Jusqu'à récemment, la seule option pratique pour les personnes souffrant d'allergies alimentaires était l'éviction stricte des aliments contenant les allergènes. Or il est difficile d'éviter les œufs parce qu'ils entrent dans la composition de nombreux aliments. Malgré l'éviction, la crainte d'une ingestion accidentelle avec des aliments mal étiquetés ou par une contamination croisée est permanente, même chez les allergiques les plus précautionneux. La consommation accidentelle d'aliments contenant des œufs pourrait provoquer une réaction potentiellement mortelle. Bien qu'un petit nombre d'études seulement aient été publiées, il existe un nouveau type de traitement de l'allergie aux œufs appelé « immunothérapie orale » (ou « désensibilisation par voie orale »). Celui-ci consiste en une ingestion quotidienne de petites quantités de protéine d’œuf, qui sont progressivement augmentées jusqu'à ce qu'une portion complète soit atteinte. Cette méthode pourrait modifier la réponse allergique du système immunitaire aux protéines de l’œuf, en augmentant la quantité d’œuf qui peut être consommée sans induire une réaction indésirable.
Nous avons identifié des essais contrôlés randomisés comparant l'immunothérapie orale à un placebo ou à l'éviction chez des personnes allergiques aux œufs. Un total de 167 enfants (100 dans le groupe de l'immunothérapie orale et 67 dans le groupe témoin) âgés de 4 à 15 ans ont été inclus dans l'étude. La preuves à ce jour montrent que l'immunothérapie orale contre l'allergie aux œufs pourrait aider une majorité d'enfants allergiques à tolérer une portion partielle d’œuf tant qu'ils continuent à consommer une dose quotidienne de protéines d’œuf. Les effets secondaires ont été fréquents pendant l'immunothérapie orale, mais ils étaient généralement d'intensité légère à modérée. Toutefois, 5 patients sur 100 traités par immunothérapie orale contre une allergie aux œufs ont eu besoin d'une administration d'adrénaline à cause d'une réaction sévère d'hypersensibilité. On notera que les essais portaient sur de petits effectifs et qu'ils ont posé des problèmes de réalisation, de sorte que des recherches complémentaires sont nécessaires.
Les études étaient de petite taille et la qualité des preuves était faible. Les données actuelles suggèrent que l'ITO peut désensibiliser un grand nombre de patients allergiques aux œufs, mais ne permettent pas de savoir si une tolérance à long terme se développe. Un inconvénient majeur de l'ITO est la fréquence des effets indésirables, bien que ceux-ci soient généralement légers et disparaissent spontanément. L'utilisation d'adrénaline au cours d'une ITO semble peu fréquente. Il n'existe pas de protocoles normalisés pour l'ITO et des lignes directrices seraient nécessaires avant que la désensibilisation puisse être intégrée dans la pratique clinique.
L'allergie clinique aux œufs est une allergie alimentaire fréquente, gérée actuellement par l'éviction stricte de l'allergène. L'immunothérapie orale (ITO) pourrait constituer une option de traitement permettant une désensibilisation aux allergènes de l'œuf.
Nous avons cherché à évaluer le succès de la désensibilisation et le développement d'une tolérance aux protéines d’œuf ainsi que l'innocuité de l'immunothérapie orale et sublinguale chez des enfants et adultes atteints d'allergie aux œufs médiée par l'immunoglobuline E (IgE) par rapport à un placebo ou à une stratégie d'éviction.
Nous avons recherché dans 13 bases de données des articles de journaux, des actes de conférence, des thèses et des essais non publiés, en utilisant une combinaison de titres de sujets et de mots clés (la dernière recherche a été effectuée le 5 décembre 2013).
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR). Tous les groupes d'âge présentant une allergie aux œufs clinique devaient être inclus.
Nos recherches électroniques ont mis à jour 83 études. Nous avons sélectionné les études, extrait les données et évalué la qualité méthodologique. Nous avons essayé de contacter les investigateurs des études pour obtenir les données non publiées, chaque fois que cela était possible. Nous avons utilisé I² pour évaluer l'hétérogénéité statistique. Nous avons estimé un risque relatif (RR) groupé avec un intervalle de confiance (IC) à 95 % pour chaque critère d'évaluation en utilisant un modèle à effets fixes de Mantel-Haenzel si l'hétérogénéité statistique était faible (valeur de I² inférieure à 50 %).
Nous avons inclus quatre ECR portant sur un total de 167 sujets recrutés (ITO 100 participants ; contrôle 67 participants), qui étaient tous des enfants (âgés de 4 à 15 ans). Une étude utilisait un placebo et trois autres un régime d'éviction comme témoin. Chaque étude utilisait son propre protocole d'ITO. Trente-neuf pour cent des participants du groupe ITO ont pu tolérer une portion complète d'œuf, contre 11,9 % des témoins (RR 3,39, IC à 95 % de 1,74 à 6,62). Quarante pour cent des participants du groupe ITO ont pu ingérer une portion partielle d’œuf (entre 1 et 7,5 g ; RR 5,73, IC à 95 % de 3,13 à 10,50). Soixante-neuf pour cent des participants ont présenté des effets indésirables d'intensité légère à sévère pendant l'ITO (RR 6,06, IC à 95 % de 3,11 à 11,83). Cinq des 100 participants ayant reçu une ITO ont eu besoin d'adrénaline. Nous ne pouvons pas dire, sur la base des données disponibles, s'il y a eu un problème de sur- ou de sous-déclaration des événements indésirables. Dans l'ensemble, la rigueur méthodologique était inconstante selon les essais.
Traduction réalisée par Cochrane France