Question de la revue
Cette revue examine la dose optimale de chlorpromazine pour traiter les personnes ayant une schizophrénie.
Contexte
La schizophrénie est une maladie mentale grave affectant environ 1 % de la population adulte dans le monde entier. Les personnes ayant une schizophrénie entendent souvent des voix ou voient des choses apparemment inexistantes (des hallucinations) et ont des croyances étranges (des idées délirantes). Le principal traitement pour ces symptômes de la schizophrénie sont des médicaments antipsychotiques. La chlorpromazine est l'un des premiers médicaments antipsychotiques s'étant révélé efficace dans le traitement de la schizophrénie durant les années 1950. Elle reste l'un des traitements les plus couramment utilisés et est peu coûteuse même de nos jours. Cependant, elle a également des effets secondaires graves, tels qu'une vision floue, de la sécheresse buccale, des tremblements ou des mouvements incontrôlables, la dépression, une rigidité musculaire et de l'agitation.
Caractéristiques de l'étude
Une recherche mise à jour ayant pour objectif d'identifier les essais contrôlés randomisés pertinents a été effectuée en octobre 2014 ainsi qu'en décembre 2016 et a trouvé une nouvelle étude. Cinq études répondant aux critères d'inclusion de la revue ont été identifiées. Les études incluses sont toutes des essais randomisés, et étudient les effets de l'administration de différentes doses de chlorpromazine pour les personnes ayant une schizophrénie. Le nombre total de participants était de 585.
Principaux résultats
La chlorpromazine a montré des effets différents à différentes doses. Sur la base de preuves non concluantes, les effets sur la santé mentale à faible doses et à doses modérées sont similaires. Cependant, il existe davantage d'effets secondaires lorsque des doses modérées sont utilisées. Les améliorations de la santé mentale sont supérieures lorsque des doses élevées sont utilisées par rapport à des doses plus faibles. Cependant, les effets secondaires sont beaucoup plus nombreux et invalidants à haute doses. Au cours des cinquante dernières années, le traitement à faibles doses a été privilégié pour ces personnes. Ce changement s'est réalisé progressivement et est basé sur des expériences quotidiennes et un consensus plutôt que sur des preuves scientifiques. La chlorpromazine est peu coûteuse et largement disponible. Malgré ses nombreux effets secondaires, il est probable que la chlorpromazine reste une référence ou un excellent médicament, ainsi que l'un des traitements les plus fréquemment utilisés pour le traitement de la schizophrénie dans le monde entier.
Qualité des preuves
Tous les essais dans cette revue ont été réalisés dans un contexte hospitalier et tous, sauf un, il y a 20 ans. Il existe un nombre limité d'études, de qualité limitée, mal rapportées et qui portent sur le court terme. Des recherches supplémentaires et des essais portant sur la dose de chlorpromazine sont justifiés.
Ben Gray, chercheur senior à la fondation McPin.http://mcpin.org
Les doses de chlorpromazine utilisées ont considérablement changé au cours des 50 dernières années avec en préférence des doses plus faibles utilisées aujourd'hui. Cependant, cette variation était progressive et n'est pas survenue en raison de preuves fondées, mais en raison de l'expérience clinique et sur la base d'un consensus. La chlorpromazine est l'un des médicaments antipsychotiques les plus couramment utilisés, mais l'utilisation appropriée de doses plus faibles n'est survenue qu'après de nombreuses années d'essais et d'erreurs avec des doses plus élevées. En l'absence d'études comparatives de haute qualité, les cliniciens n'avaient pas d'autre alternative que d'apprendre à partir de leurs expériences. Toutefois, cette approche peut manquer de rigueur scientifique et ne permet pas une bonne diffusion des informations qui pourraient aider les cliniciens à trouver la posologie de traitement optimal pour leurs patients. À l'avenir, les données issues d'essais cliniques de haute qualité portant sur de nouveaux médicaments devraient être disponibles pour permettre de fournir un traitement optimal aux patients et sur la durée la plus courte possible.
La liste modèle des médicaments essentiels de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique la chlorpromazine comme étant l'un des cinq médicaments utilisés dans les troubles psychotiques.
Déterminer la relation dose-réponse et dose-effets indésirables de la chlorpromazine pour le traitement de la schizophrénie et des psychoses schizophréniformes.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur la schizophrénie (en décembre 2008 ; le 2 octobre 2014 ; et le 19 décembre 2016).
