Problématique
Nous avons effectué cette revue systématique afin de déterminer si les bénéfices de l’antibiothérapie prescrite pour les exacerbations de BPCO sont supérieures aux risques potentiels (p. ex. les risques de bactéries multi-résistantes dans cette population).
Contexte
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie chronique (le plus souvent causée par le tabagisme ou par des expositions environnementales) qui affecte le passage de l'air entrant et sortant des poumons. Les patients souffrent alors d'essoufflement et de toux. Les exacerbations de BPCO sont caractéristiques des stades les plus avancés de la maladie et sont définies comme une aggravation durable des symptômes du patient par rapport à son état stable habituel Les symptômes fréquemment signalés sont une aggravation de l'essoufflement, de la toux, une augmentation des expectorations et une modification de leur couleur. Bien que la cause des exacerbations soit souvent difficile à déterminer (cause virale, bactérienne, environnementale), les antibiotiques sont fréquemment prescrits par les cliniciens.
Caractéristiques de l’étude
Les données probantes rassemblées pour cette revue sont à jour jusqu’au mois de Septembre 2018. Nous avons identifié 19 études randomisées comparant des antibiotiques contre placebo pour un total de 2663 patients atteints de BPCO présentant des exacerbations à des degrés très divers.
Résultats principaux
Les analyses ont montré que les antibiotiques actuellement utilisés réduisent les échecs thérapeutiques (définis par l’absence d’amélioration des symptômes, malgré le traitement, dans les 7 à 28 jours, selon les études) par rapport au placebo chez les patients ambulatoires présentant des exacerbations légères à modérée, ainsi que chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs pour des exacerbations très sévères avec détresse respiratoire. A contrario, les antibiotiques n'ont pas réduit les échecs thérapeutiques chez les patients hospitalisés présentant des exacerbations sévères. Nous sommes cependant moins certains de ce résultat, car l'estimation de l'effet suggère des résultats similaires à ceux observés chez les patients ambulatoires, mais l'intervalle de confiance dépasse 1,0. L'utilisation d'antibiotiques a entraîné une réduction de la mortalité uniquement chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs, mais pas chez les patients présentant des exacerbations légères à modérées (patients ambulatoires) ou graves (patients hospitalisés), bien que les décès soient rares dans ces derniers groupes. Les antibiotiques n'ont pas réduit la durée d'hospitalisation des patients hospitalisés. Les patients traités par antibiotiques ont eu plus souvent la diarrhée que ceux qui avaient reçu le placebo, mais la différence n'était pas statistiquement significative. Les auteurs de la revue n'ont pas pu comparer la sévérité de la BPCO sous-jacente entre les différents essais car la fonction pulmonaire et d’autres paramètres ne sont pas rapportés de manière uniforme.
Qualité des données probantes
La qualité des données probantes pour les critères de jugement de cette revue était faible à modérée.
Conclusion
Bien que les résultats des essais montrent que les antibiotiques sont efficaces pour les différents critères de jugement chez les patients présentant des exacerbations très sévères et une défaillance respiratoire nécessitant une prise en charge en unité de soins intensifs, les chercheurs rapportent toutefois des résultats contradictoires chez les patients présentant des exacerbations légères à sévères. De futures études de très bonne qualité devraient étudier les signes cliniques et tests sanguins à faire au moment de la consultation et qui permettraient d’identifier les patients qui pourraient bénéficier d’un traitement antibiotique.
Les chercheurs ont constaté que les antibiotiques ont un certain effet chez les patients hospitalisés et les patients ambulatoires, mais ces effets sont faibles, et ils sont contradictoires pour certains critères (échecs thérapeutiques) et absents pour d'autres (mortalité, durée d’hospitalisation). Les analyses montrent un fort effet bénéfique des antibiotiques chez les patients en soins intensifs. Nous disposons de peu de données sur les effets des antibiotiques quant à la qualité de vie liée à la santé ou sur d’autres symptômes rapportés par les patients. Les données ne montrent aucune augmentation statistiquement significative du risque de survenue d'effets indésirables avec les antibiotiques par rapport au placebo. Ces effets discordants nécessitent d’effectuer des recherches pour identifier les signes cliniques et les biomarqueurs qui pourraient aider à identifier les patients qui bénéficieraient de l’antibiothérapie, et épargner l’usage les antibiotiques chez les patients peu susceptibles d'en bénéficier et pour lesquels leurs inconvénients (effets secondaires, coûts et multirésistance) devraient être évités.
De nombreux patients présentant une exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sont traités avec des antibiotiques, mais leur intérêt reste incertain. En effet, les revues systématiques et les essais cliniques ont montré des résultats discordants.
Évaluer les effets des antibiotiques sur l'échec thérapeutique, observés entre sept jours et un mois après le début du traitement (critère primaire) pour la prise en charge des exacerbations aiguës de la BPCO, ainsi que leurs effets sur d'autres critères importants (mortalité, événements indésirables, durée d’hospitalisation, délai avant la prochaine exacerbation).
Nous avons effectué des recherches dans le Registre central Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), dans la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE, Embase et dans d'autres bases de données électroniques disponibles au 26 septembre 2018.
Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés (ECR) chez des patients présentant des exacerbations aigües de BPCO comparant une antibiothérapie et un placebo avec un suivi d'au moins sept jours.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné les bibliographies et extrait les données des rapports d'essais. Nous avons conservé la séparation entre les trois groupes de patients (patients ambulatoires, patients hospitalisés et patients hospitalisés en unité de soins intensifs (USI)) pour les critères d’effet bénéfique et la mortalité, car nous les considérons comme étant cliniquement trop différents pour être résumés en un seul groupe. Nous avons considéré que les patients ambulatoires ont une exacerbation légère à modérée, les patients hospitalisés une exacerbation sévère et les patients en USI une exacerbation très sévère. Lorsque les auteurs des études primaires n'avaient pas publié les résultats ou les détails des études, nous les avons contactés pour collecter les données manquantes. Nous avons calculé le risque relatif (RR) groupés pour l'échec thérapeutique, des rapports de cotes (OR) de Peto pour les événements rares (mortalité et événements indésirables) et des différences moyennes (DM) pour les variables continues en utilisant des modèles à effets aléatoires. Nous avons utilisé GRADE pour évaluer la qualité des données probantes. Le critère de jugement principal a été l'échec thérapeutique observé entre sept jours et un mois après le début du traitement.
Nous avons inclus 19 essais avec 2663 participants (11 avec des patients ambulatoires, 7 avec des patients hospitalisés et 1 avec des patients en soins intensifs).
Chez les patients ambulatoires (présentant des exacerbations légères à modérées), des données probantes de faibles qualité suggèrent que les antibiotiques actuellement disponibles ont réduit de façon statistiquement significative le risque d'échec thérapeutique entre sept jours et un mois après le début du traitement (RR 0,72, intervalle de confiance (IC) à 95 % : 0,56 à 0,94 ; I² = 31 % ; en valeur absolue, réduction du taux d'échec thérapeutique de 295 à 212 pour 1000 participants traités, IC 95 % : 165 à 277). Les études portant sur des antibiotiques plus anciens qui ne sont plus utilisés ont donné un RR de 0,69 (IC à 95 % : 0,53 à 0,90 ; I² = 31 %). Les données probantes de faible qualité d’un essai mené auprès de patients ambulatoires, n'ont suggéré aucun effet des antibiotiques sur la mortalité (OR de Peto : 1,27 ; IC à 95 % : 0,49 à 3,30). Un essai a rapporté une absence d’effet des antibiotiques sur les récidives d’exacerbations entre deux et six semaines après le début du traitement. Un seul essai (N = 35) a étudié la qualité de vie liée à la santé, mais n'a pas montré de différence statistiquement significative entre le groupe traité et le groupe témoin.
Les données probantes de qualité modérée données ne montrent pas que les antibiotiques actuellement utilisés réduisent de façon statistiquement significative le risque d'échec thérapeutique chez les patients hospitalisés présentant des exacerbations graves (à l'exclusion des patients hospitalisés en USI) (RR 0,65, IC à 95% : 0,38-1,12 ; I² = 50%). Cependant, les résultats des essais restent incertains. Réciproquement, l'effet était statistiquement significatif lorsque les essais comprenaient des antibiotiques plus anciens qui n'étaient plus utilisés en clinique (RR 0,76, 95 % IC 0,58 à 1,00 ; I² = 39 %). Les données probantes de qualité modérée provenant de deux essais cliniques incluant des patients hospitalisés ne montrent aucun effet bénéfique des antibiotiques sur la mortalité (OR de Peto 2,48, IC à 95 % : 0,94 à 6,55). La durée d’hospitalisation (en jours) était semblable dans les groupes traités par antibiotiques et par placebo.
Un seul essai, mené auprès de 93 patients en USI, a montré un effet important et statistiquement significatif sur l'échec thérapeutique (RR 0,19, IC à 95 % : 0,08 à 0,45 ; données probantes de qualité modérée ; en valeur absolue, réduction des échecs thérapeutiques de 565 à 107 pour 1000 participants traités, IC à 95 % : 45 à 254). Les résultats de cet essai montrent un effet statistiquement significatif sur la mortalité (OR de Peto 0,21, IC à 95 % : 0,06 à 0,72 ; données probantes de qualité modérée) et sur la durée d’hospitalisation (DM -9,60 jours, IC à 95 % : -12,84 à -6,36 ; données probantes de faible qualité).
Les données probantes de qualité modérée recueillies dans le cadre des essais menés dans tous les cadres ne révèlent aucun effet statistiquement significatif sur l'incidence globale des événements indésirables (OR de Peto 1,20, IC à 95 % : 0,89 à 1,63 ; données probantes de qualité modérée) ni sur la survenue de diarrhées (OR de Peto 1,68, IC à 95 % : 0,92 à 3,07 ; données probantes de qualité modérée).
Post-édition effectuée par Yannick HO et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr