Question de la revue
Le cross-linking (CXL) du collagène cornéen, également appelé réticulation, est-il un bon traitement pour ralentir la progression du kératocône ?
Contexte
Le kératocône est une maladie dans laquelle la partie avant transparente de l'œil (cornée) s'amincit et se déforme en cône. Cela entraîne des problèmes de vision, généralement la myopie (les objets lointains apparaissent flous). Cette affection est plus fréquente chez les enfants et les jeunes adultes et peut se détériorer au fil du temps. Initialement, lunettes et lentilles de contact peuvent aider. Si la maladie progresse, la seule option peut être une greffe de cornée.
Le CXL est un nouveau traitement pour le kératocône. L'ophtalmologiste enlève la couche externe de la cornée, administre de la vitamine B 2 en collyre, puis traite l'œil avec des rayons de lumière ultraviolette A. L'opération peut être réalisée en ambulatoire et dure environ une heure.
Caractéristiques des études
Les recherches sont à jour jusqu'à août 2014. Nous avons trouvé trois essais contrôlés randomisés menés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Un total de 219 yeux ont été assignés au hasard au traitement CXL ou à l'absence de traitement. Dans les trois études, la chirurgie a été effectuée de la même manière. Aucune des études ne portait sur des enfants.
Principaux résultats
Les yeux traités par le CXL étaient moins susceptibles de présenter des problèmes de progression de la déformation en cône que les yeux non traités. Cependant, les études étaient de petite taille et des préoccupations ont émergé au sujet de la façon dont elles avaient été réalisées. Il est donc difficile de dire exactement dans quelle mesure le traitement a aidé. Aucune des études n'a rapporté le risque de dégradation de la vision mais, en moyenne, les yeux traités avaient une meilleure vision (par environ 10 lettres) que les yeux non traités. Aucune des études ne rendait compte d'un changement dans la qualité de vie du participant. Les principaux effets indésirables étaient l'inflammation et le gonflement, qui se sont produits chez environ un participant sur 10.
Qualité des données
Nous avons estimé que la qualité des données était très faible en raison de problèmes dans la réalisation et le compte-rendu des études et du petit nombre d'yeux inclus.
Les éléments de preuve sur l'utilisation du cross-linking dans la prise en change du kératocône sont limités en raison de l'absence d'ECR bien conduits.
Le kératocône est une affection de l'œil touchant environ une personne sur 2 000. Cette pathologie entraîne une augmentation progressive de la courbure de la cornée et une diminution de l'acuité visuelle ayant une incidence sur la qualité de vie. La réticulation ou le cross-linking (CXL) du collagène à l'aide de rayons ultraviolets A (UVA) et de riboflavine (vitamine B2) est un traitement relativement nouveau dont il a été rapporté qu'il pouvait ralentir ou arrêter la progression de la maladie à ses débuts.
L'objectif de cette revue systématique était d'évaluer s'il existe des données probantes démontrant que le CXL est un traitement efficace et sûr pour arrêter la progression du kératocône par rapport à l'absence de traitement.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2014, numéro 7), Ovid MEDLINE, Ovid MEDLINE In-Process and Other Non-Indexed Citations, Ovid MEDLINE Daily, Ovid OLDMEDLINE (de janvier 1946 à août 2014), EMBASE (de janvier 1980 à août 2014), LILACS (Latin American and Caribbean Health Sciences Literature Database) (de 1982 à août 2014), CINAHL (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature) (de 1982 à août 2014), OpenGrey (Système d'information sur la littérature grise en Europe) (www.opengrey.eu/), le méta-registre des essais contrôlés (mREC) (www.controlled-trials.com), ClinicalTrials.gov (www.clinicaltrials.gov) ainsi que le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (www.who.int/ictrp/search/en). Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue ou la date lors des recherches électroniques d'essais. Nous avons interrogé les bases de données électroniques pour la dernière fois le 28 août 2014.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) dans lesquels le CXL avec lumière UVA et riboflavine était utilisé pour traiter les personnes atteintes de kératocône et comparé à l'absence de traitement.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment passé au crible les résultats de recherche, évalué la qualité des essais et extrait les données en utilisant les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Nos principaux critères d'évaluation étaient deux indicateurs de progression à 12 mois : augmentation de la kératométrie maximale de 1,5 dioptries (D) ou plus et détérioration de l'acuité visuelle non corrigée de plus de 0,2 logMAR.
