Médicaments hypoglycémiants pour traiter le diabète et les maladies rénales chroniques

Quelle est la problématique ?
Le diabète est la cause la plus fréquente de maladie rénale chronique (MRC). En raison de la diminution de la fonction rénale et des changements dans la clairance des médicaments et du glucose, le traitement des personnes atteintes de diabète et de MRC est difficile. Il y a un risque accru d'hypoglycémie (faible taux de sucre dans le sang). Cependant, la plupart des hypoglycémiants ont été étudiés chez des personnes dont la fonction rénale est presque normale. Le but de cette revue est de déterminer l'efficacité et l'innocuité des hypoglycémiants chez les personnes atteintes de diabète et de MRC.

Qu'avons-nous fait ?
Nous avons examiné des études comparant différents médicaments entre eux ou un médicament versus l'absence de médicaments chez les personnes atteintes de diabète et de MRC.

Qu’avons -nous trouvé ?

Nous avons inclus 44 études portant sur 13 036 personnes. La plupart des études ont comparé différents types de médicaments - des inhibiteurs du co-transporteur-2 du glucose sodique (SGLT2), des inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4), des agonistes du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et des glitazones à l’absence de traitement. Deux études ont comparé les médicaments sitagliptine et glipizide.

Les inhibiteurs de SGLT2 réduisent probablement les taux de glucose, la tension artérielle, l'insuffisance cardiaque et les taux élevés de potassium, mais augmentent les infections génitales et réduisent légèrement la fonction rénale. Les inhibiteurs de SGLT2 pourraient réduire le poids. Leur effet sur le risque de décès, l'hypoglycémie, les lésions rénales aiguës, les infections urinaires, l’insuffisance rénale terminale, l'hypovolémie, les fractures osseuses et l'acidocétose diabétique est incertain.

Les inhibiteurs de la DPP-4 pourraient réduire la glycémie. Leur effet sur le risque de décès dû aux crises cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux, à l'insuffisance cardiaque, aux infections des voies aériennes supérieures, aux problèmes hépatiques, à la fonction rénale, à l'hypoglycémie, à la pancréatite et au cancer pancréatique est incertain.

Les agonistes du GLP-1 réduisent probablement la glycémie et pourraient réduire le poids. Leur effet sur la fonction rénale, l'hypoglycémie, les symptômes gastro-intestinaux et la pancréatite est incertain.

Comparé au glipizide, la sitagliptine présente probablement un risque plus faible d'hypoglycémie.

Aucune conclusion n'a pu être tirée au sujet d'autres médicaments hypoglycémiants comparativement à un autre médicament ou à l'absence de traitement en raison de l'absence d'études.

Conclusions

Les données probantes concernant l'efficacité et l'innocuité des hypoglycémiants pour les personnes atteintes de diabète et de MRC sont limitées. Les inhibiteurs de la SGLT2 et les agonistes du GLP-1 sont probablement efficaces pour abaisser le taux de glucose. Les autres effets potentiels des inhibiteurs de la SGLT2 incluent une baisse de la TA, une baisse du taux de potassium et un risque réduit d'insuffisance cardiaque, mais un risque accru d'infections génitales. L'innocuité des agonistes du GLP-1 est incertaine.

Les avantages et l'innocuité des autres classes d'agents hypoglycémiants sont incertains.

D'autres études sont nécessaires pour déterminer quels médicaments hypoglycémiants conviennent le mieux aux personnes atteintes de diabète et de MRC.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes concernant l'efficacité et l'innocuité des hypoglycémiants dans le traitement du diabète et des maladies rénales chroniques sont limitées. Les inhibiteurs de la SGLT2 et les agonistes du GLP-1 sont probablement efficaces pour abaisser la glycémie et les inhibiteurs de la DPP-4 peuvent être efficaces pour abaisser la glycémie. De plus, les inhibiteurs de SGLT2 réduisent probablement la TA, l'insuffisance cardiaque et l'hyperkaliémie, mais augmentent les infections génitales et augmentent légèrement la créatinine. Le profil d'innocuité des agonistes du GLP-1 est incertain. Aucune autre conclusion n'a pu être tirée pour les autres classes d'agents hypoglycémiants, y compris l'insuline. D'autres études de haute qualité sont nécessaires pour aider à guider le choix thérapeutique en matière d'hypoglycémie chez les diabétiques et les personnes atteintes de maladie rénale chronique.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

