Le foie a plusieurs fonctions, notamment la production et le stockage de substances nécessaires au maintien de la vie. Il traite des substances toxiques (notamment celles qui sont produites dans le corps par la dégradation de vieux globules rouges) et joue un rôle dans l'élimination de ces substances toxiques traitées. Il produit la bile qui contient des substances nécessaires à la digestion des aliments. La bile est stockée temporairement dans la vésicule biliaire et atteint l'intestin grêle par la voie biliaire principale, généralement en réponse à un stimulus tel que l'ingestion d'aliments gras. Les substances toxiques traitées sont transportées dans la bile. Ces substances toxiques traitées sont éliminées quand la personne vide ses intestins. Quand l'écoulement de la bile est obstrué, les produits de la dégradation des globules rouges peuvent s'accumuler et provoquer une décoloration jaunâtre de la peau et d'autres muqueuses du corps comme le blanc de l'œil et la face inférieure de la langue. Il en résulte une forme de jaunisse appelée jaunisse obstructive. L'obstruction à l'écoulement de la bile est habituellement causée par des calculs dans le canal cholédoque. L'origine de ces pierres peut être dans la vésicule biliaire ou dans le canal cholédoque. La majorité de ces pierres peuvent être traitées par voie endoscopique. Une petite proportion des pierres doivent cependant être retirées chirurgicalement. Les autres causes majeures d'obstruction biliaire sont notamment le rétrécissement de la voie biliaire résultant de l'inflammation causée par des calculs, les lésions de la voie biliaire occasionnées durant une opération d'ablation de la vésicule biliaire et le cancer de la voie biliaire, du pancréas (un organe situé derrière et en dessous de l'estomac qui sécrète les sucs digestifs nécessaires à la digestion des aliments et qui contient également les cellules qui sécrètent l'insuline permettant de stabiliser les niveaux de sucre dans le sang) ou de la partie supérieure de l'intestin grêle appelée duodénum. L'ablation opératoire est à ce jour le seul traitement curatif disponible pour ces cancers. Ces opérations sont généralement des grosses opérations. Toutefois, la présence de substances toxiques due à l'obstruction de l'écoulement de la bile peut entraîner des perturbations physiologiques. Certains chirurgiens mettent en œuvre des procédures de drainage temporaire de la bile avant d'effectuer la grosse opération de dégagement de l'obstruction biliaire causée par des calculs, une inflammation ou un cancer. Ces procédures pré-opératoire peuvent être réalisées par voie endoscopique (en introduisant par la bouche dans l'intestin grêle un instrument équipé d'une caméra, puis en insérant un petit tuyau de drainage à travers cet instrument jusqu'au-delà de l'obstruction de la voie biliaire) ou bien sous rayons X ou d'autres formes de guidage par l'image via le foie. D'autres chirurgiens estiment cependant que les procédures temporaires de drainage de la bile ne sont pas nécessaires et qu'il faut procéder directement à l'opération. Nous avons recherché des données concernant cette controverse, exclusivement dans des essais cliniques randomisés. Ces études, lorsqu'elles sont menées correctement, fournissent les meilleures données. Deux auteurs ont, de manière indépendante, identifié les essais et obtenu les informations des essais.
Nous avons inclus dans cette revue six essais impliquant 510 patients. Le nombre de patients inclus dans les essais variait de 40 à 202. Tous les essais présentaient un risque élevé de biais, c'est-à-dire qu'il était possible que les essais surestiment les bénéfices et sous-estiment les risques. Il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes au niveau des risques de décès. Le taux de complications graves était plus élevé chez les patients ayant subi un drainage biliaire avant l'opération que chez ceux ayant été opérés directement. Dans aucun des essais il n'avait été rendu compte de la qualité de vie. Il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes dans la durée d'hospitalisation. Dans aucun des essais il n'avait été rendu compte des coûts. Les meilleures données actuellement disponibles ne justifient aucunement l'utilisation en routine du drainage biliaire avant une grosse opération sur les patients présentant une obstruction à l'écoulement de la bile. Le drainage biliaire de routine ne devrait pas être financé et pourrait donner lieu à des litiges. Il pourrait par ailleurs être nécessaire de mener des essais bien conçus, à faibles risques d'erreurs systématiques et d'erreurs aléatoires (faible risque d'effet de hasard).
Il n'y a pas actuellement suffisamment de données pour étayer ou rejeter le drainage biliaire pré-opératoire de routine chez les patients présentant un ictère obstructif. Le drainage biliaire pré-opératoire pourrait accroitre le taux d'événements indésirables graves. La sécurité du drainage biliaire préopératoire de routine n'a donc pas été établie. Le drainage biliaire pré-opératoire ne devrait pas être utilisé chez les patients devant être opérés d'un ictère obstructif, en dehors d'essais cliniques randomisés.
Les patients atteints de jaunisse obstructive subissent divers changements physiopathologiques qui affectent le foie, les reins, le cœur et le système immunitaire. Il y a une importante controverse sur l'éventuel bénéfice pour le patient du dégagement temporaire de l'obstruction biliaire avant l'intervention chirurgicale définitive lourde (drainage biliaire pré-opératoire).
Évaluer les bénéfices et les risques du drainage biliaire pré-opératoire par rapport au non drainage biliaire pré-opératoire (chirurgie directe) chez les patients souffrant de jaunisse obstructive (que la cause soit bénigne ou maligne).
Nous avons effectué une recherche dans le registre des essais contrôlés du groupe Cochrane sur les affections hépato-biliaires, le registre Cochrane des essais cliniques contrôlés (CENTRAL) dans The Cochrane Library, MEDLINE, EMBASE et le Science Citation Index Expanded jusqu'à février 2012.
Nous avons inclus tous les essais cliniques randomisés comparant l'opération chirurgicale de l'ictère obstructif avec ou sans drainage biliaire pré-opératoire, quels qu'en soient les effectifs, la langue et le statut de publication.
Deux auteurs ont évalué les essais à inclure et extrait les données de façon indépendante. Nous avons calculé le risque relatif (RR), le taux de proportion (TP) ou la différence moyenne (DM), avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %, sur la base de l'analyse des données individuelles disponibles. Nous avons évalué le risque de biais (surestimation systématique du bénéfice ou sous-estimation systématique des risques) avec des éléments de l'outil Cochrane de risque de biais. Nous avons évalué le risque d'effet de hasard (erreurs aléatoires) par analyse séquentielle des essais.
Nous avons inclus six essais sur un total de 520 patients ayant comparé le drainage biliaire pré-opératoire (265 patients) au non drainage biliaire pré-opératoire (255 patients). Quatre essais avaient utilisé le drainage biliaire transhépatique percutané et deux essais avaient utilisé la sphinctérotomie endoscopique et l'endoprothèse comme méthode de drainage biliaire pré-opératoire. Le risque de biais était élevé dans tous les essais. La proportion de patients présentant une obstruction maligne variait entre 60 % et 100 %. Il n'y avait pas de différence significative de mortalité entre le groupe de drainage biliaire pré-opératoire (40/265, proportion pondérée de 14,9 %) et le groupe de chirurgie directe (34/255, 13,3 %) (RR 1,12 ; IC à 95 % 0,73 à 1,71 ; P = 0,60). La morbidité grave totale était plus élevée dans le groupe de drainage biliaire pré-opératoire (60 pour 100 patients) que dans le groupe de chirurgie directe (26 pour 100 patients) (TP 1,66 ; IC à 95 % 1,28 à 2,16 ; P = 0,0002). La proportion de patients ayant développé une morbidité grave était significativement plus élevée dans le groupe de drainage biliaire pré-opératoire (75/102, 73,5 %) que dans le groupe de chirurgie directe (37/94, 37,4 %) (P < 0,001). Dans aucun des essais il n'avait été rendu compte de la qualité de vie. Il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes dans la durée d'hospitalisation (2 essais, 271 patients ; DM 4,87 jours ; IC à 95 % -1,28 à 11,02 ; P = 0,12). L'analyse séquentielle d'essais a montré que, pour la mortalité, seule une petite proportion du volume d'informations requises avait été obtenue. Il semblait qu'il n'y ait pas de différence significative entre les sous-groupes d'essais ayant évalué les drainages percutané et endoscopique.