Inhibiteurs des canaux calciques pour la prévention du dysfonctionnement cardiaque lié à la surcharge en fer dans la bêta-thalassémie transfusionnelle

Principaux messages

1. Les inhibiteurs des canaux calciques pourraient réduire la quantité de fer dans le cœur et améliorer la charge hépatique en fer chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions après 12 mois de traitement.
2. Des essais plus importants et plus longs sont nécessaires pour mieux comprendre les bénéfices et les risques des inhibiteurs des canaux calciques chez les personnes atteintes de thalassémie nécessitant des transfusions.

Qu'est-ce que la bêta-thalassémie dépendante des transfusions ?

La bêta-thalassémie est une maladie du sang héréditaire. Les personnes atteintes de bêta-thalassémie ne produisent pas suffisamment d'hémoglobine (une protéine contenue dans les globules rouges qui contient du fer et transporte l'oxygène dans le corps). En conséquence, ces personnes peuvent présenter les symptômes de l'anémie : fatigue, faiblesse, vertiges ou essoufflement. La forme la plus grave de la bêta-thalassémie est appelée bêta-thalassémie transfusionnelle, car les personnes qui en sont atteintes ont besoin de transfusions sanguines fréquentes. Un grave inconvénient de ce traitement est qu'il provoque l'accumulation d'un excès de fer dans le cœur et l'endommage. Les complications cardiaques sont la cause la plus fréquente de décès et d'invalidité chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie qui reçoivent régulièrement des transfusions sanguines.

Il est courant d'administrer aux personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions des médicaments (appelés chélateurs) pour réduire la quantité de fer dans l'organisme. En outre, des études ont montré que le fer pénètre dans le cœur par des voies appelées canaux calciques, et les médicaments qui bloquent ces voies (inhibiteurs des canaux calciques) pourraient réduire l'entrée du fer dans le cœur. Cependant, on ne sait pas si ce traitement est efficace et sûr pour les personnes atteintes de bêta-thalassémie.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous avons voulu savoir si les inhibiteurs des canaux calciques, administrés en association avec des chélateurs, peuvent prévenir les dysfonctionnements cardiaques dus à des dépôts excessifs de fer chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie qui reçoivent des transfusions sanguines régulières.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études portant sur l'association d'inhibiteurs des canaux calciques et de chélateurs, comparée à l'association de chélateurs seuls ou de chélateurs et d'un placebo (médicament factice). Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que la méthodologie et la taille des études.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons inclus six études qui ont recruté un total de 253 personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions. Tous les participants à l'étude présentaient une surcharge en fer significative et recevaient un traitement chélateur standard. Ils ont été assignés au hasard à l'un des deux traitements suivants : l'amlodipine (un inhibiteur des canaux calciques) en plus de leurs chélateurs, ou les chélateurs (seuls ou avec un placebo). Les études ont duré de six à douze mois.

Principaux résultats

L'amlodipine pourrait diminuer la quantité de fer dans le cœur et améliorer la charge hépatique en fer après 12 mois de traitement. Il n'y a pas eu de différence entre les groupes pour ces critères de jugement après seulement six mois ou pour d'autres critères de jugement (tels que le taux de fer dans le sang, le taux de fer dans le foie et une autre mesure de la fonction cardiaque) après six ou douze mois, bien que les résultats après six mois soient très incertains. Les essais n'ont rapporté aucun effet indésirable grave, mais l'amlodipine pourrait entraîner un risque plus élevé de gonflement des chevilles. Aucun essai n'a rapporté des décès, plusieurs mesures de la fonction cardiaque (nous n'avons trouvé des données que pour une seule mesure), l’activité électrique du cœur, la qualité de vie, le pourcentage de personnes ayant suivi le traitement ou le coût.

Des essais à long terme de plus grande envergure sont nécessaires pour mieux comprendre l'efficacité et la tolérance des inhibiteurs des canaux calciques chez les personnes atteintes de thalassémie dépendante des transfusions.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Les résultats à 12 mois suggèrent que l'amlodipine pourrait diminuer la quantité de fer dans le cœur et améliorer la charge hépatique en fer, mais nous avons peu confiance dans la plupart des résultats à 12 mois, principalement car les études étaient de petite taille et car les participants à l'étude pouvaient être conscients du traitement qu'ils recevaient

Les données probantes sont-elles à jour ?

Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2018. Les données probantes sont à jour jusqu'en janvier 2022.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes disponibles suggèrent que les inhibiteurs des canaux calciques peuvent réduire la concentration myocardique en fer et augmenter les valeurs T2* du foie chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions. Des essais contrôlés randomisés multicentriques à plus long terme sont nécessaires pour évaluer l'efficacité et la tolérance des inhibiteurs des canaux calciques en cas de surcharge en fer du myocarde, en particulier chez les jeunes enfants. Les essais futurs devraient également étudier le rôle de la concentration myocardique en fer de base dans la réponse aux inhibiteurs des canaux calciques et inclure une analyse coût-efficacité.