Le diabète est la cause la plus fréquente de maladie rénale chronique (MRC). Les deux conditions coexistent couramment. Les changements glucométaboliques et la dialyse concomitante du diabète et de la MRC rendent la gestion de la glycémie difficile et augmentent le risque d'hypoglycémie. Les agents hypoglycémiants ont été principalement étudiés chez les personnes dont la fonction rénale est presque normale. Il est important de caractériser les connaissances existantes sur les agents hypoglycémiants dans la MRC pour guider le traitement.

Objectifs: 

Examiner l'efficacité et l'innocuité de l'insuline et d'autres interventions pharmacologiques visant à abaisser la glycémie chez les personnes atteintes de diabète et d e MRC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait notre recherche dans le Registre d'études sur les reins et les greffes de Cochrane jusqu'au 12 février 2018 en communiquant avec le spécialiste de l'information à l'aide de termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le Registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, les actes de conférences, le portail de recherche du Registre international des essais cliniques (ICTRP) et ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Tous les essais cliniques comparatifs randomisés (ECR) et quasi-RCT portant sur des comparaisons directes de schémas thérapeutiques actifs hypoglycémiants ou de schémas thérapeutiques actifs avec placebo/soins standard chez des personnes atteintes de diabète et de MRC (débit de filtration glomérulaire estimé (eDFG) < 60 mL/min/1,73 m2) étaient éligibles.

Recueil et analyse des données: 

Quatre auteurs ont évalué de façon indépendante l'éligibilité des études, le risque de biais et la qualité des données et ont procédé à l'extraction des données. Les résultats à variables continues ont été exprimés sous forme de différences moyennes (DM) post-traitement. Les effets indésirables ont été exprimés sous forme de différences de risque absolu (DR) après le traitement. Les résultats cliniques dichotomiques ont été présentés sous forme de ratios de risque (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %.

Résultats principaux: 

Quarante-quatre études (128 dossiers, 13 036 participants) ont été incluses. Neuf études ont comparé les inhibiteurs du co-transporteur-2 du glucose sodique (SGLT2) au placebo ; 13 études ont comparé les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4) au placebo ; 2 études ont comparé les agonistes du glucagon-like peptide (GLP-1) au placebo ; 8 études ont comparé les glitazones à aucun traitement ; 1 étude a comparé le glinide à aucun traitement ; 4 autres ont comparé divers types, doses et modalités d'administration d'insuline. De plus, deux études ont comparé la sitagliptine au glipizide et une étude a comparé la sitagliptine à l'insuline, les glitazars à la pioglitazone, la vildagliptine à la sitagliptine, la linagliptine au voglibose et l'albiglutide à la sitagliptine. La plupart des études présentaient un risque élevé de biais dû au financement et au biais d'attrition, ainsi qu'un risque peu clair de biais de détection.

