Contexte
La fibrose hépatique est une modification de la structure microscopique du foie en raison de l'inflammation du foie. Après plusieurs années de consommation excessive d'alcool, la fibrose du foie progresse vers la cirrhose. L'abstinence peut empêcher la fibrose de progresser vers la fibrose importante ou sévère et la cirrhose. Celle-ci entraîne des complications par des maladies sous-jacentes, notamment le cancer.
La mesure de l'importance de la fibrose est donnée par sa classification en stade. Il y a cinq stades (F0: pas de fibrose; F1: fibrose minime; F2: fibrose significative (s'étendant hors du parenchyme hépatique); F3: fibrose sévère (s'étendant en pont avec d'autres aires de parenchyme hépatique); F4: cirrhose ou fibrose avancée. Des valeurs seuil pourraient permettre de distinguer les différents stades de fibrose, mais chez les personnes ayant une maladie alcoolique du foie, les meilleures valeurs seuil n'ont pas encore été déterminées.
Argumentaire
La biopsie du foie consiste à prélever un échantillon de tissu hépatique à l'aide d'une petite aiguille. C'est la méthode de référence pour détecter et mesurer la fibrose.
L'élastométrie impulsionnelle mesure le durcissement du foie causé par l'évolution de la fibrose, mais elle n'a pas été validée chez des personnes atteintes de maladie alcoolique du foie.
Objectifs
Établir la capacité de l'élastométrie impulsionnelle à établir la présence ou l'absence de fibrose et sa capacité à la classer en stade chez des personnes atteintes de maladie alcoolique du foie par comparaison à la biopsie hépatique.
Méthodes
En utilisant les méthodes Cochrane et en recherchant dans la littérature (août 2014), les auteurs de la revue ont obtenu des résultats provenant de 14 études (834 participants), dont seulement sept comprenaient uniquement des personnes atteintes d'une maladie alcoolique du foie. Les participants ont bénéficié à la fois d'une élastographie impulsionnelle (examen évalué) et d'une biopsie du foie (examen de référence).
Constatations et conclusions
Le nombre d'études et de participants était petit et les participants avaient divers degrés de sévérité de fibrose du foie. Seulement quatre études ont été jugées de bonne qualité.
L'élastographie impulsionnelle dans la fibrose de stade F2 ou plus (fibrose significative)
Il y avait sept études avec 338 participants : 81 % des personnes avaient une fibrose significative. Sur 1 000 personnes, 810 auraient une fibrose significative. Parmi ces 810 personnes, 49 ne seraient pas repérées tout en ayant une fibrose significative. Un suivi clinique pourrait fournir aux médecins des renseignements pour l'étape suivante du diagnostic. Les 190 personnes restantes n'auraient pas une fibrose significative ; 21 d'entre elles auraient été inquiétées inutilement au sujet de leur stade de fibrose du foie.
L'élastographie impulsionnelle dans la fibrose de stade F3 ou plus (fibrose sévère)
Il y avait huit études avec 564 participants : 61 % des personnes avaient une fibrose sévère. Sur 1 000 personnes, 610 auraient une fibrose sévère. Parmi ces 610 personnes, 49 ne seraient pas repérées tout en ayant une fibrose sévère. Un suivi clinique pourrait fournir aux médecins des renseignements pour l'étape suivante du diagnostic. Les 390 personnes restantes n'auraient pas une fibrose sévère ; 117 d'entre elles auraient été inquiétées inutilement au sujet de leur stade de fibrose du foie.
L'élastographie impulsionnelle dans la fibrose de stade F4 (cirrhose)
Il y avait sept études avec 330 participants : 51 % des personnes avaient une cirrhose. Sur 1 000 personnes, 510 auraient une cirrhose. Parmi ces 510 personnes, 26 ne seraient pas repérées bien qu'ayant une cirrhose. Un suivi clinique pourrait fournir aux médecins des renseignements pour l'étape suivante du diagnostic. Les 490 personnes restantes n'auraient pas une cirrhose ; 143 d'entre elles auraient été inquiétées inutilement au sujet de leur stade de fibrose du foie.