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Contexte: 

La bêta-thalassémie est une maladie du sang héréditaire qui réduit la production d'hémoglobine. La forme la plus grave nécessite des transfusions sanguines récurrentes, qui peuvent entraîner une surcharge en fer. Le dysfonctionnement cardiovasculaire causé par la surcharge en fer est la principale cause de morbidité et de mortalité chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions. La thérapie par chélation du fer a permis de réduire la gravité de la surcharge en fer systémique, mais l'élimination du fer du myocarde nécessite une stratégie préventive très proactive. Il existe des données probantes suggérant que les inhibiteurs des canaux calciques pourraient réduire le dépôt de fer dans le myocarde.

Ceci est une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2018.

Objectifs: 

Évaluer les effets des inhibiteurs des canaux calciques associés à un traitement standard de chélation du fer, par rapport à un traitement standard de chélation du fer (seul ou avec un placebo), sur la cardiomyopathie due à une surcharge en fer chez les personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons consulté le registre Cochrane des essais sur les hémoglobinopathies, compilé à partir de recherches dans des bases de données électroniques et de recherches manuelles dans des revues et des livres de résumés de conférences, jusqu'au 13 janvier 2022. Nous avons également examiné les bases de données des essais en cours et les références bibliographiques des articles et revues pertinentes.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur les inhibiteurs des canaux calciques associés à un traitement chélateur standard par rapport à un traitement chélateur standard seul ou associé à un placebo chez des personnes atteintes de bêta-thalassémie dépendante des transfusions.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standards de Cochrane. Nous avons utilisé le système GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus six ECR (cinq essais en groupes parallèles et un essai croisé) avec 253 participants ; 126 participants dans les groupes amlodipine et 127 dans les groupes témoins. Le niveau de confiance des données probantes était faible pour la plupart des critères de jugement à 12 mois ; les données probantes concernant la concentration de fer dans le foie étaient d’un niveau de confiance modéré, et les données probantes concernant les événements indésirables étaient d'un niveau de confiance très faible.

L'amlodipine associée à une chélation standard du fer, comparée à une chélation standard du fer (seule ou associée à un placebo), pourrait avoir peu ou pas d'effet sur les valeurs T2* cardiaques à 12 mois (différence de moyennes (DM) de 1,30 ms, intervalle de confiance (IC) à 95 % de -0,53 à 3,14 ; 4 essais, 191 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et sur la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) à 12 mois (DM de 0,81 %, IC à 95 % de -0,92 % à 2,54 % ; 3 essais, 136 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). L'amlodipine associée à une chélation standard du fer, comparée à une chélation standard du fer (seule ou avec un placebo), pourrait réduire la concentration myocardique en fer (CMF) après 12 mois (DM -0,27 mg/g, IC à 95 % -0,46 à -0,08 ; 3 essais, 138 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les résultats de notre analyse suggèrent que l'amlodipine a peu ou pas d'effet sur le T2* du cœur, la CMF ou la FEVG après six mois, mais les données probantes sont très incertaines.

L'amlodipine associée à une chélation du fer standard comparée à une chélation du fer standard (seule ou avec un placebo) pourrait augmenter les valeurs T2* du foie après 12 mois (DM 1,48 ms, IC à 95 % 0,27 à 2,69 ; 3 essais, 127 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais a probablement peu ou pas d'effet sur la ferritine sérique après 12 mois (DM 0.07 μg/mL, IC à 95 % -0,20 à 0,35 ; 4 essais, 187 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et a probablement peu ou pas d'effet sur la concentration hépatique en fer (CHF) après 12 mois (DM -0,86 mg/g, IC à 95 % -4,39 à 2,66 ; 2 essais, 123 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les résultats de notre analyse suggèrent que l'amlodipine a peu ou pas d'effet sur la ferritine sérique, les valeurs T2* du foie ou la CHF après six mois, mais les données probantes sont très incertaines.

Les essais inclus n'ont pas rapporté les événements indésirables graves après six ou douze mois d'intervention. Les études ont rapporté les effets indésirables légers tels que des œdèmes, des vertiges, une légère allergie cutanée, un gonflement des articulations et de légers symptômes gastro-intestinaux. L'amlodipine pourrait être associée à un risque plus élevé d'œdème (risque relatif (RR) 5,54, IC à 95 % 1,24 à 24,76 ; 4 essais, 167 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous n’avons pas trouvé de différence entre les groupes en ce qui concerne la survenue d'autres événements indésirables, mais les données probantes étaient très incertaines.

Aucun essai n'a rapporté la mortalité, les évaluations de la fonction cardiaque autres que l'estimation échocardiographique de la FEVG, les anomalies électrocardiographiques, la qualité de vie, l'observance du traitement ou le coût des interventions.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Inès Belalem et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.