Neuromodulateurs pour la gestion de la douleur de l'arthrite rhumatoïde

Ce résumé d’une revue Cochrane présente les connaissances tirées de nos recherches portant sur les effets des neuromodulateurs sur la douleur chez les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde.

Cette revue démontre que chez les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde :

- Le néfopam, la capsaïcine topique et le cannabis oromucosal peuvent alléger les douleurs

- Le cannabis oromucosal peut légèrement améliorer le sommeil

- Aucun essai n'a été trouvé qui ait évalué si les neuromodulateurs ont une incidence sur le statut fonctionnel, la qualité de vie, les retraits pour analgésie insuffisante ou la dépression

Nous ne disposons pas non plus d'informations précises sur les effets secondaires graves et les complications. Les effets secondaires possibles du néfopam constatés dans ces essais comprennent la nausée, la sécheresse buccale, la transpiration et la sensation de fatigue. Toutefois, des complications rares ont également été signalées, telles que convulsions et arythmies cardiaques.

Les effets secondaires courants de la thérapie par capsaïcine topique incluent les irritations cutanées locales et les brulures. Des réactions allergiques plus graves sont rares mais ont été signalées.

Les effets secondaires possibles du cannabis oromucosal rencontrés dans cette revue étaient les étourdissements, la fatigue et la perte d'équilibre. Les lecteurs doivent être conscients que, bien que cela n'ait pas été rencontré dans notre revue, des complications rares ont également été signalées, dont la psychose et les pensées suicidaires.

Qu’est-ce que l’arthrite rhumatoïde et que sont les neuromodulateurs ?

Lorsque vous souffrez d’une arthrite rhumatoïde, votre système immunitaire, qui combat normalement les infections, attaque la paroi de vos articulations. Cela fait gonfler vos articulations et les rend raides et douloureuses. Les petites articulations de vos mains et de vos pieds sont généralement les premières touchées. Il n’existe à l’heure actuelle aucun remède pour l’arthrite rhumatoïde et les traitements visent donc à soulager la douleur et la raideur, ainsi qu’à améliorer votre capacité à vous déplacer.

Les neuromodulateurs sont globalement définis comme des substances qui modifient la façon dont les nerfs communiquent entre eux et donc le niveau global d'activité du cerveau. En agissant sur ces signaux nerveux, on pense que ces médicaments peuvent réduire la douleur ressentie par la personne. Parmi les neuromodulateurs parfois utilisés dans la gestion de la douleur on compte les anticonvulsivants (des médicaments utilisés pour prévenir les crises convulsives), la kétamine (par voie orale, intramusculaire ou intraveineuse), le néfopam (par voie orale ou intraveineuse), la capsaïcine topique, les médicaments à base de cannabis (par voie orale, oromucosale ou inhalation) et, plus récemment, la toxine botulinique intra-articulaire.

Meilleure estimation de ce qui arrive aux personnes souffrant d’arthrite rhumatoïde et qui prennent des neuromodulateurs

Néfopam par voie orale

Douleur (des scores plus élevés signifient une douleur plus pénible ou plus forte)

- Les gens ayant pris du néfopam ont attribué à leur douleur une note plus basse de 21 points, sur une échelle de 0 à 100, après 2 semaines de traitement par néfopam (21% d'amélioration absolue)

- Les gens ayant pris du néfopam ont attribué après 2 semaines une note de 18 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 100

- Les personnes ayant pris un placebo ont attribué une note de 39 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 100

Nombre total d'effets secondaires

- 27 personnes de plus sur 100 ont subi un événement indésirable après 4 semaines de traitement par néfopam (différence absolue de 27 %). Il s'agissait principalement de nausées (56 %), de transpiration (44 %), d'insomnie (11 %), de prurit (11 %) et de malaise (11 %). Ils ont complètement disparu une fois le traitement cessé

- Sur 100 patients ayant pris du néfopam, 35 ont souffert d’un effet indésirable

- Sur 100 patients ayant pris un placebo, 8 ont souffert d’un effet indésirable.

Capsaïcine topique

Douleur (des scores plus élevés signifient une douleur plus pénible ou plus forte)

- Les gens ayant pris de la capsaïcine ont attribué à leur douleur une note plus basse de 34 points, sur une échelle de 0 à 100, après 2 semaines de traitement (34 % d'amélioration absolue)

- Les gens ayant pris de la capsaïcine ont attribué après 2 semaines une note de 14 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 100

- Les personnes ayant pris un placebo ont attribué une note de 48 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 100

Événements indésirables

Aucunes données

Cannabis oromucosal

Douleur (des scores plus élevés signifient une douleur plus pénible ou plus forte)

- Les gens ayant pris du cannabis oromucosal ont attribué à leur douleur une note plus basse de 0,7 points, sur une échelle de 0 à 5, après 5 semaines de traitement