L'élastométrie impulsionnelle pourrait être utilisée comme outil diagnostic chez des personnes ayant une maladie alcoolique du foie pour écarter une cirrhose hépatique et pourrait être également une aide pour écarter une fibrose sévère . La biopsie du foie reste toujours une option si la certitude d'exclure ou pas un stade de fibrose ou de cirrhose hépatique reste insuffisante après un suivi clinique ou tout autre examen non invasif jugé utile par le clinicien.
Les meilleures valeurs seuil pour différencier les cinq stades de fibrose du foie les uns des autres ne pouvaient toujours pas être établies.
Les études futures ne devraient inclure que des personnes ayant une maladie alcoolique du foie. La fibrose hépatique devrait être diagnostiquée par une élastométrie impulsionnelle suivie d'une biopsie du foie et les valeurs seuil de la dureté hépatique pour les différents stades de fibrose hépatique devraient être décidées avant la réalisation de l'examen. L'intervalle de temps entre les deux examens ne devrait pas être supérieur à trois mois, un intervalle essentiellement valide pour les personnes sans cirrhose. Les évaluateurs des résultats ne devraient pas connaître le traitement donné.
Nous avons identifié un petit nombre d'études avec peu de participants et nous n'avons pas pu inclure plusieurs études, ce qui augmente le risque de biais de déclaration. En gardant ces restrictions à l'esprit, l'élastographie impulsionnelle pourrait être utilisée comme méthode diagnostique pour écarter une cirrhose (stade F4) chez des personnes présentant une maladie alcoolique du foie quand la probabilité pré-test est aux alentours de 51 % (de 15 % à 79 %). L'élastographie impulsionnelle pourrait être également une aide pour écarter une fibrose sévère (stade F3 ou plus). La biopsie du foie reste une option quand on ne peut pas écarter ou déterminer avec suffisamment de certitude un stade de fibrose hépatique ou de cirrhose après suivi clinique ou après tout autre examen non invasif considéré utile par le clinicien.
Les valeurs seuil proposées pour les différents stades de fibrose hépatique pourraient être utilisées en pratique clinique, mais la prudence est de mise, car les valeurs documentées dans cette revue ne sont que les valeurs seuil les plus couramment utilisées par les auteurs des études. Les meilleures valeurs seuil pour la fibrose hépatique chez des personnes ayant une maladie alcoolique du foie ne peuvent toujours pas être déterminées.
Afin d'établir correctement le stade d'une fibrose hépatique chez des personnes ayant une maladie alcoolique du foie en utilisant l'évaluation par élastographie impulsionnelle, les études ne devraient prendre en compte qu'une seule étiologie. Le diagnostic de fibrose hépatique devrait être établi par élastographie impulsionnelle et par biopsie du foie, et dans cet ordre, et les valeurs seuil de l'élastographie impulsionnelle devraient être pré-déterminées et validées. L'intervalle de temps entre les deux investigations ne devrait pas dépasser 3 mois, qui est l'intervalle principalement valide pour des personnes exemptes de cirrhose, et l'insu pour l'évaluation des résultats devrait être correctement fait. Seules des études avec un faible risque de biais, remplissant les normes de présentation de l'exactitude diagnostique (Standards for Reporting of Diagnostic Accuracy) pourraient répondre à l'objectif de la revue.
La présence et l'évolution de la fibrose hépatique (du foie) en cirrhose est une variable pronostique qui a un impact sur la survie des personnes ayant une maladie alcoolique du foie. La biopsie hépatique, bien qu'étant une méthode invasive, est la « référence » recommandée pour le diagnostic et le classement en stade de la fibrose hépatique chez les personnes ayant une maladie alcoolique du foie. L'élastographie impulsionnelle est une méthode non invasive pour évaluer et classer en stade la fibrose hépatique.
Déterminer l'exactitude diagnostique de l'élastographie impulsionnelle pour le diagnostic et le classement en stade de la fibrose hépatique chez les personnes ayant une maladie alcoolique du foie par rapport à la biopsie hépatique. Identifier les valeurs seuil optimales pour différencier les cinq stades de la fibrose hépatique.
Le registre des essais du groupe Cochrane sur les affections hépato-biliaires, le registre Cochrane des études sur la précision des tests diagnostiques, la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE(OvidSP), EMBASE (OvidSP) et le Science Citation Index Expanded (dernière recherche en août 2014).
