Titre résumé simplifié
Quels sont les bénéfices et les risques des médicaments qui bloquent le complément pour traiter la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ?
Principaux messages
- Après un an de traitement, le pegcetacoplan (un médicament qui bloque le complément) s'est avéré ralentir la croissance des plaques de rétine malade dans les yeux des personnes atteintes d'un type sévère de DMLA « sèche », mais il n'existe actuellement pas de données probantes suggérant qu’il ralentisse la perte de vision ou à l'amélioration de la qualité de vie.
- Le traitement de la DMLA « sèche » par le pegcetacoplan et d'autres médicaments qui bloquent le complément pourrait entraîner davantage de cas de DMLA « humide », où des vaisseaux sanguins anormaux se développent dans la rétine ; ces vaisseaux peuvent laisser s’échapper du sang ou du liquide et provoquer une perte de vision rapide, mais ils peuvent être traités s'ils sont détectés rapidement.
- Les recherches futures dans ce domaine devraient se concentrer sur les options et les effets qui sont importants pour les décideurs, tels que :
- les bénéfices du blocage du complément de différentes manières et pour différentes périodes ;
- les risques et les coûts potentiels ;
- des critères de jugement pertinents pour les patients.
Qu'est-ce que la dégénérescence maculaire liée à l'âge ?
La DMLA est l'une des principales causes de perte de la vue chez l'adulte et touche près de 200 millions de personnes dans le monde. Il existe deux types de DMLA : « sèche » et « humide ». La DMLA est au moins partiellement due à des causes génétiques qui ne sont pas entièrement comprises ou traitables. La plupart des modifications génétiques liées à la DMLA affectent le complément, un élément majeur de notre système immunitaire. Lorsque le complément est trop actif, il peut endommager la rétine (la pellicule sensible à la lumière qui tapisse l'intérieur de nos yeux) et provoquer une DMLA.
Comment traite-t-on la dégénérescence maculaire liée à l'âge ?
Actuellement, il n'existe pas de traitement curatif de la DMLA, et s'il existe des traitements pour la forme « humide », aucune thérapie n'est disponible pour la plupart des 95 % de patients atteints de la forme « sèche ». Toutefois, une nouvelle option thérapeutique, le pegcetacoplan, qui bloque le complément, a récemment été approuvée aux États-Unis pour le traitement de la DMLA « sèche » sévère.
Que voulions-nous découvrir ?
Nous voulions savoir si le fait de bloquer le complément avec différents médicaments était plus efficace que le traitement simulé ou le placebo (un faux traitement) pour prévenir ou ralentir la DMLA.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché dans le monde entier des études portant sur les bloqueurs de complément comparés à un traitement simulé ou à un placebo chez des personnes atteintes de DMLA. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 10 études portant sur 4052 personnes atteintes d'atrophie géographique (une forme sévère de DMLA « sèche ») et ayant duré au moins un an. L'étude la plus importante a porté sur 1881 personnes et la plus petite sur 30 personnes. Les études ont été menées dans des pays du monde entier ; la plupart d'entre elles ont été réalisées aux États-Unis ou en Europe. Toutes les études ont été financées par des entreprises pharmaceutiques. Presque tous les médicaments étudiés qui bloquaient le complément étaient administrés sous forme d'injections dans l'œil (par voie intravitréenne).
Les résultats de deux médicaments, le lampalizumab et le pegcetacoplan, ont été rapportés dans trois études chacun. Nous avons combiné les résultats de ces études afin de nous faire une idée de l'efficacité réelle de ces traitements lorsqu'ils sont administrés tous les mois et tous les deux mois. Nous avons également examiné les résultats de toutes les autres études, y compris un médicament appelé avacincaptad pegol.
Principaux résultats
Nous avons constaté que le pegcetacoplan administré tous les mois ou tous les deux mois réduit la croissance des plaques de rétine malade, mais n'a probablement que peu ou pas d'incidence sur la perte de vision. Nous avons également constaté que l'avacincaptad pegol pourrait réduire la croissance de la rétine malade, mais qu'il n'a probablement que peu ou pas d'effet sur la perte de vision. Nous avons constaté que le lampalizumab ne fait que peu ou pas de différence sur les critères de jugement d'intérêt pour les patients et leurs cliniciens.
Comme pour les autres médicaments administrés dans l'œil, nous avons constaté que la plupart des médicaments qui bloquent le complément sont probablement associés à une légère augmentation du risque d'infection ou d'inflammation oculaire grave. Nous avons également constaté que le blocage du complément dans l'œil dans la plupart des études a probablement entraîné une augmentation du risque de développement de vaisseaux sanguins anormaux dans la rétine ; ces vaisseaux peuvent laisser s’échapper du sang ou du liquide et entraîner une perte de vision rapide, mais peuvent être traités s'ils sont détectés rapidement.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous sommes confiants dans nos résultats pour le lampalizumab et le pegcetacoplan dans le traitement de l'atrophie géographique. Les personnes participant aux études ont été placées au hasard dans les différents groupes de traitement. Cela signifie que les différences entre les groupes sont dues à des différences entre les traitements plutôt qu'entre les personnes. Davantage d'informations sont nécessaires pour renforcer notre confiance dans les bénéfices anatomiques de l'avacincaptad pegol, mais les premières données probantes sont encourageantes.