Tous les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant de faibles doses de chlorpromazine ≤ (400 mg/jour), des doses modérées (401 mg/jour à 800 mg / jour) ou des doses plus élevées (> 800 mg/jour) chez les personnes ayant une schizophrénie et rapportant des résultats cliniques.
Nous avons inclus les études répondant aux critères de la revue et fournissant des données utilisables. Les auteurs de la revue ont extrait les données de manière indépendante. Pour les données dichotomiques, nous avons calculé les risques relatifs (RR) à effets fixes et leurs intervalles de confiance à 95 % (IC). Pour les données continues, nous avons calculé les différences moyennes (DM) et leurs IC à 95 % sur la base d'un modèle à effets fixes. Nous avons évalué le risque de biais des études incluses et noté la qualité des essais en utilisant le système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).
Lors des recherches effectuées en 2014, nous avons trouvé une nouvelle étude et en 2016 nous avons obtenu des données supplémentaires pour les études déjà incluses. Cinq études pertinentes, avec 1132 participants (dont 585 sont pertinents pour cette revue) sont désormais incluses. Tous les essais avaient été réalisés dans un contexte hospitalier et, malgré plus de 60 ans d'utilisation de la chlorpromazine, avaient des durées de moins de six mois et étaient tous au moins à risque modéré de biais. Nous n'avons trouvé que des données sur les faibles doses (≤400 mg/jour) versus des doses modérées de chlorpromazine (de 401 mg/jour à 800 mg/jour) et des doses faibles par rapport à des doses élevées de chlorpromazine (> 800 mg/jour).
Lorsque la chlorpromazine à faibles doses ( ≤400 mg/jour) était comparée à la chlorpromazine à doses modérées (de 401 mg/jour à 800 mg/jour), il n'y avait aucun effet bénéfique clair en faveur d'une dose par rapport à l'autre pour les deux critères de jugement de l'état global et de l'état mental (preuves de faible qualité et preuves de très faible qualité). Il n'y avait également aucune preuve probante indiquant que les personnes dans un groupe recevant un certain dosage étaient plus susceptibles de quitter l'étude prématurément, par rapport à l'autre groupe (preuves de qualité modérée). Le même nombre de participants dans chaque groupe présentait une agitation et de la nervosité (preuves de très faible qualité). Cependant, un nombre significativement plus élevé de personnes dans le groupe recevant des doses modérées (de 401 mg/jour à 800 mg/jour) ont ressenti des symptômes extrapyramidaux à court terme (2 ECR, n = 108, RR de 0,47, IC à 95 % 0,30 à 0,74, preuves de qualité modérée). Aucune donnée n'était disponible concernant les décès.
Lorsque la chlorpromazine à faibles doses (≤ 400 mg/jour) était comparée à des doses plus élevées (> 800 mg/jour), des données issues d'une étude avec 416 patients étaient disponibles. Des preuves claires d'un bénéfice avec les doses élevées étaient observées en ce qui concerne l'état global. Le groupe recevant de faibles doses présentaient significativement moins de personnes observant une amélioration (RR 1,13, IC à 95 % 1,01 à 1,25, preuves de qualité modérée). Il y avait également une différence significative entre le nombre de participants abandonnant les études dans chaque groupe pour une raison quelconque, avec un nombre significativement plus élevé de personnes abandonnant dans le groupe à hautes doses (RR 0,60, IC à 95 % 0,40 à 0,89, preuves de qualité modérée). Davantage de personnes dans le groupe à faibles doses devaient quitter l'étude en raison d'une détérioration du comportement (RR 2,70, IC à 95 % 1,34 à 5,44, preuves de faible qualité). Il y avait des preuves claires d'un plus grand risque de personnes souffrant de symptômes extrapyramidaux en général dans le groupe recevant des doses élevées (RR 0,43, IC à 95 % 0,32 à 0,59, preuves de qualité modérée). Un décès a été rapporté dans le groupe recevant des doses élevées mais aucun effet n'a été observé entre les deux groupes recevant des dosages différents (RR 0,33, IC à 95 % 0,01 à 8,14, preuves de qualité modérée). Aucune donnée n'était disponible concernant l'état mental.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France