Sujet de l'analyse
Nous avons examiné les preuves concernant les effets délétères du protoxyde d'azote sur les personnes subissant une anesthésie générale.
Contexte
Le protoxyde d'azote est un gaz anesthésique utilisé depuis plus de 160 ans pour induire une anesthésie et maintenir les patients sous anesthésie pendant toute la durée d'une opération. Il est également connu sous le nom de « gaz hilarant ». Il s'agit d'un gaz incolore non-inflammable avec un goût et une odeur agréables et légèrement sucrés. Son faible coût et faible taux de toxicité font que le protoxyde d'azote est aujourd'hui l'anesthésique général le plus couramment utilisé. Cependant, certaines études ont rapporté que l'utilisation du protoxyde d'azote peut entraîner des effets nocifs. Cela a conduit de nombreux anesthésistes à remettre en question l'utilisation systématique de ce gaz dans les différentes salles d'opération.
Nous avons voulu savoir si l'utilisation du protoxyde d'azote dans le cadre d'une anesthésie générale était plus avantageuse ou moins intéressante que sa non-utilisation.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons examiné les preuves disponibles jusqu'au 17 octobre 2014. Nous avons inclus 35 essais où 13 872 patients adultes ont participé. Ces patients ayant été randomisés en deux groupes : l’un recevant le protoxyde d'azote, l’autre pas. Les essais couvraient différentes situations relatives à une anesthésie générale.
Principaux résultats
Nous avons constaté que l'anesthésie générale au protoxyde d'azote a augmenté le risque d'atélectasie pulmonaire (c'est-à-dire l'incapacité des poumons à se gonfler totalement). Lorsque nous avons limité notre analyse des résultats aux études de qualité la plus élevée, nous avons trouvé des preuves que le protoxyde d'azote peut éventuellement accroître le risque de pneumonie et de nausées et vomissements sévères. Cependant, le protoxyde d'azote n'a eu aucun effet sur la survie des patients, l'incidence de crise cardiaque, d'AVC, d'infection de la plaie, la formation de caillots sanguins dans les veines, la durée de l'hospitalisation, ou la durée de séjour en unité de soins intensifs.
Qualité des preuves
Les preuves relatives à la survie des participants étaient de qualité moyenne car les données étaient insuffisantes. Les preuves relatives à certains effets délétères, tels qu'une incapacité des poumons à se gonfler totalement ou une crise cardiaque, étaient de qualité élevée, tandis que pour d'autres effets délétères, comme l'AVC ou la formation de caillots sanguins dans les veines, les preuves étaient de qualité modérée. Pour d'autres effets, tels que la pneumonie, les nausées et vomissements sévères et l'infection de la plaie, les preuves étaient de faible qualité. Les preuves relatives au temps d'hospitalisation étaient de qualité modérée.
Conclusions des auteurs
L'évitement de protoxyde d'azote peut être justifié chez les patients atteints de troubles préexistants de la fonction pulmonaire ou ceux qui présentent un risque élevé de nausées et vomissements postopératoires.
Compte tenu des preuves issues de cette revue Cochrane, l'évitement du protoxyde d'azote peut être justifié chez les patients atteints de troubles préexistants de la fonction pulmonaire ou qui présentent un risque élevé de nausées et vomissements postopératoires. Étant donné qu'il existe huit études en attente de classification, il est possible que notre revue systématique présente un biais de sélection.
Le protoxyde d'azote est utilisé depuis plus de 160 ans pour induire et maintenir l'état d'anesthésie générale. Il a été utilisé en tant que traitement unique, mais est le plus souvent utilisé dans le cadre d'une technique qui implique d’autres gaz anesthésiques ou agents administrés par voie intraveineuse, voire les deux. Sa faible solubilité tissulaire (et par conséquent sa rapide cinétique), son faible coût, et son faible taux de complications cardiorespiratoires ont fait du protoxyde d'azote l'anesthésique général le plus couramment utilisé. L'accumulation de preuves concernant les effets indésirables de l'administration de protoxyde d'azote a conduit de nombreux anesthésistes à remettre en question son utilisation systématique dans différents contextes opératoires. Les événements indésirables peuvent découler des fonctions biologiques du protoxyde d'azote et du fait que pour être efficace, le protoxyde d'azote, qui est un agent anesthésique relativement faible, doit être administré en concentrations élevées qui limitent l'apport en oxygène (par exemple, un mélange courant est de 30 % d'oxygène avec 70 % de protoxyde d'azote). Outre le risque de faibles taux d'oxygène dans le sang, des inquiétudes ont également été soulevées concernant le risque de compromettre le système immunitaire, d'altérer la fonction cognitive, d'engendrer des complications cardiovasculaires postopératoires, une occlusion intestinale à partir d'une distension, et une éventuelle insuffisance respiratoire.
