Question de la revue
Nous avons examiné les recherches portant sur l'effet des programmes d'échanges des aiguilles et seringues (PEAS) et du traitement de substitution aux opiacés (TSO) pour réduire le risque que des personnes soient infectées par le virus de l'hépatite C.
Contexte
Environ 114,9 millions de personnes dans le monde vivent avec une hépatite C et 3 à 4 millions de nouvelles personnes sont infectées chaque année. Le principal risque de contracter une infection provient du partage des aiguilles/seringues utilisées. Près de la moitié des utilisateurs de drogues injectables ont une hépatite C. Offrir du matériel d'injection stérile au travers des PEAS réduit le besoin de partager le matériel durant la préparation et l'injection des drogues. Le TSO est pris par voie orale et réduit la fréquence des injections et des pratiques d'injection dangereuses. Nous avons examiné si les PEAS et le TSO, seuls ou combinés, sont efficaces pour réduire le risque d'être infecté par l'hépatite C chez les utilisateurs de drogues injectables.
Date de la recherche
Les preuves sont à jour jusqu'à novembre 2015.
Les caractéristiques de l'étude
Nous avons identifié 28 études provenant de recherches réalisées au travers de l'Europe, en Australie, en Amérique du Nord et en Chine. En moyenne entre les études, le taux de nouvelles infections par l'hépatite C par an était de 19,0 pour 100 personnes. Les données de 11 070 utilisateurs de drogues injectables n'étant pas infectés par l'hépatite C au début de l'étude ont été combinées dans l'analyse. L'échantillon était composé à 32 % de femmes, à 50 % d'utilisateurs d'opioïdes, à 51 % d'utilisateurs s'injectant des drogues chaque jour, et à 40 % de personnes sans-abris. Notre étude a été financée par le National Institute of Health Research's (NIHR) Public Health Research Programme, par le Health Protection Research Unit in Evaluation of Interventions, et par la European Commission Drug Prevention and Information Programme (DIPP), Treatment as Prevention in Europe : Model Projections.
Principaux résultats
L'utilisation actuelle d'une TSO (définie comme étant une utilisation au moment des sondages ou dans les six derniers mois) pourrait réduire de 50 % le risque de contracter l'hépatite C. Nous ne savons pas si les PEAS ayant une large couverture (c'est-à-dire ceux impliquant des contacts réguliers entre les utilisateurs et le programme ou ceux permettant que l'ensemble des aiguilles/seringues utilisées pour les injections soient neuves) réduisent le risque d'être infecté par l'hépatite C, au travers des études de manière globale, mais il y avait des preuves issues d'études réalisées en Europe indiquant que les PEAS ayant une large couverture peuvent réduire de 76% le risque d'infection par le virus de l'hépatite C. L'utilisation combinée de PEAS ayant une large couverture et d'un TSO pourrait réduire de 75 % le risque d'infection par le virus de l'hépatite C.
La qualité des preuves
La qualité des preuves était modérée à très faible car les études n'étaient pas des essais contrôlés randomisés (les études préférées pour ce type de question).
La TSO est associée à une réduction du risque de contamination par le VHC, qui est renforcée dans les études évaluant les PEAS et la TSO combinées. il y avait une plus grande hétérogénéité entre les études et des preuves plus faibles pour l'impact des PEAS sur l'acquisition du VHC. Les PEAS ayant une large couverture étaient associés à une réduction du risque de contamination par le VHC dans les études réalisées en Europe.
Les programmes d'échanges des aiguilles et seringues et la thérapie de substitution aux opiacés pour prévenir la transmission de l'hépatite C chez les utilisateurs de drogues injectables.
Les programmes d'échanges des aiguilles et seringues (PEAS) et la thérapie de substitution aux opiacés (TSO) sont les principales interventions visant à réduire la transmission de l'hépatite C (VHC) chez les utilisateurs de drogues injectables. Il existe des preuves de bonne qualité concernant l'efficacité des PEAS et des TSO pour réduire le risque que des injections dangereuses surviennent et de plus en plus de preuves soutenant l'efficacité de la TSO et des PEAS pour réduire le risque de contracter le VIH, mais les preuves concernant l'efficacité des PEAS et de la TSO pour prévenir les infections au VHC sont limitées.
Évaluer les effets des programmes d'échange des aiguilles et seringues et de la thérapie de substitution aux opiacés, seuls ou en association, pour prévenir les infections au VHC chez les utilisateurs de drogues injectables.
