Contexte
Jusqu'à 20 % de la population mondiale est affectée par des mycoses de la peau de l'aine (eczéma marginé ou intertrigo inguinal) ou de tout le corps (teigne ou herpès circiné), qui se présentent généralement sous la forme de zones de peau rouges et prurigineuses. Il existe de nombreux traitements topiques (directement appliqués sur la peau) contre ces infections.
Question de la revue
Quels traitements topiques sont les plus efficaces contre l'intertrigo inguinal, la teigne et l'herpès circiné ?
Caractéristiques des études
Nous avons inclus dans la revue 129 études publiées jusqu'à août 2013 qui portaient sur 18 086 personnes. Les participants étaient des hommes et des femmes de tous âges, mais âgés pour la plupart de 18 à 70 ans. La qualité de rapport des études variait considérablement. Un quart des études était en partie financé par des laboratoires pharmaceutiques, sans que l'on voie clairement quel effet cela avait pu avoir sur les résultats.
La plupart des études semble avoir été menée dans des cliniques de soins ambulatoires en dermatologie. Plusieurs traitements différents ont été évalués, le plus souvent dans une seule des études. Les traitements ont généralement été appliqués une ou deux fois par jour pendant deux à quatre semaines. La guérison mycologique (disparition de l'infection fongique) et la guérison clinique (absence de symptômes tels que rougeurs et démangeaisons) ont été évaluées dans la plupart des études, ainsi que les effets secondaires. Moins de la moitié des études incluaient une évaluation de la récidive de la maladie et presque aucune n'évaluait le temps écoulé avant la guérison clinique ni le fait que les participants de l'étude se considéraient ou non comme guéris.
Principaux résultats
Presque tous les traitements ont été efficaces pour obtenir une guérison à la fois clinique et mycologique, en comparaison avec un placebo.
Nous avons combiné les données de plusieurs critères d'évaluation pour deux traitements en particulier : la terbinafine par rapport à un placebo et la naftifine par rapport à un placebo. Tous deux se sont avérés être des traitements efficaces.
Nous avons combiné les données de différents groupes de traitements. Il n'y avait aucune différence dans le taux de guérison mycologique entre les antifongiques azolés et les benzylamines. Les combinaisons d'un antifongique avec un corticoïde topique ont donné des taux de guérison clinique plus élevés, probablement parce que la rougeur de la peau disparaît plus tôt en raison de l'effet de la corticothérapie. Il n'y avait aucune preuve d'une quelconque différence dans la vitesse de résolution de l'infection fongique avec ces traitements combinés.
Qualité des preuves
La qualité globale des preuves à l'appui des différents critères d'évaluation a été jugée, en moyenne, modérée à très faible. Il n'y a actuellement pas de preuves suffisantes pour décider si un traitement particulier vaut mieux que les autres. Les effets secondaires ont été bénins et peu fréquents avec tous les traitements que nous avons évalués.
Cette revue met en évidence le besoin d'études de meilleure qualité sur les traitements existants contre les mycoses cutanées. Malgré les limites de nos principales constatations, il semble que la plupart des traitements actifs soient efficaces, et les futures recherches devraient se concentrer sur la comparaison des traitements actifs plutôt que sur des comparaisons avec un placebo. Des traitements topiques à utiliser une seule fois par jour pendant une courte période seraient peut-être plus attrayants dans la pratique. Certains des traitements examinés dans notre étude ne seront peut-être pas disponibles dans les pays à faible revenu.
Les données regroupées suggèrent que les traitements par la terbinafine et la naftifine sont efficaces. Les effets indésirables étaient généralement légers et rarement rapportés. Un grand nombre de ces études datent de plus de 20 ans et présentent un risque incertain ou élevé de biais ; cependant, il existe certaines preuves que d'autres traitements antifongiques topiques donnent des taux de guérison clinique et mycologique similaire, en particulier les azolés, bien que la plupart aient été évalués dans des études uniques. Les preuves sont insuffisantes pour déterminer si la populaire pommade de Whitfield (acide salicylique et acide benzoïque) est efficace.
Bien que les combinaisons de corticoïdes topiques et d'antifongiques ne soient pas actuellement recommandées dans les directives cliniques pertinentes, toutes les études incluses dans cette revue ont rapporté un taux de guérison clinique plus élevé, avec des taux de guérison mycologique similaires à la fin du traitement, mais la qualité des preuves pour ces critères d'évaluation était très faible en raison de leur imprécision, de leur caractère indirect et du risque de biais. Il n'y avait pas suffisamment de preuves pour évaluer avec certitude les taux de récidive, que ce soit avec les traitements individuels ou les traitements combinés.
Bien qu'il y ait peu de différence entre les différentes classes de traitement en termes de guérison, certaines interventions pourraient être plus intéressantes car elles nécessitent moins d'applications et une durée de traitement plus courte. En outre, des essais de bonne qualité et de puissance adéquate, portant sur les critères d'évaluation qui concernent le patient tels que la satisfaction de celui-ci vis-à-vis du traitement, seraient à envisager.