Par rapport au placebo, les inhibiteurs de la SGLT2 réduisent probablement l'HbA1c (7 études, 1092 participants : DM -0,29%, -0,38 à -0,19 (-3,2 mmol/mol, -4,2 à -2,2) ; I2 = 0%), glycémie à jeun (5 études, 855 participants : DM -0,48 mmol/L, -0,78 à -0,19 ; I2 = 0%), pression artérielle systolique (7 études, 1198 participants : DM -4.68 mmHg, -6,69 à -2,68 ; I2= 40%), pression artérielle diastolique (6 études, 1142 participants : DM -1,72 mmHg, -2,77 à -0,66 ; I2 = 0%), insuffisance cardiaque (3 études, 2519 participants : RR 0.59, 0,41 à 0,87 ; I2 = 0 %) et l'hyperkaliémie (4 études, 2 788 participants : RR 0,58, 0,42 à 0,81 ; I2 = 0 %) ; mais augmente probablement les infections génitales (7 études, 3 086 participants : RR 2,50, 1,52 à 4,11 ; I2 = 0 %), la créatinine (4 études, 848 participants : DM 3,82 μmol/l, 1,45 à 6,19 ; I2 = 16%) (tous avec une certitude de preuves modérée). Les inhibiteurs de SGLT2 peuvent réduire le poids (5 études, 1029 participants : DM -1,41 kg, -1,8 à -1,02 ; I2 = 28%) et l'albuminurie (MD -8,14 mg/mmol créatinine, -14,51 à -1,77 ; I2 = 11% ; faible certitude des résultats). Les inhibiteurs de la SGLT2 peuvent avoir peu ou pas d'effet sur le risque de décès cardiovasculaire, d'hypoglycémie, d’insuffisance rénale aiguë (IRA) et d'infection des voies urinaires (faible certitude des résultats). Il n'est pas certain que les inhibiteurs de la SGLT2 aient un quelconque effet sur la mortalité, l'insuffisance rénale terminale, l'hypovolémie, les fractures, l'acidocétose diabétique ou l'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables (très faible certitude des résultats).

Comparés au placebo, les inhibiteurs de la DPP-4 peuvent réduire l'HbA1c (7 études, 867 participants : DM -0,62 %, -0,85 à -0,39 (-6,8 mmol/mol, -9,3 à -4,3) ; I2 = 59 %) mais n’ont peu ou pas d'effet sur la glycémie à jeun (faible certitude de preuve). Les inhibiteurs de la DPP-4 ont probablement peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (2 études, 5 897 participants : RR 0,93, 0,77 à 1,11 ; I2 = 0%) et le poids (2 études, 210 participants : DM 0,16 kg, -0,58 à 0,90 ; I2 = 29 % ; certitude modérée). Comparativement au placebo, les inhibiteurs de la DPP-4 peuvent avoir peu ou pas d'effet sur l'insuffisance cardiaque, les infections des voies respiratoires supérieures et l'insuffisance hépatique (faible certitude de preuve). Comparativement au placebo, il n'est pas certain que les inhibiteurs de la DPP-4 aient un effet sur l'eDFG, l'hypoglycémie, la pancréatite, le cancer du pancréas ou l'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables (preuves très peu fiables).

Par rapport au placebo, les agonistes du GLP-1 réduisent probablement l'HbA1c (7 études, 867 participants : MD -0,53 %, -1,01 à -0,06 (-5,8 mmol/mol, -11,0 à -0,7) ; I2 = 41 % ; preuve de certitude moyenne) et peut réduire le poids (faible certitude de preuve). Les agonistes du GLP-1 peuvent avoir peu ou pas d'effet sur l'eDFG, l'hypoglycémie ou l'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables (faible certitude de preuve). Il n'est pas certain que les agonistes du GLP-1 réduisent la glycémie à jeun, augmentent les symptômes gastro-intestinaux ou influent sur le risque de pancréatite (très faible certitude de preuve).

Comparativement au placebo, il n'est pas certain que les glitazones aient un effet sur l'HbA1c, la glycémie à jeun, le décès, le poids et le risque d'hypoglycémie (très faible certitude de preuve).

Par rapport au glipizide, la sitagliptine réduit probablement l'hypoglycémie (2 études, 551 participants : RR 0,40, 0,23 à 0,69 ; I2 = 0 % ; certitude de preuve modérée). Comparativement au glipizide, la sitagliptine peut avoir peu ou pas d'effet sur l'HbA1c, la glycémie à jeun, le poids et l'eDFG (faible certitude de preuve). Comparativement au glipizide, il n'est pas certain que la sitagliptine ait un effet sur la mortalité ou l'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables (très faible certitude de preuve).

Pour les types, les doses ou les modes d'administration de l'insuline et d'autres comparaisons directes, seules des études individuelles étaient disponibles et aucune conclusion n'a pu être tirée.

Notes de traduction: 

Traduction révisée par Amytis Heim pour Cochrane France

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.