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane sur les drogues et l'alcool, sur CENTRAL, dans la base de données des revues systématiques Cochrane (CDSR), dans la Database of Abstracts of Reviews of Effects (DARE), dans la Health Technology Assessment Database (HTA), dans la base d'évaluation économique du NHS (NHSEED), sur MEDLINE, Embase, PsycINFO, Global Health, CINAHL, et sur Web of Science jusqu'au 16 novembre 2015. Nous avons mis à jour cette recherche en mars 2017, mais nous n'avons pas encore intégré ces résultats dans la revue. Lorsque des études observationnelles n'ont pas rapporté de mesures de résultats, nous avons interrogé les auteurs afin d'obtenir des données non publiées. Nous avons recherché des publications provenant d'agences internationales clés ainsi que des actes de conférences. Nous avons examiné les références bibliographiques de tous les articles inclus et des revues systématiques ayant trait au sujet pour identifier des articles éligibles.
Nous avons inclus les études de cohorte prospectives et rétrospectives, les enquêtes transversales, les études cas-témoins et les essais contrôlés randomisés ayant mesuré l'exposition à des PEAS et/ou à un TSO par rapport à l'absence d'intervention ou à une réduction de l'exposition et rapportant l'incidence du VHC chez les utilisateurs de drogues injectables comme critère de jugement. Nous avons catégorisé les interventions comme suit : TSO actuelle (au cours des 6 mois précédents), utilisation à vie de la TSO et large couverture du PEAS (c'est-à-dire les programmes impliquant des contacts réguliers entre les utilisateurs et le programme ou ceux ayant permis que l'ensemble des aiguilles/seringues utilisées pour les injections soient neuves) ou faible couverture du PEAS (contacts irréguliers avec le programme ou moins de 100 % des aiguilles/seringues utilisées pour les injections étant neuves) par rapport à l'absence d'intervention ou à une réduction de l'exposition.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane tout en incorporant de nouvelles méthodes pour évaluer le risque de biais dans les études observationnelles. Nous avons décrit les méthodes des études tout en évaluant les domaines de « Risque de biais » suivants : les facteurs de confusion, le biais de sélection, la mesure des interventions, les écarts par rapport à l'intervention, les données manquantes, la mesure des critères de jugement, la sélection des résultats rapportés ; et nous avons assigné un jugement (faible, modéré, grave, critique, incertain) pour chaque critère.
Nous avons identifié 28 études (21 publiées, 7 non publiées) : 13 provenant d'Amérique du Nord, 5 du Royaume-Uni, 4 d'Europe continentale, 5 d'Australie et une étude réalisée en Chine, comprenant 1817 infections incidentes au VHC et 8806,95 personnes-années de suivi. L'incidence du VHC variait de 0,09 à 42 cas pour 100 personnes-années entre les études. Nous avons jugé que deux études présentaient un risque de biais globalement modéré, tandis que 17 étaient à risque grave et 7 étaient à risque critique ; pour deux ensembles de données non publiées, il n'y avait pas suffisamment d'informations pour évaluer les biais. Étant donné que les estimations des effets des interventions ne provenaient pas d'ECR, nous avons généralement jugé que la qualité était faible. Nous avons trouvé des preuves indiquant que la TSO actuelle réduit de 50 % (risque relatif (RR) 0,50, intervalle de confiance à 95 % (IC) 0,40 à 0,63, I2= 0 %, 12 études dans diverses régions, N = 6361) le risque de contamination par le VHC, mais la qualité des preuves était faible. L'effet des interventions est resté significatif dans les analyses de sensibilité excluant les ensembles de données non publiées et les articles considérés comme présentant un risque de biais critique. Nous avons trouvé des preuves indiquant une différence d'impact en fonction de la proportion de participants de sexe féminin dans l'échantillon, mais pas en fonction de la localisation géographique de l'étude, de la principale drogue utilisée, ou des antécédents d'itinérance ou d'emprisonnements dans les échantillons de l'étude.
Dans l'ensemble, nous avons trouvé des preuves de très faible qualité indiquant que les PEAS ayant une large couverture n'ont pas réduit le risque de contamination par le VHC (RR 0,79, IC à 95 % 0,39 à 1,61) avec une forte hétérogénéité (I 2= 77 %) sur la base de cinq études réalisées en Europe et en Amérique du Nord, impliquant 3530 participants. Après stratification par région, les programmes ayant une large couverture offerts en Europe étaient associés à une réduction de 76 % (RR 0,24, IC à 95 % 0,09 à 0,62) du risque de transmission du VHC avec moins d'hétérogénéité (I 2=0 %). Nous avons trouvé des preuves de faible qualité, issues de trois études portant sur 3241 participants, indiquant que l'impact des PEAS à large couverture combinés à la TSO, entraîne une réduction de 74 % (RR de 0,26, IC à 95 % 0,07 à 0,89) du risque de contamination par le VHC.
Traduction réalisée par Martin Vuillème