Déterminer si l'anesthésie à base de protoxyde d'azote entraîne des résultats similaires à ceux de l'anesthésie sans protoxyde d'azote chez les adultes subissant une chirurgie.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, 2014, numéro 10) ; MEDLINE (de 1966 au 17 octobre 2014) ; EMBASE (de 1974 au 17 octobre 2014) et ISI Web of Science (de 1974 au 17 octobre 2014). Nous avons également consulté les références bibliographiques des articles pertinents, les actes de conférence et les essais en cours jusqu'au 17 octobre 2014 sur des sites internet spécifiques (http://clinicaltrials.gov/,http://controlled-trials.com/, et http://www.centerwatch.com).
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant l'anesthésie générale où le protoxyde d'azote faisait partie de la technique utilisée pour le déclenchement ou le maintien de l'anesthésie (ou les deux) avec l'anesthésie générale qui utilisait un anesthésique volatil ou à base de propofol pour le maintien de l'anesthésie sans aucun protoxyde d'azote chez les adultes subissant une chirurgie. Notre critère de jugement principal était le taux de létalité à l'hôpital. Les critères de jugement secondaires étaient les complications et la durée d'hospitalisation.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment évalué la qualité des essais et extrait les résultats. Nous avons utilisé une méta-analyse pour la synthèse des données. L'hétérogénéité a été examinée avec le test du Chi² et en calculant la statistique I². Nous avons utilisé un modèle à effets fixes lorsque la mesure de l'incohérence était faible pour toutes les comparaisons (statistique I² < 50 %) ; autrement, nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires pour les mesures avec un taux élevé d'incohérence. Nous avons réalisé des analyses de sous-groupes pour étudier l'hétérogénéité et des analyses de sensibilité pour évaluer la fiabilité des résultats. Nous avons évalué la qualité des preuves des principaux résultats en utilisant le système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).
Nous avons inclus 35 essais (13 872 participants adultes). Sept études incluses étaient à faible risque de biais. Nous avons identifié huit études en attente de classification car nous n'avons pas pu obtenir les textes complets, et n'avons pas suffisamment d'informations pour les inclure ou les exclure. Nous avons inclus des données issues de 24 essais pour la synthèse quantitative. Les résultats des méta-analyses ont montré que les techniques à base de protoxyde d'azote augmentaient l'incidence d'une atélectasie pulmonaire (rapport des cotes (RC) 1,57, intervalle de confiance à 95 % (IC) 1,18 à 2,10, P = 0,002), mais n'avaient pas d'effets sur le taux de létalité à l'hôpital, l'incidence d'une pneumonie, d'un infarctus du myocarde, d'un AVC, de nausées et vomissements sévères, d'une thromboembolie veineuse, d'une infection de la plaie, ou la durée de séjour à l'hôpital. Les analyses de sensibilité ont suggéré que les résultats des méta-analyses sont tous fiables, sauf ceux de la pneumonie, et des nausées et vomissements sévères. Deux essais ont rapporté la durée du séjour en unité de soins intensifs (USI), mais les données étaient biaisées de sorte qu'elles n'ont pas été combinées. Les deux essais ont rapporté que les techniques à base de protoxyde d'azote n’avaient eu aucun effet sur la durée du séjour en USI. Nous avons évalué la qualité des preuves pour deux critères de jugement (atélectasie pulmonaire, infarctus du myocarde) comme étant élevée, pour quatre critères de jugement (taux de létalité à l'hôpital, AVC, thromboembolie veineuse, durée de séjour à l'hôpital) comme étant modérée, et pour trois critères de jugement (pneumonie, nausées et vomissements sévères, taux d'infection de la plaie) comme étant faible.
Post-édition : Nadjet Belheouane (M2 ILTS, Université Paris Diderot)