Les thérapies visant à réduire le risque de formation de caillots sanguins dans les organes transplantés

Quelle est la question ?

Après la transplantation d'un organe, il existe un risque de formation d'un caillot sanguin dans une artère qui alimente l'organe en sang, ou dans une veine qui draine le sang de l'organe. La formation d'un caillot de sang (appelée « thrombose du greffon ») empêche la circulation sanguine, ce qui peut entraîner une défaillance de l'organe. Il existe de nombreux traitements qui visent à réduire la capacité du sang à coaguler (appelés « anticoagulants »). On ne sait pas si ces thérapies sont capables de prévenir la thrombose du greffon ou si elles augmentent le risque d'hémorragie majeure.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons effectué une recherche rigoureuse d'études comparant différents traitements anticoagulants chez les patients recevant une greffe d'organe. Nous étions particulièrement intéressés par les études rapportant des taux de thrombose des greffons, ainsi que des complications des anticoagulants, notamment le taux d'hémorragies majeures. Les données issues de plusieurs études ont été combinées quand cela était possible.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons identifié neuf études (712 patients) répondant à nos critères d'inclusion ; la qualité de ces études était généralement faible. Seules deux petites études ont rapporté une thrombose du greffon dans les transplantations rénales. Un anticoagulant appelé « héparine non fractionnée » pourrait augmenter le risque d'hémorragie après une transplantation rénale, mais ce résultat est d’un niveau de confiance faible. L'effet des anticoagulants sur les autres critères de jugement (nécessité d'une nouvelle intervention chirurgicale ou d'une réadmission en soins intensifs, besoin de transfusions sanguines, durée de l'hospitalisation, autres effets secondaires, caillots sanguins ailleurs dans l'organisme, longévité de l'organe transplanté et décès) dans le cadre d'une transplantation rénale reste peu clair.

Deux études ont examiné divers anticoagulants dans deux groupes uniques de patients ayant reçu une greffe du foie. On ne sait toujours pas si l'un des traitements anticoagulants testés a un effet sur la thrombose du greffon ou les hémorragies majeures. L'effet des anticoagulants sur d'autres critères de jugement chez les transplantés du foie reste également peu clair.

Aucune étude n'a porté sur les anticoagulants en cas de transplantation de cœur, de poumon, de pancréas ou de tout autre organe.

Conclusions

Il n'existe pas suffisamment de données probantes permettant de guider l'utilisation de médicaments visant à prévenir les caillots sanguins dans les organes transplantés. De nouvelles recherches sont nécessaires pour évaluer les traitements visant à prévenir la formation de caillots sanguins, ainsi que pour étudier les risques de ces traitements, tels que les hémorragies majeures.

Conclusions des auteurs: 

Dans l'ensemble, il y a peu de recherches dans le domaine de la prévention de la thrombose du greffon. En raison du manque de données probantes de haute qualité, on ne sait toujours pas si un traitement est capable de réduire le taux de thrombose précoce du greffon dans tout type de transplantation d'organe solide. L'héparine non fractionnée pourrait augmenter le risque d'hémorragie majeure chez les transplantés rénaux, mais cela repose sur des données probantes d’un niveau de confiance faible. Il n'existe pas de données probantes issues d'ECR pour guider les stratégies anti-thrombotiques dans les transplantations de foie, de cœur, de poumon ou d'autres organes solides. D'autres études sont nécessaires pour comparer les anticoagulants, les antiplaquettaires au placebo dans les transplantations d'organes solides. Elles devraient se concentrer sur des critères de jugement tels que la thrombose précoce du greffon, les complications hémorragiques majeures, le retour au bloc opératoire et la survie du patient/greffon.

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Contexte: 

La thrombose du greffon est une complication bien connue de la transplantation d'organes solides et l'une des principales causes de défaillance du greffon. Il n'existe actuellement aucun protocole standardisé pour la thromboprophylaxie. De nombreuses unités de transplantation utilisent l'héparine non fractionnée (HNF) et les héparines fractionnées (héparine de bas poids moléculaire ; HBPM) comme prophylaxie de la thrombose. Les agents antiplaquettaires tels que l'aspirine sont couramment utilisés en prophylaxie d'autres affections thrombotiques et pourraient jouer un rôle dans la prévention de la thrombose du greffon. Cependant, toute thromboprophylaxie pharmacologique s'accompagne du risque théorique d'augmenter le risque de pertes sanguines importantes après la transplantation. Cette revue examine les bénéfices et les risques de la thromboprophylaxie chez les patients bénéficiant d’une transplantation d'organe solide.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les risques de l'instauration d'une thromboprophylaxie chez les patients bénéficiant d’une transplantation d'organe solide.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur les reins et les greffes jusqu'au 10 novembre 2020 en contactant le spécialiste de l'information et en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, des actes des conférences, le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et le site ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) et quasi-ECR conçus pour examiner les interventions visant à prévenir la thrombose chez les receveurs d'organes solides. Tous les types de donneurs ont été inclus (donneur après mort circulatoire et mort du tronc cérébral et transplantation avec donneur vivant). Dans notre recherche, il n'y avait pas de limite d'âge supérieure pour les receveurs.