Ces résultats ne concernent que le traitement par médicaments intravitréens pour une durée maximale d'un an. Toutes les études n'ont pas fourni des données sur tout ce qui pourrait intéresser les patients et leurs cliniciens. Les participants à ces études étaient atteints de DMLA « sèche » sévère, de sorte que nos résultats pourraient ne pas être utiles aux personnes dont la DMLA est moins sévère ou à celles qui sont atteintes de la forme « humide » de la DMLA.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Cette revue met à jour notre revue précédente. Les données probantes sont à jour jusqu'au 29 juin 2022.
Malgré la confirmation des résultats négatifs du lampalizumab intravitréen pour tous les critères d'évaluation, l'inhibition locale du complément avec le pegcetacoplan intravitréen réduit significativement la croissance des lésions de l'atrophie géographique (AG) par rapport à un traitement simulé à un an. L'inhibition du complément C5 avec l'avacincaptad pegol intravitréen est également une thérapie émergente avec des bénéfices probables sur les critères anatomiques dans la population de l'AG extrafovéal ou juxtafovéal. Cependant, il n'existe actuellement pas de données probantes indiquant que l'inhibition du complément, quel que soit l'agent, améliore les paramètres fonctionnels dans la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) avancée ; on attend avec impatience les résultats des études de phase 3 sur le pegcetacoplan et l'avacincaptad pegol. L'évolution vers une néovascularisation maculaire ou une DMLA exsudative est un événement indésirable possible de l'inhibition du complément, qui nécessite un examen attentif en cas d'utilisation clinique de ces agents. L'administration intravitréenne d'inhibiteurs du complément est probablement associée à un faible risque d'endophtalmie, qui pourrait être supérieur à celui d'autres thérapies intravitréennes. Des recherches supplémentaires sont susceptibles d'avoir un impact important sur notre confiance dans les estimations des effets indésirables et de les modifier. Les schémas posologiques optimaux, la durée du traitement et le rapport coût-efficacité de ces thérapies restent à établir.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est une maladie oculaire courante et la principale cause de perte de la vue dans le monde. Malgré sa forte prévalence et son incidence croissante avec le vieillissement des populations, la DMLA reste incurable et il n'existe aucun traitement pour la plupart des patients. De plus en plus de données probantes génétiques et moléculaires impliquent l'hyperactivité du système du complément comme un facteur clé du développement et de la progression de la DMLA. La dernière décennie a vu le développement de plusieurs nouveaux traitements ciblant le complément dans l'œil pour le traitement de la DMLA. Cette revue actualisée englobe les résultats des premiers essais contrôlés randomisés dans ce domaine.
Évaluer les effets et la tolérance des inhibiteurs du complément dans la prévention ou le traitement de la DMLA.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL sur la Cochrane Library , MEDLINE, Embase, LILACS, Web of Science, le registre ISRCTN, ClinicalTrials.gov et l'ICTRP de l'OMS jusqu'au 29 juin 2022, sans restriction de langue. Nous avons également contacté des entreprises réalisant des essais cliniques pour obtenir des données non publiées.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) avec des groupes parallèles et des groupes témoins qui étudiaient l'inhibition du complément pour la prévention/le traitement de la DMLA avancée.
Deux auteurs ont évalué indépendamment les résultats de la recherche et ont résolu les divergences par la discussion. Les critères de jugement évalués à un an comprenaient l'évolution de la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC), la progression de la taille des lésions d'atrophie géographique (AG) non transformée et transformée par la racine carrée, le développement d'une néovascularisation maculaire (NVM) ou d'une DMLA exsudative, le développement d'une endophtalmie, la perte de ≥ 15 lettres de MAVC, la modification de l'acuité visuelle en faible luminance et la modification de la qualité de vie. Nous avons évalué le risque de biais et le niveau de confiance des données probantes à l'aide des outils Cochrane de risque de biais et GRADE.
Dix ECR regroupant 4052 participants et des yeux atteints d'AG ont été inclus. Neuf ont évalué des administrations intravitréennes (IVT) par rapport à des traitements simulés, et une a étudié un agent intraveineux par rapport à un placebo. Sept études ont exclu les patients ayant déjà une NVM préalable dans l'œil non étudié, alors que les trois études sur le pegcetacoplan ne l'ont pas fait. Le risque de biais dans les études incluses était globalement faible. Nous avons également synthétisé les résultats de deux agents intravitréens (lampalizumab, pegcetacoplan) à des intervalles d'administration mensuels et tous les deux mois.
