Problématique de la revue
L'utilisation d'une insufflation pulmonaire prolongée (durée > 1 seconde) plutôt qu’une insufflation standard (≤ 1 seconde) améliore-t-elle la survie et les résultats sur d’autres critères importants chez les nouveau-nés recevant une réanimation à la naissance ?
Contexte
À la naissance, les poumons sont remplis d’un liquide qui doit être remplacé par de l'air pour que les bébés puissent respirer correctement. Certains bébés ont du mal à établir une respiration efficace à la naissance, et un bébé sur 20 à 30 reçoit une aide à cet effet. Divers appareils sont utilisés pour aider les bébés à commencer à respirer normalement. Certains de ces appareils permettent aux soignants de pratiquer des insufflations prolongées. Ces insufflations prolongées pourraient peut-être aider à gonfler les poumons et à les maintenir ainsi mieux que si cette manœuvre n’est pas utilisée.
Caractéristiques des études
Nous avons recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à la problématique de la revue et avons trouvé 10 études portant sur 1467 nourrissons. Dans toutes les études, les bébés sont nés avant la date prévue de l’accouchement (entre 23 et 36 semaines d'âge gestationnel). L’insufflation prolongée a duré entre 15 et 20 secondes à une pression de 20 à 30 cmH₂O. Dans la plupart des études, une ou plusieurs insufflations prolongées supplémentaires étaient pratiquées en cas de mauvaise réponse clinique, par exemple en cas de fréquence cardiaque basse persistante. Nous avons analysé une étude (qui ne comprenait que neuf nourrissons) séparément parce que les chercheurs ont combiné l'utilisation d’insufflations prolongées ou standard avec des compressions thoraciques, une intervention supplémentaire qui pourrait aider les nourrissons à commencer à respirer normalement.
Principaux résultats
Les études examinées n'ont pas montré de différence importante entre les nourrissons ayant reçu des insufflations prolongées et standard en termes de mortalité, de taux d'intubation au cours des trois premiers jours de vie ou de maladie pulmonaire chronique. Les nourrissons qui bénéficient d'une insufflation prolongée à la naissance peuvent potentiellement passer moins de jours sous ventilation mécanique. Les résultats de plusieurs études en cours pourraient nous aider à déterminer si les insufflations prolongées sont bénéfiques ou nocives. À l'heure actuelle, nous ne pouvons exclure des différences faibles à modérées entre les deux traitements.
Qualité des données probantes
La qualité des données probantes est faible à modérée car, dans l'ensemble, seul un petit nombre d'études ont examiné cette intervention, peu de nourrissons y ont été étudiés et certaines études auraient pu être mieux conçues.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Nous avons cherché des études publiées jusqu'en avril 2019.
Notre méta-analyse de neuf études montre que l'insufflation pulmonaire prolongée sans compression thoracique n’était pas plus efficace que la ventilation intermittente pour réduire la mortalité en salle d’accouchement (données probantes de faible qualité ‒ GRADE) ou pendant l'hospitalisation (données probantes de qualité modérée ‒ GRADE), qui étaient les critères de jugement principaux de cette revue. Cependant, la plus grande étude, correctement menée et avec le plus de participants, a été arrêtée prématurément en raison d'un taux de mortalité plus élevé dans le groupe à insufflation prolongée. Si l'on considère les critères de jugement secondaires, tels que le taux d'intubation, le taux ou la durée de l'assistance respiratoire ou la dysplasie broncho-pulmonaire, nous n'avons pas observé de bénéfice de l’insufflation prolongée par rapport à la ventilation intermittente (données probantes de qualité modérée ‒ GRADE). La durée de la ventilation mécanique a été réduite dans le groupe sujet à l’insufflation pulmonaire prolongée (données probantes de faible qualité ‒ GRADE) ; ce résultat doit toutefois être interprété avec prudence, car il pourrait avoir été influencé par des caractéristiques de l’étude externes à l'intervention. Aucune donnée probante ne permet de préconiser une insufflation prolongée d’après les conclusions de notre revue.
À la naissance, les poumons des nourrissons sont remplis de liquide. Pour une transition respiratoire réussie, ce liquide doit être remplacé par de l'air pour permettre l’échange gazeux. Lorsque la respiration du nourrisson est jugée insuffisante à la naissance, une réanimation par ventilation en pression positive est mise en place. L'administration d'insufflations prolongées au début de la ventilation en pression positive pourrait possiblement aider à évacuer le liquide pulmonaire et à établir un volume gazeux adéquat.
Évaluer les bénéfices et les risques d'une insufflation pulmonaire prolongée initiale (durée > 1 seconde) par rapport aux insufflations standard (≤ 1 seconde) chez les nouveau-nés recevant une réanimation avec ventilation en pression positive intermittente.
Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard du groupe Cochrane sur la néonatologie pour faire des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2019, numéro 3), MEDLINE via PubMed (1966 au 1er avril 2019), Embase (1980 au 1er avril 2019) et le Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés, CINAHL ; 1982 au 1er avril 2019). Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données d'essais cliniques, les actes de conférences et les références bibliographiques des articles extraits pour identifier des essais contrôlés randomisés et des essais quasi randomisés.
Essais contrôlés randomisés (ECR) et quasi randomisés comparant l'insufflation pulmonaire prolongée initiale aux insufflations standard administrées aux nourrissons recevant une réanimation avec ventilation en pression positive à la naissance.
Nous avons évalué la qualité méthodologique des essais inclus en utilisant les critères du groupe Cochrane sur l’efficacité des pratiques et l’organisation des soins (EPOC) (évaluation de la randomisation, de la mise en aveugle, de la perte de suivi et du traitement des données de résultats). Nous avons évalué les effets du traitement à l'aide d'un modèle à effet fixe et avons calculé le risque relatif (RR) pour les données catégorielles et l’écart-type (ET) moyen ainsi que la différence moyenne pondérée (DMP) pour les données continues. Nous avons adopté l’approche GRADE pour évaluer la qualité des données probantes.
Dix essais portant sur 1467 nourrissons répondaient à nos critères d'inclusion. Dans neuf essais impliquant 1458 nourrissons, les chercheurs ont administré une insufflation prolongée sans compression thoracique. L'utilisation de l’insufflation prolongée n'a pas eu d’impact sur les critères de jugement principaux de cette revue, à savoir la mortalité en salle d'accouchement (RR typique 2,66, intervalle de confiance (IC) à 95 % entre 0,11 et 63,40 (I² non applicable) ; différence des risques (DR) typique 0,00, IC à 95 % entre -0,02 et 0,02 ; I² = 0% ; 5 études, 479 participants) et la mortalité pendant l'hospitalisation (RR typique 1,09, IC à 95% entre 0,83 et 1,43 ; I² = 42% ; DR typique 0,01, IC à 95% entre -0,02 et 0,04 ; I² = 24% ; 9 études, 1458 participants). La qualité des données probantes était faible pour les décès en salle d'accouchement en raison des limites de la conception de l’étude et de l'imprécision des estimations (un seul décès a été enregistré sur l’ensemble des études). En ce qui concerne les décès avant la sortie de l'hôpital, la qualité était modérée : le nombre de décès était plus élevé avec un suivi plus long (n = 143), mais certaines limites persistaient dans la conception des études. Parmi les critères de jugement secondaires, la durée de la ventilation mécanique était plus courte dans le groupe sujet à l’insufflation pulmonaire prolongée (différence moyenne (DM) -5,37 jours, IC à 95% entre -6,31 et -4,43 ; I² = 95% ; 5 études, 524 participants ; données probantes de faible qualité). Sur ce critère de jugement, l'hétérogénéité, la significativité statistique et la taille de l’effet sont largement influencées par une seule étude à haut risque de biais. En effet, lorsque cette étude a été retirée de l'analyse, la taille de l’effet était moindre (DM -1,71 jour, IC à 95 % entre -3,04 et -0,39 ; I² = 0 %). Les résultats n'ont pas mis en évidence de différence sur les autres critères de jugement secondaire, que ce soit pour le risque d'intubation endotrachéale en dehors de la salle d'accouchement avant 72 heures (RR typique 0,91, IC à 95% entre 0,79 et 1,04 ; I² = 65% ; 5 études, 811 participants), le risque d'administration de surfactant pendant l'hospitalisation (RR typique 0,99, IC à 95% entre 0,91 et 1.08 ; I² = 0% ; 9 études, 1458 participants), le risque de maladie pulmonaire chronique (RR typique 0,99, IC à 95% entre 0,83 et 1,18 ; I² = 0% ; 4 études, 735 participants), de pneumothorax (RR typique 0,89, IC à 95% entre 0,57 et 1,40 ; I² = 34 % ; 8 études, 1 377 nourrissons) ou de persistance du canal artériel nécessitant un traitement pharmacologique (RR typique 0,99, IC à 95 % entre 0,87 et 1,12 ; I² = 48 % ; 7 études, 1 127 nourrissons). La qualité des données probantes pour ces critères de jugement secondaires était modérée (limites dans la conception de l’étude ‒ GRADE), sauf pour le pneumothorax où la qualité était faible en raison de limites dans la conception de l’étude et de l’imprécision des estimations ‒ GRADE. Nous n'avons pas pu effectuer de méta-analyse afin de comparer l’insufflation initiale prolongée par rapport à l’insufflation standard chez les nouveau-nés recevant une réanimation avec compressions thoraciques car nous n'avons identifié qu'un seul essai à inclure (une étude pilote portant sur neuf prématurés).
Post-édition : Victorien ATTENOT & Urmila NAIR (M2 ESIT, Université Sorbonne Nouvelle)