Les types cohorte diagnostique et étude diagnostique cas-témoins qui ont évalué, chez des participants ayant une maladie alcoolique du foie, la fibrose hépatique par élastographie impulsionnelle et par biopsie du foie, quelque soit la langue ou le statut de la publication. Les participants de l'étude pouvaient être de tout sexe et de toute origine ethnique, de plus de 16 ans, hospitalisés ou pris en charge en consultation. Nous avons exclu les patients atteints d'hépatite virale, de maladie autoimmune, métabolique ou toxique.
Nous avons suivi les recommandations du manuel Cochrane en préparation sur les revues systématiques d'exactitude d'un examen diagnostic (Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Diagnostic Test Accuracy).
Cinq études de cohorte rétrospective et neuf études de cohorte prospective avec 834 participants ont fourni des données pour les analyses de la revue. Les auteurs de sept de ces études nous ont fait parvenir les données individuelles des participants. Le risque de biais était élevé pour toutes les études incluses sauf trois. Nous n'avons pas identifié de problème important concernant l'applicabilité des études à répondre à la question principale de notre revue, en l’occurrence, l'utilisation de l'élastographie impulsionnelle pour le diagnostic de la fibrose hépatique. Nous n'avons pas pu identifier les valeurs seuil optimales des différents stades de fibrose. La définition du diagnostic de la maladie alcoolique du foie n'était pas fournie dans l'une des études, et dans deux études, elle n'était pas claire, mais dans les 11 autres études, elle était claire. Les auteurs des études utilisaient différentes valeurs seuil de la dureté du foie par élastographie impulsionnelle pour les stades de fibrose hépatique.
Il n'y avait qu'une seule étude (103 participants) avec des données sur des fibroses hépatique de stade F1 et plus, avec une valeur seuil de 5,9 kPa, elle rapportait une sensibilité de 0,83 (intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,74 à 0,90) et une spécificité de 0,88 ( IC à 95 % de 0,47 à 1,00). Dans l'ensemble, la sensibilité et la spécificité de l'élastographie impulsionnelle pour le stade F2 et plus (sept études avec 338 participants et des valeurs seuil autour de 7,5 kPa (de 7,0 à 7,8 kPa)) étaient de 0,94 et 0,89 avec un RV+ à 8,2 et un RV- à 0,07, ce qui fait suggérer que l'élastographie impulsionnelle pourrait être utile pour exclure la présence d'une fibrose hépatique significative, et ainsi éviter une biopsie du foie.
En raison du large éventail des valeurs seuil (de 8,0 à 17,0 kPa) trouvées dans les 10 études incluant 760 participants avec une fibrose hépatique de stade F3 ou plus, nous avons ajusté un modèle HSROC (hierarchical summary receiver operating characteristic) et estimé une courbe ROC globale (ROCg). La sensibilité des 10 études variait entre 72 % et 100 % et la spécificité entre 59 % et 89 %. Nous avons réalisé une analyse supplémentaire en incluant les études avec une valeur seuil proche ou égale à 9,5 pKa (de 8,0 à 11,0 pKa) Globalement, la sensibilité et la spécificité de l'élastographie impulsionnelle (huit études avec 564 participants) étaient de 0,92 et 0,70 avec un RV+ de 3,1 et un RV- de 0,11, ce qui fait suggérer que l'élastographie impulsionnelle pourrait également être utile pour écarter l'existence d'une fibrose hépatique sévère (stade F3 ou plus), évitant une biopsie hépatique. Nous avons réalisé une analyse de sensibilité en ne prenant en compte que les études avec une valeur seuil égale à 9,5 pKa et le résultat n'était pas différent.
Nous avons réalisé une analyse HSROC et documenté une courbe ROCg pour la fibrose hépatique de stade F4 (cirrhose). L'analyse HSROC fait suggérer qu'en modifiant la valeur seuil, la variation de la spécificité est grande mais que la variation de la sensibilité est plus limitée. Nous avons réalisé une analyse supplémentaire avec les études ayant utilisé la valeur seuil de 12,5 pKa, la plus courante. Globalement, la sensibilité et la spécificité de l'élastographie impulsionnelle (sept études avec 330 participants) étaient de 0,95 et 0,71 avec un RV+ de 3,3 et un RV- de 0,07, faisant suggérer, là aussi, que l'élastographie impulsionnelle pourrait être utile pour écarter l'existence d'une cirrhose, évitant une biopsie hépatique.
Traduction réalisée par Cochrane France