La teigne, l'intertrigo, l'herpès circiné et autres mycoses sont des infections fongiques de la peau causées par des dermatophytes. On estime que 10 % à 20 % de la population mondiale est touché par les mycoses cutanées. Les sites infectés varient selon la localisation géographique, l'organisme en cause et les différences d'environnement et de culture. La teigne corporelle (herpès circiné) ou inguinale (eczéma marginé) est une cause fréquente de consultation des médecins assurant les soins primaires et des dermatologues. Le diagnostic peut être posé sur l'aspect clinique et confirmé par microscopie ou culture. Il existe de très nombreux médicaments antifongiques topiques destinés à traiter ces dermatomycoses superficielles, mais il est difficile de savoir lesquels sont les plus efficaces.
Évaluer les effets des traitements antifongiques topiques dans la teigne corporelle et inguinale.
Nous avons effectué une recherche dans les bases de données suivantes jusqu'au 13 août 2013 : registre spécialisé du groupe Cochrane sur la dermatologie, CENTRAL dans la Bibliothèque Cochrane (2013, n° 7), MEDLINE (à partir de 1946), EMBASE (à partir de 1974) et LILACS (à partir de 1982). Nous avons également consulté cinq registres d'essais cliniques et vérifié les bibliographies d'articles pour trouver des références à d'autres essais contrôlés randomisés pertinents. Nous avons effectué une recherche manuelle dans la revue Mycoses de 1957 à 1990.
Essais contrôlés randomisés chez des patients atteints d'une dermatophytose avérée du corps (teigne corporelle, herpès circiné) ou de l'aine (teigne inguinale, eczéma marginé).
Deux auteurs de la revue ont réalisé indépendamment la sélection des études, l'extraction des données et l'évaluation du risque de biais et les analyses.
Parmi les 364 dossiers identifiés, 129 études totalisant 18 086 participants répondaient aux critères d'inclusion. La moitié des études ont été jugées à risque élevé de biais, les autres à risque indéterminé. Un large éventail de comparaisons différentes a été évalué parmi les 129 études, dont une majorité (92 au total) portait sur des antifongiques azolés. La durée du traitement variait d'une semaine à deux mois, mais elle était deux à quatre semaines dans la plupart des études. La durée de suivi variait d'une semaine à six mois. Soixante-trois études ne contenaient pas de données exploitables ou récupérables, principalement en raison de l'absence de données distinctes pour les différentes formes de teigne. La guérison mycologique et clinique était évaluée dans la majorité des études, de même que les effets indésirables. Moins de la moitié des études incluait une évaluation de la récidive de la maladie et presque aucune n'évaluait le temps écoulé avant la guérison clinique ni le fait que les participants de l'étude se considéraient ou non comme guéris. La qualité des preuves relatives aux différents critères d'évaluation allait de faible à très faible.
Les données de plusieurs critères d'évaluation ont été regroupées pour deux traitements en particulier. Dans cinq études, un taux de guérison clinique significativement plus élevé a été constaté chez les participants traités avec la terbinafine par rapport à un placebo (risque relatif (RR) 4,51, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 3,10 à 6,56, nombre de sujets à traiter (NST) 3, IC à 95 % de 2 à 4). La qualité des preuves pour ce critère d'évaluation a été jugée faible. Les données relatives à la guérison mycologique avec la terbinafine n'ont pas pu être regroupées en raison d'une importante hétérogénéité.
Le taux de guérison mycologique était favorable à la naftifine à 1 % par rapport au placebo dans trois études (RR 2,38, IC à 95 % de 1,80 à 3,14, NST 3, IC à 95 % de 2 à 4), avec des preuves de faible qualité. Dans une étude, la naftifine à 1 % a été plus efficace que le placebo pour la guérison clinique (RR 2,42, IC ) 95 % de 1,41 à 4,16, NST 3, IC à 95 % de 2 à 5) avec des preuves de faible qualité.
Dans deux études, les taux de guérison mycologique étaient favorables au clotrimazole à 1 % par rapport au placebo (RR 2,87, IC à 95 % de 2,28 à 3,62, NST 2, IC à 95 % de 2 à 3).
Les données de plusieurs critères d'évaluation ont été regroupées pour trois comparaisons entre différentes classes de traitement. Il n'y avait aucune différence dans le taux de guérison mycologique entre les antifongiques azolés et les benzylamines (RR 1,01, IC à 95 % de 0,94 à 1,07). La qualité des preuves a été jugée faible pour cette comparaison. Une forte hétérogénéité a empêché le regroupement des données de la guérison mycologique et de la guérison clinique dans la comparaison entre azolés et allylamines. Les azolés ont été légèrement moins efficaces pour atteindre la guérison clinique que les crèmes associant un azolé et un corticoïdes, immédiatement à la fin du traitement (RR 0,67, IC à 95 % de 0,53 à 0,84, NST 6, IC à 95 % de 5 à 13), mais il n'y avait aucune différence dans le taux de guérison mycologique (RR 0,99, IC à 95 % de 0,93 à 1,05). La qualité des preuves pour ces deux critères d'évaluation a été jugée faible pour la guérison mycologique et très faible pour la guérison clinique.
Tous les traitements qui ont été examinés semblent être efficaces mais la plupart des comparaisons ont été évaluées dans des études uniques. Il n'y avait pas de preuve d'une différence dans les taux de guérison entre la teigne corporelle et inguinale. Les effets indésirables étaient minimes, principalement des irritations et des sensations de brûlure ; il n'y avait généralement pas de distinction entre les résultats des interventions actives et du placebo, ni entre ceux des différentes classes de traitement.
Traduction réalisée par Cochrane France