Nous avons inclus dans cette revue trois ECR menés en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis portant sur un total de 225 yeux et ayant analysé 219 yeux. Le nombre total de participants n'était pas clair dans deux des études. Ces études portaient seulement sur des adultes. Sur les yeux analysés, 119 ont fait l'objet du CXL (utilisant tous la technique sans épithélium) et 100 ont servi de témoins. Une de ces études ne rapporte que des données comparatives sur les critères de la revue. Les trois études étaient à risque élevé de biais de performance (absence de masquage), de détection (un seul essai a tenté de masquer l'évaluation des résultats) et d'attrition (suivi incomplet). Il n'a pas été possible de mettre en commun les données en raison de différences dans la mesure et la présentation des résultats. Nous avons identifié trois autres essais non publiés portant potentiellement sur un total de 195 participants.
Peu de données existent sur le risque de progression. L'analyse des quelques premiers participants suivis jusqu'à un an dans une étude suggère que les yeux traités par CXL étaient moins susceptibles que les yeux non traités de présenter une augmentation de 1,5 D ou plus de la kératométrie maximale à 12 mois, mais les intervalles de confiance (IC) étaient larges et compatibles avec l'absence d'effet ou une progression plus importante dans le groupe CXL (risque relatif (RR) de 0,12 ; IC à 95 % de 0,01 à 2,00 ; 19 yeux). La même étude a rapporté le nombre d'yeux présentant une augmentation de 2 D ou plus à 36 mois dans toute la cohorte, avec un RR de 0,03 en faveur du CXL (IC à 95 % de 0,00 à 0,43 ; 94 yeux). Une autre étude rapportait la progression à 18 mois en utilisant une définition différente ; les personnes recevant un traitement par CXL étaient moins susceptibles de présenter une progression, mais là aussi, l'effet était incertain (RR 0,14 ; IC à 95 % de 0,01 à 2,61 ; 44 yeux). Nous avons estimé que la qualité de ces données était très faible en raison du risque de biais des études incluses, de l'imprécision, du caractère indirect et du biais de publication, mais avons noté que la taille de l'effet potentiel était grande.
En moyenne, les yeux traités présentaient une cornée moins raide (par environ 2 D) (différence moyenne (DM) -1,92 ; IC à 95 % de -2,54 à -1,30 ; 94 yeux, un ECR, preuves de très faible qualité) et une meilleure acuité visuelle non corrigée (par environ deux lignes ou dix lettres) (DM -0,20 ; IC à 95 % de -0,31 à -0,09 ; 94 yeux, un ECR, preuves de très faible qualité) à 12 mois. Aucune des études n'a signalé une perte d'acuité de 0,2 logMAR. Les données sur l'épaisseur de la cornée étaient incohérentes. Aucune donnée n'était disponible sur la qualité de vie ou les coûts. Les effets indésirables n'étaient pas rares, mais le plus souvent transitoires et de faible importance clinique. Dans un essai, 3 sur 12 participants traités par CXL ont présenté un effet indésirable, y compris un oedème cornéen, une inflammation de la chambre antérieure et des érosions cornéennes récurrentes. Dans un essai, à 3 ans, 3 participants sur 50 ont présenté des événements indésirables, y compris de légers œdèmes cornéens diffus et des infiltrats paracentraux, la vascularisation de la cornée périphérique, des infiltrats sous-épithéliaux et l'inflammation de la chambre antérieure. Aucun effet indésirable n'a été signalé dans les groupes témoins.
Traduction réalisée par Cochrane France