- Les gens ayant pris du cannabis oromucosal ont attribué à leur douleur une note de 2,6 points, sur une échelle de 0 à 5, après 5 semaines de traitement

- Les personnes ayant pris un placebo ont attribué une note de 3,3 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 5

Qualité du sommeil

- Les gens ayant pris du cannabis oromucosal ont attribué à leur sommeil une note améliorée de 1,2 points, sur une échelle de 0 à 10, après 5 semaines de traitement (12 % d'amélioration absolue)

- Les gens ayant reçu du cannabis oromucosal ont attribué à leur douleur une note de 4,6 points, sur une échelle de 0 à 10, après 5 semaines de traitement

- Les personnes ayant reçu un placebo ont attribué une note de 3,4 à leur douleur, sur une échelle de 0 à 10

Nombre total d'effets secondaires

- 27 personnes de plus sur 100 ont subi un événement indésirable après 4 semaines de traitement au cannabis oromucosal (différence absolue de 27 %). Il s'agissait le plus souvent de vertiges (26 %), d'étourdissements (10 %), de sécheresse buccale (13 %), de nausées (6 % ) et de chutes (6 %). Ils ont complètement disparu une fois le traitement arrêté

- Sur 100 patients ayant pris du cannabis oromucosal , 35 ont souffert d’un effet indésirable

- Sur 100 patients ayant pris un placebo, 8 ont souffert d’un effet indésirable.

Nous avons examiné toute la littérature scientifique publiée et nous avons identifié quatre essais médicamenteux ayant évalué différents neuromodulateurs. Deux petites études portant au total sur 52 patients avaient testé le néfopam (qui n'est disponible que dans certaines régions du monde). Un essai avait testé la crème de capsaïcine (31 participants) et un autre un spray buccal à base de cannabis (58 participants). Remarque : l'utilisation de cannabis médicinal est illégale, et on ne peut donc pas s'en procurer, dans la plupart des pays.

Les patients ayant pris du néfopam avaient bénéficié d'un plus grand allègement de la douleur, en moyenne 21 points sur une échelle de 100 points, que les patients qui avaient reçu un placebo (une substance inactive qui n'a pas de valeur thérapeutique). Cependant, les patients sous néfopam avaient également développé des effets secondaires, consistant principalement en nausées et sueurs. Beaucoup de patients avaient cessé de prendre le médicament tellement les symptômes étaient pénibles. Ces études avaient été réalisées dans les années 1980 lorsque le traitement de l'AR était très différent de ce qu'il est aujourd'hui. Jusqu'à ce que d'autres études plus vastes soient effectuées afin de mieux évaluer le néfopam, ainsi que de nombreux autres médicaments anti-douleur efficaces qui sont sur ​​le marché, les risques de préjudices semblent l'emporter sur les avantages, militant contre son utilisation régulière.

Dans une petite étude testant la crème de capsaïcine (0,025 %) chez des patients souffrant de douleurs persistantes au genou, les patients ont également bénéficié d'un meilleur soulagement de la douleur avec la crème de capsaïcine qu'avec la crème placebo. En moyenne, les patients recevant le traitement actif avaient bénéficié d'une amélioration de 34 points (sur 100) par rapport au groupe témoin. L'effet indésirable le plus fréquent était une sensation de brûlure locale là où la crème avait été appliquée. Cela était généralement léger, mais pouvait aussi être modéré à fort chez certains patients. Environ 50 % des patients qui utilisent la crème de capsaïcine sur leur peau développeront cette brûlure locale, mais seulement 2 sur 100 arrêteront le traitement pour cette raison.

La seule étude sur le spray buccal Sativex à base de cannabis a également constaté, dans une petite mesure, une moindre douleur chez les patients. La douleur avait été mesurée sur une échelle de 0 à 5 points et il y avait une amélioration de 0,74 points chez les patients recevant du Sativex. Environ un patient sur trois prenant ce médicament avait développé un effet secondaire, qui était souvent des vertiges (26 %), de la sécheresse buccale (13 %) ou des étourdissements (10 %). Bien qu'il ne s'agisse que d'une seule étude, si nous mettons en balance ces effets secondaires et le bénéfice minime sur la douleur nous ne pouvons pas recommander l'utilisation de ce médicament avant que d'autres essais soient effectués.