Recueil et analyse des données: 

Les résultats de la recherche documentaire ont été examinés et les données recueillies par deux auteurs indépendants. Les critères de jugement dichotomiques ont été exprimés en risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Des modèles à effets aléatoires ont été utilisés pour l'analyse des données. Le risque de biais a été évalué indépendamment par deux auteurs à l'aide de l'outil d'évaluation du risque de biais. La niveau de confiance des données probantes a été évaluée en utilisant l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).

Résultats principaux: 

Nous avons identifié neuf études (712 participants). Sept études (544 participants) portaient sur des transplantés rénaux, et deux études (168 participants) sur des transplantés hépatiques. Nous n'avons identifié aucune étude portant sur des transplantés du cœur, du poumon, du pancréas, de l'intestin ou de tout autre organe solide. Le biais de sélection était élevé ou pas clair dans huit des neuf études ; cinq études présentaient un risque élevé de biais de performance et/ou de détection ; tandis que les biais d'attrition et de notification étaient en général faibles ou pas clairs.

Trois études (180 participants) ont principalement porté sur l'héparinisation en transplantation rénale. Seules deux études ont rapporté la thrombose des vaisseaux du greffon dans le cadre d'une transplantation rénale (144 participants). Ces petites études présentaient un risque élevé de biais dans plusieurs domaines et n'ont rapporté que deux thromboses du greffon entre elles ; il n'est donc pas clair si l'héparine diminue le risque de thrombose précoce du greffon ou de thrombose hors greffon (niveau de confiance très faible).

L'HNF pourrait ne faire que peu ou pas de différence par rapport au placebo en ce qui concerne le taux d'événements hémorragiques majeurs dans le cadre d'une transplantation rénale (3 études, 155 participants : RR 2,92, IC à 95 % 0,89 à 9,56 ; I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Une analyse de sensibilité utilisant un modèle à effet fixe a suggéré que l'HNF pourrait augmenter le risque d'événements hémorragiques par rapport au placebo (RR 3,33, IC à 95 % 1,04 à 10,67, P = 0,04). Par rapport au contrôle, toute héparine (y compris l'HBPM) pourrait ne faire que peu ou pas de différence dans le nombre d'événements hémorragiques majeurs (3 études, 180 participants : RR 2,70, IC à 95 % 0,89 à 8,19 ; I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et avait un effet pas clair sur le risque de réadmission en soins intensifs (3 études, 180 participants : RR 0,68, IC à 95 % 0,12 à 3,90, I² = 45 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'effet de l'héparine sur nos autres critères de jugement (y compris le décès, la survie du patient et du greffon, les besoins en transfusion) reste incertain (données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Trois études (144 participants) ont examiné les interventions antiplaquettaires dans le cadre de la transplantation rénale : aspirine par rapport au dipyridamole (1), et Lipo-PGE1 plus héparine à faible dose par rapport au «contrôle» chez les patients ayant reçu un diagnostic de rejet aigu (2). Aucun d'entre eux n'a rapporté sur les thromboses précoces du greffon. L'effet de l'aspirine, du dipyridamole et de Lipo PGE1 plus héparine à faible dose sur les critères de jugement n'est pas clair (données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Deux études (168 participants) ont évalué les interventions dans les transplantations hépatiques. L'un d'eux comparait la warfarine à l'aspirine chez des patients présentant une thrombose préexistante de la veine porte et l'autre étudiait la plasmaphérèse associée à l'anticoagulation. Les deux études n'étaient que des publications de résumés, présentaient un risque élevé de biais dans plusieurs domaines et aucun critère de jugement n'a pu être inclus dans une méta-analyse. Dans l'ensemble, l'effet de l'une ou l'autre de ces interventions sur l'un ou l'autre de nos critères de jugement n'est pas clair et il n’y a pas de données probantes permettant de guider le traitement anti-thrombotique chez les transplantés hépatiques standard (données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.