Problématique de la revue
Nous avons tenté de déterminer si l'ablation chirurgicale plus élargie des ganglions lymphatiques avait un effet positif sur la survie, la récidive et les éventuelles complications, et comment leur ablation pouvait affecter la qualité de vie de la personne.
Contexte
Les adénocarcinomes pancréatiques et périampullaires sont les plus fréquents et les plus agressifs des cancers du pancréas. Les symptômes les plus courants sont la douleur, la jaunisse (jaunissement de la peau et du blanc des yeux) et la perte de poids. Malheureusement, ces symptômes ne se manifestent souvent pas aux premiers stades de la maladie, ce qui retarde le diagnostic. Ce retard signifie que seuls 15 à 25 % des personnes atteintes d'un cancer du pancréas sont candidats à une thérapie potentiellement curative. La duodénopancréatectomie partielle (DP) est le traitement de choix. Cela comprend l'ablation de la tête du pancréas (une grosse glande qui produit de l'insuline et des sécrétions facilitant la digestion), du duodénum (première partie de l'intestin grêle), de la vésicule biliaire (un organe qui stocke la bile, ce qui facilite la digestion), de l'extrémité du canal cholédoque (qui transporte la bile du foie ou de la vésicule biliaire vers le duodénum), des ganglions lymphatiques proches de la zone affectée (structures agissant comme des filtres pour empêcher les particules étrangères de pénétrer dans la circulation sanguine) et, parfois, de l'extrémité de l'estomac.
Cependant, le potentiel bénéfice du retrait davantage de ganglions lymphatiques reste controversé. En général, environ 5 % des personnes meurent des suites d'une opération du pancréas, et 18 à 52 % d'entre elles sont confrontées à des complications. Il s'agit notamment d'un retard de vidange de l'estomac après un repas, du développement d'une fistule pancréatique (une connexion anormale entre le pancréas et la cavité abdominale ou d'autres organes), de l'accumulation de pus dans l'abdomen et de saignements excessifs de l'estomac, de l'intestin ou de la cavité abdominale.
Caractéristiques des études
Nous avons inclus sept essais contrôlés randomisés (type d'étude dans laquelle les participants sont répartis au hasard dans les groupes de traitement), publiés avant le 10 septembre 2020, avec un total de 843 participants adultes ayant bénéficié d’une DP avec ablation standard ou étendue des ganglions lymphatiques. Il y avait des différences dans la taille de l'échantillon, les traitements et la qualité de la recherche entre les études.
Principaux résultats
Nous n'avons trouvé que peu ou pas de différence entre les deux groupes en termes de survie globale. Il est probable que la durée de l'opération ait été plus longue, les pertes sanguines ont été plus importantes et davantage de ganglions lymphatiques ont été enlevés dans le groupe ayant bénéficié d’une résection étendue des ganglions lymphatiques. Cependant, il n’y avait que peu ou pas de différence dans le taux de marges de résection négatives (c'est-à-dire aucune cellule tumorale détectable à la surface de coupe de l'échantillon) entre les deux groupes.
Nous concluons qu'à l'heure actuelle, une ablation plus importante des ganglions lymphatiques n'améliore pas la survie des personnes atteintes d'adénocarcinomes pancréatiques et périampullaires.
Qualité des données probantes
Dans l'ensemble, nous avons trouvé des données probantes de faible qualité. Les études ont utilisé différents schémas de traitement et différentes définitions de résection standard et étendue des ganglions lymphatiques ; l'absence de mise en aveugle des chirurgiens et des autres soignants a introduit un risque de biais de performance pour tous les critères de jugement ; l'utilisation de la chimiothérapie et d'autres co-interventions était différente d'une étude à l'autre, et entre les groupes dans les études individuelles. Par conséquent, nous avons une confiance limitée dans l'estimation de l'effet, et l'effet réel peut être sensiblement différent de ce que nous avons trouvé.