Conclusions des auteurs: 

Il y a actuellement de vagues preuves que le néfopam en prise orale, la capsaïcine topique et le cannabis oromucosal sont tous supérieurs au placebo dans la réduction de la douleur chez les patients atteints d'AR. Cependant, chaque agent est associé à un important profil d'effets secondaires. Nos estimations ne méritent pas une trop forte confiance, compte tenu des difficultés avec la mise en aveugle, des petits nombres de participants étudiés et du manque de données sur les effets indésirables. Chez certains patients cependant, même un léger soulagement de la douleur peut être considéré comme important. Jusqu'à ce que des recherches supplémentaires soient disponibles, étant donnée la nature relativement bénigne des effets indésirables, la capsaïcine peut être considérée comme une thérapie d'appoint pour les patients souffrant de douleurs locales persistantes et répondant de manière inadéquate ou ne supportant pas les autres traitements. Le néfopam en prise orale et le cannabis oromucosal ont des profils d'effets secondaires plus importants et les préjudices potentiels semblent l'emporter sur tout bénéfice léger pouvant être obtenu.

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Contexte: 

Pour les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde (AR), la gestion de la douleur est de la plus haute importance. Malgré des lacunes dans les données de la recherche, les neuromodulateurs sont aujourd'hui largement utilisés comme adjuvants dans la gestion des patients souffrant de douleur musculo-squelettique chronique.

Objectifs: 

L’objectif de cette revue était de déterminer l’efficacité et l’innocuité des neuromodulateurs pour la gestion de la douleur chez les patients souffrant d’AR. Les neuromodulateurs inclus dans cette revue étaient les anticonvulsivants (gabapentine, prégabaline, phénytoïne, valproate de sodium, lamotrigine, carbamazépine, lévétiracétam, loxcarbazépine, tiagabine et topiramate), la kétamine, le bupropion, le méthylphénidate, le néfopam, la capsaïcine et les cannabinoïdes.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches assistées par ordinateur dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (The Cochrane Library , 4ème trimestre), MEDLINE (de 1950 jusqu'à la 1ère semaine de novembre 2010), EMBASE (44ème semaine 2010) et PsycINFO (de 1806 jusqu'à la 2ème semaine de novembre 2010). Nous avons également effectué des recherches dans les actes des conférences organisées en 2008 et 2009 par l’American College of Rheumatology (ACR) et par la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR), ainsi que des recherches manuelles dans les bibliographies d’articles.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant un quelconque neuromodulateur à un autre traitement (actif ou placebo, y compris thérapies non pharmacologiques) chez des patients adultes souffrant d’AR, dans la mesure où ils effectuaient au moins une mesure de résultat cliniquement pertinente.

Recueil et analyse des données: 

Les deux auteurs de cette revue, qui ont été masqués, ont extrait des données et évalué les risques de biais dans les essais de manière indépendante. Des méta-analyses ont été utilisées afin d’examiner l’efficacité des neuromodulateurs sur la douleur, la dépression et l’état fonctionnel, ainsi que leur innocuité.

Résultats principaux: 

Quatre essais à risque élevé de biais ont été inclus dans cette revue. Deux essais avaient évalué le néfopam oral (52 participants), un essai avait évalué la capsaïcine topique (31 participants) et un autre le cannabis oromucosal (58 participants).

Les analyses regroupées ont identifié un niveau significativement moindre de douleur avec le néfopam par rapport au placebo (différence moyenne pondérée (DMP) -21,16 / IC à 95 % -35,61 à -6,71 ; nombre nécessaire à traiter (NNT) 2 / IC à 95 % 1,4 à 9,5) après deux semaines. Les données étaient insuffisantes pour évaluer les retraits dus à des effets indésirables. Le néfopam était associé à significativement plus d'événements indésirables (RR 4,11 / IC à 95 % 1,58 à 10,69 ; NNN 9 / IC à 95 % 2 à 367) qui étaient principalement des nausées et des sueurs.

Dans un essai sur une population mixte, l'analyse qualitative des patients atteints d'AR a montré une réduction significativement plus importante de la douleur avec la capsaïcine topique qu'avec le placebo après une et deux semaines (DM -23,80 / IC à 95 % -44,81 à -2,79 ; NNT 3 / IC à 95 % 2 à 47 ; et DM -34,40 / IC à 95 % -54,66 à -14,14 ; NNT 2 / IC à 95 % 1,4 à 6, respectivement). Les données d'innocuité n'étaient pas disponibles de manière séparée pour les patients atteints d'AR, mais 44 % des patients avaient développé une brûlure à l'endroit de l'application et 2 % avaient abandonné pour cette raison.

Un petit essai de faible qualité avait évalué le cannabis oromucosal par rapport à une placebo et avait trouvé une petite différence significative en faveur du cannabis au niveau de la note verbale de 'douleur à l'instant présent' (DM -0,72 / IC à 95 % -1,31 à -0,13) après cinq semaines. Les patients recevant du cannabis étaient significativement plus susceptibles de souffrir d'un événement indésirable (risque relatif (RR) 1,82 / IC à 95 % 1,10 à 3,00 ; NNN 3 / IC à 95 % 3 à 13). Il s'agissait le plus souvent de vertiges (26 %), de sécheresse buccale (13 %) et d'étourdissements (10 %).

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.