants et habituellement bénins. Ils sont plus fréquents chez les femmes, les personnes âgées et dans les régions déficitaires en iode. Les nodules thyroïdiens sont souvent détectés de façon fortuite lors d’une échographie de la thyroïde, les nodules de plus de 1 cm étant généralement détectés par la palpation de la glande thyroïde pendant un examen physique. Les nodules thyroïdiens peuvent être uniques ou multiples et peuvent contenir du liquide (kyste). Environ 5 nodules thyroïdiens palpables sur 100 ont un risque de devenir malins (cancer de la thyroïde). Les nodules thyroïdiens sont souvent traités par des hormones thyroïdiennes afin de réduire la taille du nodule. Si les nodules thyroïdiens entraînent des problèmes tels que des symptômes de pression ou une gêne esthétique, une chirurgie peut être effectuée. D'autres thérapies essayent de détruire les nodules thyroïdiens par des procédures mini-invasives (techniques moins invasives que la chirurgie ouverte) et sont généralement réalisées en ambulatoire.
Caractéristiques des études
Nous avons identifié 31 essais contrôlés randomisés pour cette revue systématique. Au total, 2 952 participants ont été assignés aux différents groupes d'intervention et de comparateur. Au total, 16 études d'une durée de six mois à cinq ans ont examiné les effets du traitement par lévothyroxine. Huit études d'une durée de 1 à 12 mois ont examiné l'efficacité des injections, principalement de l’éthanol, dans les nodules dont le liquide a été lentement retiré. Le traitement au laser (en une ou jusqu'à trois séances) a été utilisé sur les nodules dans cinq études d'une durée de 6 à 12 mois. Deux études ont étudié l'application d'une ou deux séances de radiofréquences (ondes radio à haute fréquence) sur 6 à 12 mois.
Principaux résultats
Aucune des interventions n’a examiné la mortalité toute cause, le développement d’un cancer de la thyroïde ou la qualité de vie liée à la santé. La réduction du volume des nodules était obtenue par tous les traitements ; cependant, la pertinence clinique de ce résultat est douteuse. Les traitements mini-invasifs ont amélioré les symptômes de pression et la gêne esthétique. Certains des effets secondaires tels que des douleurs légères à modérées ont été observées après les procédures mini-invasives.
Qualité des preuves
La plupart des résultats des études étaient globalement de faible qualité, principalement parce que seul un petit nombre de personnes avait été étudié, les résultats étaient peu précis ou les mesures étaient sujettes à un biais. Les études futures devraient examiner davantage de critères de jugement importants pour les patients, tels que la qualité de vie liée à la santé, et devraient comparer les thérapies mini-invasives à la chirurgie. Des études avec des périodes de suivi plus longues sont nécessaires pour fournir des preuves sur le développement du cancer de la thyroïde, le décès toutes causes confondues et les effets secondaires à long terme des traitements.
Actualité des données
Les preuves sont à jour en date d’avril 2014.
Aucune étude n'a évalué la mortalité toutes causes confondues ou la qualité de vie liée à la santé, ni fourni des données systématiques sur le développement du cancer de la thyroïde. La période de suivi la plus longue était de cinq ans et le suivi médian était de 12 mois. Une réduction du volume des nodules a été obtenue par l'IPE, la PL et la RF et, dans une moindre mesure, par la LT4. Cependant, la pertinence clinique de cette mesure de résultat est douteuse. L'IPE, la PL et la RF ont amélioré les symptômes de pression et la gêne esthétique. Des événements indésirables tels qu’une douleur péri-procédurale légère à modérée ont été observés après l'IPE, la PL et la RF. Les futures études devraient se concentrer sur des mesures de résultats importants pour le patient, en particulier la qualité de vie liée à la santé, et comparer les procédures mini-invasives avec la chirurgie. Des ECR avec des périodes de suivi de plusieurs années et des études observationnelles de bonne qualité sont nécessaires pour fournir des preuves sur le développement du cancer de la thyroïde, la mortalité toutes causes et les effets indésirables à long terme.
Les nodules thyroïdiens (NT) sont fréquents dans la population adulte. Certains médecins utilisent la thérapie suppressive par lévothyroxine (LT4) afin d'obtenir une réduction du nombre et du volume des NT. En outre, des traitements mini-invasifs ont été proposés à titre d'alternative à la chirurgie, en particulier pour les symptômes de pression et la gêne esthétique : la sclérothérapie par injection percutanée d'éthanol (IPE), la photocoagulation au laser (PL), et l’ablation par micro-ondes (MW pour « microwave »), radiofréquence (RF) et ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU pour « high-intensity focused ultrasound »). Cependant, le rapport bénéfices/risques de l’ensemble des traitements des NT bénins est actuellement inconnu.
Évaluer les effets du traitement par LT4 ou des thérapies mini-invasives (IPE, PL, ou ablation par RF/HIFU/MW) sur les NT bénins.
Nous avons identifié des études en effectuant des recherches informatiques dans la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE, EMBASE et LILACS (toutes effectuées jusqu'en avril 2014). Nous avons également effectué des recherches dans les registres d'essais cliniques, examiné les références bibliographiques des essais contrôlés randomisés (ECR) inclus et des revues systématiques, et contacté les auteurs des études.
Nous avons inclus les études si elles étaient des ECR utilisant des traitements par LT4, IPE, PL, RF, HIFU ou MW chez les participants avec un diagnostic établi de NT bénins. Nous avons exclu les essais portant sur la prévention de la récidive de la maladie thyroïdienne après une intervention chirurgicale, une radiothérapie ou un traitement par iode radioactif.