Il n'y a pas de données probantes indiquant un impact sur la survie avec la lymphadénectomie étendue par rapport à une lymphadénectomie standard. Cependant, la durée de l'opération pourrait avoir été plus longue et la perte de sang plus importante dans le groupe avec la lymphadénectomie étendue. En conclusion, les données probantes actuelles ne soutiennent ni ne réfutent l'effet de la lymphadénectomie étendue chez les personnes atteintes d'un adénocarcinome de la tête du pancréas.
Les adénocarcinomes pancréatiques et périampullaires comptent parmi les tumeurs malignes les plus agressives et font partie des principales causes de mortalité liée au cancer. La duodénopancréatectomie partielle (DP) avec des marges de résection négatives est la seule thérapie potentiellement curative. La forte prévalence des métastases ganglionnaires a conduit à l'hypothèse qu'une excision plus large avec ablation de plus de tissu lymphatique pourrait entraîner une amélioration de la survie, et des taux plus élevés de marges de résection négatives.
Comparer la survie globale après une lymphadénectomie standard (LAS) et une lymphadénectomie étendue (LAE) dans le cas d’un adénocarcinome de la tête du pancréas et périampullaire. Nous avons également comparé des critères de jugement secondaires, tels que la morbidité, la mortalité et l'invasion tumorale des marges de résection entre les deux procédures.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, PubMed et Embase de 1973 à septembre 2020 ; nous n'avons appliqué aucune restriction de langue.
Essais contrôlés randomisés (ECR) comparant la DP avec LAS à la DP avec LAE, incluant des participants atteints d'adénocarcinome de la tête pancréatique et périampullaire.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment sélectionné les références et extrait les données des rapports des études. Nous avons calculé des risques relatifs (RR) regroupés pour la plupart des critères de jugement binaires, sauf pour la mortalité postopératoire, pour laquelle nous avons estimé un rapport des cotes de Peto (RC de Peto), et des différences moyennes (DM) pour les critères de jugement continus. Nous avons utilisé un modèle à effets fixes en l'absence d'hétérogénéité substantielle (I² < 25 %), et un modèle à effets aléatoires en cas d'hétérogénéité substantielle (I² > 25 %). Deux auteurs de la revue ont indépendamment évalué le risque de biais, et nous avons utilisé GRADE pour évaluer la qualité des données probantes pour les critères de jugement importants.
Nous avons inclus sept études avec 843 participants (421 LAE et 422 LAS).
Les sept études comprenaient toutes des courbes de Kaplan-Meier pour la survie globale. Il n’y avait que peu ou pas de différence de survie entre les groupes (logarithme du rapport des risques instantanés (log HR) 0,12, intervalle de confiance (IC) à 95 % -3,06 à 3,31 ; P = 0,94 ; sept études, 843 participants ; données probantes de très faible qualité).
Il n’y avait que peu ou pas de différence dans la mortalité postopératoire entre les groupes (rapport des cotes (RC) de Peto 1,20, IC à 95 % 0,51 à 2,80 ; sept études, 843 participants ; données probantes de faible qualité).
La durée opératoire était probablement plus longue pour la LAE (différence moyenne (DM) 50,13 minutes, IC à 95 % 19,19 à 81,06 minutes ; cinq études, 670 participants ; données probantes de qualité modérée). Il y avait une grande hétérogénéité entre les études (I² = 88% ; P < 0,00001).
Il est possible que la perte de sang ait été plus importante avec la LAE (DM 137,43 ml, IC à 95 % 11,55 à 263,30 ml ; deux études, 463 participants ; données probantes de très faible qualité). Il y avait une grande hétérogénéité entre les études (I² = 81 %, P = 0,02).
Il est possible que davantage de ganglions lymphatiques aient été prélevés pendant la LAE (DM 11,09 ganglions, IC à 95 % 7,16 à 15,02 ; cinq études, 670 participants ; données probantes de qualité modérée). Il y avait une grande hétérogénéité entre les études (I² = 81 %, P < 0,00001).
Il n’y avait que peu ou pas de différence dans l'incidence de marges de résection positives entre les groupes (RR 0,81, IC à 95 % 0,58 à 1,13 ; six études, 783 participants ; données probantes de très faible qualité).
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr