Le terme d'angiogenèse se rapporte au développement de nouveaux vaisseaux sanguins à partir des lits pré-existants qui contiennent les vaisseaux sanguins normaux. Les tumeurs sont tributaires pour leur croissance de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Le facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) est une molécule clé pour la stimulation de la croissance des vaisseaux sanguins. Les traitements ciblant le VEGF constituent une nouvelle classe de médicaments conçus pour cibler une molécule spécifique. Un de ces médicaments est le bevacizumab (Avastin), qui a été étudié dans des essais cliniques sur le cancer du sein métastatique. Des essais avec d'autres médicaments sont en cours. Des données sont fournies par sept études randomisées ayant évalué l'effet du bevacizumab sur le critère de résultat principal chez un total de 4 032 patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique. Ces patients étaient soit à récepteurs hormonaux négatifs, soit avaient progressé sous traitement hormonal. Le principal critère de jugement était la survie sans progression et les critères de jugement secondaires étaient notamment la survie globale, le taux de réponse mesurant la variation de la taille de la tumeur, la qualité de vie et la toxicité du traitement. La survie sans progression est considérée comme un critère de jugement de substitution, en remplacement du critère de survie globale. L'ajout du bevacizumab à la chimiothérapie prolonge significativement la survie sans progression et les taux de réponse chez les patients ayant ou non bénéficié antérieurement d'une chimiothérapie pour leur maladie métastatique. L'ampleur de ce bénéfice dépend du type de chimiothérapie utilisée. Les meilleurs résultats ont été observés avec la combinaison hebdomadaire de paclitaxel et de bevacizumab chez les patients sans chimiothérapie antérieure pour maladie métastatique. Bien que la survie sans progression fut significativement plus longue avec le bevacizumab, il n'a pas été observé d'effet significatif sur la survie globale ou sur la qualité de vie. La qualité de vie est une mesure directe du bénéfice pour le patient. Les effets indésirables du bevacizumab dans le cancer du sein sont généralement gérables mais ils peuvent être graves, notamment : pics de tension artérielle élevée plus fréquents, caillots de sang dans les artères et perforations intestinales. Cependant, les taux globaux de mortalité liée au traitement étaient inférieurs chez les patients traités avec du bevacizumab. En raison de l'absence d'effet sur la survie globale et la qualité de la vie, et malgré une survie sans progression accrue, la question de savoir si le bevacizumab est véritablement bénéfique pour le patient reste controversée.
Le bénéfice global pour le patient de l'ajout de bevacizumab à la chimiothérapie de première et de deuxième intention dans le cancer du sein métastatique peut au mieux être considéré comme modeste. Il dépend du type de chimiothérapie utilisée et est limité à une prolongation de la SSP et des taux de réponse tant en traitement de première que de deuxième intention, qui sont tous deux des paramètres de substitution. En revanche, le bevacizumab n'a pas d'impact significatif sur les critères de jugement secondaires liés au patient de SG ou de QV, qui reflètent un bénéfice direct pour les patients. Pour cette raison, la valeur clinique du bevacizumab pour le cancer du sein métastatique demeure controversée.
Le facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) est un médiateur clé de l'angiogenèse. Les thérapies ciblant le VEGF ont montré qu'elles apportaient des bénéfices significatifs et elles ont été intégrées avec succès dans la pratique clinique de routine pour d'autres types de cancer, tel que le cancer colorectal métastatique. En revanche, les résultats de différents essais dans le cancer du sein métastatique (CSM) sont très variables et leur valeur est sujette à controverse.
Évaluer les bénéfices (en termes de survie sans progression (SSP) et de survie globale (SG)) et les risques (toxicité) des thérapies ciblant le VEGF chez les patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique réfractaire aux hormones ou à récepteurs hormonaux négatifs.
En janvier et septembre 2011 nous avons effectué des recherches débutant en l'an 2000 dans CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le cancer du sein, des registres d'essais en cours et des actes des conférences. Nous avons passé au crible des références bibliographiques et contacté des membres du Groupe Cochrane sur le cancer du sein, des experts et les fabricants des médicaments concernés afin d'obtenir de plus amples informations. Aucune restriction de langue n'a été appliquée.
Des essais contrôlés randomisés (ECR) pour évaluer le bénéfice thérapeutique et des études non randomisées en pratique oncologique de routine pour évaluer les inconvénients du traitement.
Nous avons effectué la collecte et l'analyse des données en conformité avec le protocole publié. Les données individuelles des patients ont été demandées mais non fournies. Il a par conséquent fallu baser la méta-analyse sur les données publiées. Le principal critère de jugement (SSP) a été statistiquement synthétisé sous la forme du risque relatif (RR).
D'entre 347 références au total, nous avons identifié sept ECR, un registre et cinq essais en cours. Les essais publiés sur des médicaments ciblant le VEGF dans le CSM étaient limités au bevacizumab. Quatre essais, portant sur un total de 2 886 patients, permettaient de comparer la chimiothérapie de première intention avec et sans bevacizumab. La SSP (HR 0,67 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,61 à 0,73) et le taux de réponse étaient significativement meilleurs chez les patients traités au bevacizumab, avec une hétérogénéité modérée en ce qui concerne l'ampleur de l'effet sur la SSP. Pour la chimiothérapie de seconde intention, un avantage plus petit, mais toujours significatif en termes de SSP, a pu être mis en évidence chez les patients traités au bevacizumab (HR 0,85 ; IC à 95 % 0,73 à 0,98), ainsi qu'un bénéfice au niveau de la réponse tumorale. Toutefois, la SG ne différait pas significativement, tant en traitement de première (HR 0,93 ; IC à 95 % 0,84 à 1,04) que de deuxième intention (HR 0,98 ; IC à 95 % 0,83 à 1,16). La qualité de vie (QDV) avait été évaluée dans quatre essais mais les résultats n'avaient été publiés que pour deux d'entre eux, sans impact significatif. L'analyse en sous-groupes a mis en évidence un bénéfice significatif plus grand pour les patients ayant préalablement fait l'objet d'une chimiothérapie (taxanes) et pour les patients à récepteurs hormonaux négatifs. En ce qui concerne la toxicité, les données provenant d'ECR et les données de registre étaient cohérentes et conformes au profil de toxicité connu du bevacizumab. Bien que des taux significativement plus élevés d'événements indésirables (EI) de degré III/IV (rapport de cotes (RC) 1,77 ; IC à 95 % 1,44 à 2,18) et d'événements indésirables graves (EIG) (RC 1,41 ; IC à 95 % 1,13 à 1,75) aient été observés chez les patients traités au bevacizumab, les taux de mortalité liée au traitement étaient plus faibles chez les patients traités au bevacizumab (RC 0,60 ; IC à 95 % 0,36 à 0,99).