Deux auteurs de la revue ont, de façon indépendante, extrait les données, évalué le risque de biais des études et évalué la qualité globale des études en utilisant l'instrument GRADE. Nous avons évalué l'hétérogénéité statistique des études incluses par l'inspection visuelle des graphiques en forêt et en quantifiant la diversité avec la statistiqueI². Nous avons synthétisé les données en effectuant une méta-analyse avec un modèle à effets aléatoires ou une analyse descriptive, selon les cas.
Trente-et-une études randomisaient 2 952 patients externes pour étudier les effets de différentes thérapies sur les NT bénins. Les études sur les traitements d’ablation par LT4, IPE, PL et RF randomisaient respectivement 2 083, 607, 192 et 70 participants. Nous n'avons trouvé aucun ECR sur l’ablation par HIFU ou MW dans le traitement des NT bénins. La durée du traitement variait selon les traitements appliqués : jusqu'à cinq ans pour les traitements par LT4 et une à trois séances pour l’ablation par IPE, une à trois séances de PL, et une ou deux séances de RF. Le suivi médian était de 12 mois pour les LT4 et six mois pour les thérapies mini-invasives. La qualité des preuves était faible à modérée, et le risque de biais de performance et de détection pour les résultats subjectifs était élevé dans la plupart des essais.
Aucune étude n'a évalué la mortalité toutes causes confondues ou la qualité de vie liée à la santé. Une seule étude sur la LT4 fournissait des données sur le développement du cancer de la thyroïde et ne rapportait aucun résultat cytologique anormal. Une étude sur la PL a fourni des informations limitées sur les coûts de traitement.
Par rapport à l'absence de traitement ou un placebo, la LT4 était associée à une réduction du volume du nodule de 50 % ou plus chez 16 % des participants (contre 10 %) après 6 à 24 mois de suivi (risque relatif (RR) 1,57 (intervalle de confiance (IC) à 95 % de 1,04 à 2,38) ; P = 0,03 ; 958 participants ; 10 études ; preuves de qualité modérée). Les symptômes de pression ou la gêne esthétique n'ont pas été étudiés dans les études sur la LT4. La thérapie LT4 était généralement bien tolérée : trois études ont fourni des données quantitatives sur les signes et symptômes de l'hyperthyroïdie, qui ont été observés chez 25 % des patients traités par LT4 contre 7 % dans le groupe placebo sur 12 à 18 mois de suivi (269 participants ; 3 essais ; données de faible qualité).
Le traitement par IPE par rapport à l'aspiration du kyste seulement était associé à une réduction du volume du nodule de 50 % ou plus chez 83 % des participants (contre 44 %) après 1 à 24 mois de suivi (RR 1,83 (IC à 95 % de 1,32 à 2,54) ; P = 0,0003 ; 105 participants ; 3 études ; données de faible qualité). Des améliorations des symptômes de compression du cou au bout de 6 à 12 mois de suivi ont été observées chez 78 % des participants recevant des IPE contre 38 % des patients dans les groupes de comparaison. Aucune estimation résumée des effets fiable n'a pu être établie, le RR allait de 1,0 à 3,06 en faveur des IPE (370 participants ; 3 essais ; données de faible qualité). Dans tous les essais, les participants ont ressenti une sensibilité cervicale péri-procédurale et des douleurs légères à modérées sur une durée variant de quelques minutes à plusieurs heures. Conséquemment à la procédure d'IPE, 26 % des participants ont signalé une douleur légère à modérée par rapport à 12 % de ceux bénéficiant uniquement d’une aspiration du kyste (RR de 1,78 (IC à 95 % de 0,62 à 5.12) ; P = 0,28 ; 104 participants ; 3 études ; données de faible qualité).
Une étude comparant la PL avec la LT4 a montré une réduction du volume du nodule de 50 % ou plus en faveur de la PL après 12 mois de suivi chez 33 % des participants versus 0 % des participants du groupe LT4 (62 participants ; 1 essai ; données de faible qualité). Un total de 82 % des patients traités par la PL versus 0 % des participants non traités ont montré des améliorations des symptômes de pression après 6 à 12 mois de suivi (RR 26,65 (IC à 95 % de 5,47 à 129,72) ; P < 0,0001 ; 92 participants ; 3 essais ; données de faible qualité). Environ 20 % des participants du groupe PL ont mentionné une douleur cervicale légère à modérée pendant 48 heures ou plus (97 participants ; 3 essais ; données de faible qualité).
Un essai avec 40 participants, comparant la RF avec l'absence de traitement, entraînait une réduction du volume nodulaire moyen de 76 % dans le groupe RF, par rapport à 0 % dans le groupe ne recevant pas de traitement, au bout de six mois de suivi (preuves de faible qualité). Ces participants traités par RF avaient moins de symptômes de pression et de gêne esthétique après 12 mois de suivi par rapport aux participants non traités (respectivement, une diminution de 2,8 contre une augmentation de 1,1 sur une échelle de 6 points, où de fortes valeurs indiquent des symptômes plus sévères ; données de faible qualité). Tous les participants se sont plaints de douleur et d'inconfort pendant la RF, ces symptômes disparaissant lorsque l'énergie était réduite ou éteinte (preuves de faible qualité).
Traduction réalisée par Cochrane France