Efficacité et tolérance du lampalizumab IVT par rapport au traitement simulé dans l'AG
Pour 1932 participants dans trois études, le lampalizumab n'a pas modifié de manière significative la MAVC administré mensuellement (+1,03 lettre, intervalle de confiance (IC) à 95 % -0,19 à 2,25) ou tous les 2 mois (+0,22 lettre, IC à 95 % -1,00 à 1,44) (données probantes d’un niveau de confiance élevé). Pour 1920 participants, le lampalizumab n'a pas modifié de manière significative la croissance des lésions de l'AG donné mensuellement (+0,07 mm², IC à 95 % -0,09 à 0,23 ; niveau de confiance modéré en raison de l'imprécision) ou tous les 2 mois (+0,07 mm², IC à 95 % -0,05 à 0,19 ; niveau de confiance élevé). Pour 2000 participants, le lampalizumab pourrait également avoir augmenté le risque de NVM compte tenu de la fréquence mensuelle (RR 1,77, IC à 95 % 0,73 à 4,30) et tous les 2 mois (RR 1,70, IC à 95 % 0,67 à 4,28), sur la base de données probantes d’un niveau de confiance faible. L'incidence de l'endophtalmie chez les patients traités par lampalizumab mensuel et tous les 2 mois était respectivement de 4 pour 1000 (0 à 87) et de 3 pour 1000 (0 à 62), d'après des données probantes d’un niveau de confiance modéré.
Efficacité et tolérance du pegcetacoplan IVT par rapport à un traitement simulé pour l'AG
Pour 242 participants dans une étude, le pegcetacoplan administré mensuellement n'a probablement pas modifié de manière significative la MAVC (+1,05 lettre, IC à 95 % -2,71 à 4,81) ou tous les 2 mois (-1,42 lettre, IC à 95 % -5,25 à 2,41), comme le confirment les données probantes d’un niveau de confiance modéré. En revanche, pour 1208 participants répartis dans trois études, le pegcetacoplan a réduit de manière significative la croissance des lésions de l'AG lorsqu'il était administré tous les mois (-0,38 mm², IC à 95 % -0,57 à -0,19) et tous les 2 mois (-0,29 mm², IC à 95 % -0,44 à -0,13), avec un niveau de confiance élevé. Ces réductions correspondent respectivement à 19,2 % et 14,8 % par rapport à un traitement simulé. Une analyse post hoc a montré des bénéfices possiblement plus importants chez 446 participants avec une AG extrafovéale l’ayant reçu mensuellement (-0,67 mm², IC à 95 % -0,98 à -0,36) et tous les 2 mois (-0,60 mm², IC à 95 % -0,91 à -0,30), ce qui représente des réductions de 26,1 % et de 23,3 %, respectivement. Cependant, nous ne disposions pas de données sur la croissance de l'AG sous-fovéal pour entreprendre une analyse sous-groupes formelle. Chez 1502 participants, il existe des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant que le pegcetacoplan pourrait avoir augmenté le risque de NVM lorsqu'il est administré tous les mois (RR 4,47, IC à 95 % 0,41 à 48,98) ou tous les 2 mois (RR 2,29, IC à 95 % 0,46 à 11,35). L'incidence de l'endophtalmie chez les patients traités par pegcetacoplan mensuel et tous les 2 mois était respectivement de 6 pour 1000 (1 à 53) et de 8 pour 1000 (1 à 70), d'après des données probantes d’un niveau de confiance modéré.
Efficacité et tolérance de l’avacincaptad pegol IVT par rapport au traitement simulé dans l'AG
Dans une étude portant sur 260 participants atteints d'AG extrafovéal ou juxtafovéal, l'administration mensuelle d'avacincaptad pegol n'a probablement pas entraîné de modification cliniquement significative de la MAVC à 2 mg (+1,39 lettre, IC à 95 % -5,89 à 8,67) ou à 4 mg (-0,28 lettre, IC à 95 % -8,74 à 8,18), d'après des données probantes d’un niveau de confiance modéré. Malgré cela, le médicament a probablement réduit la croissance des lésions de l'AG, avec des estimations de réduction de 30,5 % à 2 mg (-0,70 mm², IC à 95 % -1,99 à 0,59) et de 25,6 % à 4 mg (-0,71 mm², IC à 95 % -1,92 à 0,51), sur la base de données probantes d’un niveau de confiance modéré. L'avacincaptad pegol pourrait également avoir augmenté le risque de développer une NVM (RR 3,13, IC à 95 % 0,93 à 10,55), bien que ces données probantes soient d’un niveau de confiance faible. Aucun cas d'endophtalmie n'a été rapporté dans cette étude.
Post-édition effectuée par Yveline Gourdet et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr