Utilisation de l'éculizumab dans le traitement des patients souffrant d'hémoglobinurie paroxystique nocturne

Question de la revue
Nous avons examiné les preuves concernant les effets de l'éculizumab dans le traitement des patients souffrant d'hémoglobinurie paroxystique nocturne.

Contexte
L'hémoglobinurie paroxystique nocturne est une anomalie des cellules souches hématopoïétiques (cellules qui peuvent se renouveler et se différencier d'elles-mêmes en un ou plusieurs types cellulaires), caractérisée par des épisodes d'hémolyse intravasculaire (destruction des globules rouges) et une anémie hémolytique chronique. La destruction intravasculaire des globules rouges entraîne des anomalies cliniques au niveau gastro-intestinal, cardiovasculaire, pulmonaire, cérébral et génito-urinaire, ainsi que des troubles de la coagulation.

Le traitement de l'hémoglobinurie paroxystique nocturne est en grande partie empirique et symptomatique : transfusions de culots de globules rouges, anticoagulation et supplémentation en acide folique ou en fer. Les nombreuses interventions pharmacologiques utilisées pour traiter cette maladie ne sont pas standardisées. L'éculizumab est un nouvel agent biologique utilisé pour prévenir l'anémie hémolytique et des épisodes de thrombose sévères.

Caractéristiques de l'étude
Nous avons identifié une étude incluant un nombre limité de patients et comparant l'éculizumab à un placebo avec un suivi de 26 semaines. Cette étude, publiée en 2006, été réalisée aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie.

Principaux résultats
Aucun patient n'est décédé pendant la réalisation de cette unique étude, qui a montré une amélioration modérée de la qualité de vie chez les patients traités avec l'éculizumab. En outre, l'éculizumab a réduit la fatigue et le nombre de patients ayant abandonné prématurément l'étude pour une raison quelconque. La proportion de patients dépendants des transfusions était plus faible avec l'éculizumab. Il n'y a eu aucune différence entre l'éculizumab et le placebo en termes d'événements indésirables, probablement en raison du faible taux d'événements observé au cours de l'étude. L'essai ne portait sur aucun autre critère d'évaluation pertinent tel que la survie globale, la transformation en syndrome myélodysplasique et en leucémie myéloïde aiguë, ou l'apparition ou la récidive d'une anémie aplasique au cours du traitement.

Qualité des preuves
La confiance dans les résultats est faible à modérée. L'étude présentait des limites de conception et de réalisation et son promoteur était le fabricant du médicament évalué. En outre, le nombre limité de patients inclus dans l'étude a conduit à des résultats imprécis. Des études à plus grande échelle doivent fournir davantage d'informations concernant l'effet de l'éculizumab chez les patients atteints de d'hémoglobinurie paroxystique nocturne.

Ce résumé en langage simplifié est à jour à la date de mai 2014.

Conclusions des auteurs: 

Cette revue a constaté qu'il n'existait pas de preuves en faveur de l'éculizumab, par rapport à un placebo, dans le traitement de l'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), en termes de survie globale, d'événements thrombotiques non fatals, de transformation en syndrome myélodysplasique ou en leucémie myéloïde aiguë, et de développement ou de récidive d'une anémie aplasique au cours du traitement. Les preuves actuelles indiquent que par rapport à un placebo, l'éculizumab augmente la qualité de vie liée à la santé et l'indépendance vis-à-vis des transfusions. Aucun patient n'est décédé au cours de de l'essai en question. En outre, l'intervention semble réduire la fatigue et les abandons prématurés pour toutes causes. Le profil d'innocuité de l'éculizumab n'est pas clair. Nos conclusions sont basées sur un essai de petite taille, comportant un risque de biais d'attrition et de notification sélective.

Par conséquent, la prescription de l'éculizumab pour traiter les patients atteints d'HPN ni peut être préconisée ni rejetée, à moins que de nouvelles preuves issues d'un essai de bonne qualité et à grande échelle ne viennent changer cette conclusion. En conséquence, nous conseillons au lecteur d'interpréter les résultats de cet essai avec prudence. Les futurs essais portant sur cette question devraient être réalisées conformément à la déclaration SPIRIT et rapportés conformément à la déclaration CONSORT par des investigateurs indépendants, en utilisant les recommandations des Fondamentaux de la recherche sur les critères d'évaluation centrés sur le patient.

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Contexte: 

L'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) est une maladie chronique, non maligne, des cellules souches hématopoïétiques, associée à une morbidité et une mortalité significatives. C'est une maladie rare, dont l'incidence est estimée à 1,3 nouveau cas par million d'individus par an. Son traitement est en grande partie empirique et symptomatique (transfusions sanguines, anticoagulation, supplémentation en acide folique ou en fer). L'éculizumab, un agent biologique qui inhibe la cascade du complément, a été développé pour prévenir l'anémie hémolytique et les épisodes de thrombose sévères.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les risques cliniques de l'éculizumab pour le traitement des patients souffrant d'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons exécuté une stratégie de recherche documentaire exhaustive. Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, The Cochrane Library 2014, numéro 5), Ovid MEDLINE (de 1946 au 15 mai 2014), EMBASE (de 1980 au 25 juin 2014) et LILACS (de 1982 au 25 juin 2014). Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR), indépendamment de leur statut de publication ou de la langue. Aucune restriction n'a été appliquée par rapport à la période de suivi. Nous avons exclu les quasi-ECR. Nous avons inclus les essais comparant l'éculizumab avec un placebo ou au meilleur traitement disponible. Nous avons inclus des patients présentant un diagnostic confirmé de PNH. Le principal critère d'évaluation était la survie globale.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons, de manière indépendante, effectué en double la sélection des essais éligibles, l'évaluation du risque de biais et l'extraction des données. Nous avons estimé les risques relatifs (RR) et l'intervalle de confiance (IC) à 95 % pour les résultats dichotomiques, et les différences moyennes (DM) et les IC à 95 % pour les résultats continus. Nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires pour l'analyse.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié un ECR multicentrique (34 sites) de phase III portant sur 87 participants. L'essai comparait l'éculizumab à un placebo sur 26 semaines de suivi et a été réalisé aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie. Cet essai de petite taille présentait un risque élevé de biais dans plusieurs domaines (attrition et notification sélective). Son promoteur était un laboratoire pharmaceutique. Aucun des patients n'est décédé pendant l'étude. En utilisant le questionnaire sur la qualité de vie de l'Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (scores de 0 à 100, augmentant en proportion de l'amélioration sur les échelles de l'état de santé général et des fonctions), l'essai a montré une amélioration de la qualité de vie liée à la santé chez les patients traités avec l'éculizumab (différence moyenne (DM) 19,4, IC à 95 % de 8,25 à 30,55 ; P = 0,0007 ; preuves de faible qualité). En utilisant l'instrument d'évaluation fonctionnelle de la fatigue dans le traitement des maladies chroniques (scores de 0 à 52, augmentant en proportion de l'amélioration de la fatigue), l'essai a montré une réduction de la fatigue (DM 10,4, IC à 95 % de 9,97 à 10,83 ; P = 0,00001 ; preuves de qualité modérée) dans le groupe éculizumab par rapport au placebo. La comparaison de l'éculizumab au placebo fait apparaître une plus grande proportion de patients obtenant une indépendance transfusionnelle avec l'éculizumab : 51 % (22 sur 43) contre 0 % (0 sur 44) ; risque relatif (RR) 46,02, IC à 95 % de 2,88 à 735,53 ; P = 0,007 ; preuves de qualité modérée ; une différence apparaît également dans la proportion d'abandons pour toutes raisons : 4,7 % (2 sur 43) contre 22,72 % (10 sur 44) ; RR 0,20, IC à 95 % de 0,05 à 0,88 ; P = 0,03 ; preuves de qualité modérée. En raison du faible taux d'événements observés, l'essai inclus ne fait apparaître aucune différence entre l'éculizumab et le placebo en termes d'événements indésirables graves : 9,3 % (4 sur 43) contre 20,4 % (9 sur 44) ; RR 0,15, IC à 95 % 0,15 à 1,37 ; P = 0,16 ; preuves de faible qualité. Nous n'avons pas observé de différence entre le groupe d'intervention et le placebo pour les événements indésirables les plus fréquents. Un participant recevant le placebo a eu un épisode de thrombose. L'essai n'a pas évalué la survie globale, la transformation en syndrome myélodysplasique ou en leucémie myéloïde aiguë, ni le développement ou la récidive d'une anémie aplasique au cours du traitement.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.