En résumé
Nous avons trouvé des données probantes de très faible qualité selon lesquelles les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) oraux n'ont pas d’effet sur la douleur ou d'autres symptômes chez les personnes souffrant de douleurs modérées ou intenses dues à la fibromyalgie. L'ibuprofène et le diclofénac sont des AINS courants.
Contexte
La fibromyalgie se caractérise par des douleurs persistantes et généralisées, des troubles du sommeil et de la fatigue. Les AINS sont des médicaments ayant des effets analgésiques (qui atténuent la douleur), antipyrétiques (qui réduisent la fièvre) ainsi que des effets anti-inflammatoires à des doses plus élevées. Les AINS sont fréquemment utilisés pour traiter les maladies rhumatismales.
Notre définition d'un bon résultat se caractérisait par une personne ayant un niveau élevé de soulagement de la douleur et étant capable de continuer à prendre le médicament sans ressentir d’effets secondaires lui donnant envie d'arrêter.
Caractéristiques des études
Nous avons recherché des essais cliniques dans lesquels les AINS étaient utilisés pour traiter les symptômes de la fibromyalgie chez les adultes. La dernière recherche a été effectuée en janvier 2017. Six études remplissaient les critères d'inclusion, et randomisaient 292 participants pour un traitement à base d’AINS ou de placebo. Les AINS testés étaient l'étoricoxib avec une dose de 90 mg par jour, l'ibuprofène avec une dose de 2400 mg par jour, le naproxène avec une dose de 1000 mg par jour et le ténoxicam avec une dose de 20 mg par jour ; 146 participants ont reçu des AINS et 146 un placebo. La durée des études était de trois à huit semaines. Les critères de jugement qui nous intéressaient n’étaient pas rapportés par toutes les études.
Principaux résultats
Nous n'avons pas trouvé de différence entre les AINS et le placebo pour une série de critères de jugement. Une réduction de la douleur de moitié ou plus a été constatée par 1 participant sur 10 avec les AINS et par 2 participants sur 10 avec le placebo. Une réduction de la douleur d'un tiers ou plus a été constatée par environ 2 participants sur 10 avec les AINS et le placebo. Des effets secondaires ont été ressentis par 3 participants sur 10 avec les AINS et 2 sur 10 avec le placebo.
Qualité des données probantes
Les données probantes étaient de très faible qualité. Cela signifie que la recherche ne fournit pas d’indication fiable de l'effet probable. La probabilité que l'effet réel des AINS soit sensiblement différent est très élevée. Les petites études comme celles de cette revue ont tendance à surestimer les résultats du traitement en comparaison avec les effets constatés dans des études plus importantes et de meilleure qualité. La très faible qualité des preuves et l'absence de tout bénéfice évident signifient que les AINS ne peuvent être considérés comme utiles dans la prise en charge de la fibromyalgie.
Il n'existe qu'une quantité modeste de données probantes de très faible qualité sur l'utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour la fibromyalgie et elles proviennent de petites études largement inadéquates avec un risque potentiel de biais. Ce biais aurait normalement pour effet d’accroître les bénéfices apparents des AINS, mais nous n’avons pas constaté de tels bénéfices. Par conséquent, les AINS ne peuvent pas être considérés comme utiles pour le traitement de la fibromyalgie.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) oraux sont largement utilisés dans le traitement de la douleur en cas de fibromyalgie, bien qu'ils soient considérés comme inefficaces.
Évaluer l'efficacité analgésique, la tolérance (abandon en raison d'effets indésirables) et la sécurité (effets indésirables graves) des anti-inflammatoires non stéroïdiens oraux pour la fibromyalgie chez les adultes.
Nous avons cherché des essais contrôlés randomisés dans CENTRAL, MEDLINE et Embase depuis leur date de création jusqu'en janvier 2017. Nous avons également recherché dans les références bibliographiques des études et des revues récupérées, et dans les registres d'essais cliniques en ligne.
Nous avons inclus tout essai randomisé, en double aveugle, d'une durée de deux semaines ou plus, comparant tout AINS oral avec un placebo ou un autre traitement actif pour le soulagement de la douleur dans la fibromyalgie, avec une évaluation subjective de la douleur par le participant.
Deux auteurs de la revue ont extrait les données de façon indépendante et ont évalué la qualité et les biais potentiels des essais. Les critères de jugement primaires étaient les participants ayant un soulagement substantiel de la douleur (au moins 50 % de soulagement de la douleur par rapport à l’inclusion ou une très nette amélioration du score sur l’échelle PGIC (impression globale de changement perçue par le patient)) ou un soulagement modéré de la douleur (au moins 30 % de soulagement de la douleur par rapport à l’inclusion ou une très nette amélioration du score sur l’échelle PGIC), les effets indésirables graves et les abandons dus à des effets indésirables ; les critères de jugement secondaires étaient les effets indésirables, les abandons dus à un manque d'efficacité et les critères de jugement relatifs au sommeil, à la fatigue et à la qualité de vie. Lorsque l'analyse groupée était possible, nous avons utilisé des données dichotomiques pour calculer la différence de risques (DR) et le nombre de sujets à traiter (NST) pour obtenir un résultat bénéfique supplémentaire, en utilisant des méthodes standard. Nous avons évalué la qualité des données probantes à l'aide de GRADE et créé un tableau récapitulatif des résultats.
Nos recherches ont identifié six études randomisées en double aveugle impliquant 292 participants atteints de fibromyalgie caractérisée conformément aux critères. L'âge moyen des participants était compris entre 39 et 50 ans, et 89% à 100% d’entre eux étaient des femmes. L'intensité initiale de la douleur était d'environ 7/10 sur une échelle de la douleur de 0 à 10, ce qui indique une douleur intense. Les AINS testés étaient l'étoricoxib avec une dose de 90 mg par jour, l'ibuprofène avec une dose de 2400 mg par jour, le naproxène avec une dose de 1000 mg par jour et le ténoxicam avec une dose de 20 mg par jour ; 146 participants ont reçu des AINS et 146 un placebo. La durée du traitement lors de la phase en double aveugle variait entre trois et huit semaines.
Les critères de jugement qui nous intéressaient n’étaient pas rapportés par toutes les études. Invariablement, les analyses n'ont pas montré de différence significative entre les AINS et le placebo : bénéfice substantiel (réduction d’au moins 50% de l'intensité de la douleur) (différence de risques (DR) -0,07 (intervalle de confiance (IC) à 95% -0,18 à 0,04) 2 études, 146 participants ; bénéfice modéré (réduction d’au moins 30% de l'intensité de la douleur) (DR -0,04 (IC à 95% -0.16 à 0,08) 3 études, 192 participants ; abandons pour cause d'effets indésirables (DR 0,04 (IC à 95% -0,02 à 0,09) 4 études, 230 participants ; participants ayant subi un effet indésirable (DR 0,08 (IC à 95% -0,03 à 0,19) 4 études, 230 participants ; abandons toutes causes confondues (DR 0,03 (IC à 95% -0,07 à 0,14) 3 études, 192 participants. Il n'y a pas eu d'effets indésirables graves ni de décès. Bien que la plupart des études comportaient des mesures de la qualité de vie liée à la santé, de l'impact de la fibromyalgie, ou d'autres critères de jugement, aucune n’a rapporté de résultats détaillés, si ce n'est pour déclarer qu’il n'y avait que peu ou pas de différence entre les groupes de traitement.
Nous avons déclassé les données probantes à l’appui de tous les critères de jugement à une qualité très faible, ce qui signifie que cette recherche ne fournit pas d’indication fiable de l'effet probable. La probabilité que l'effet puisse être sensiblement différent est très élevée. Cela s'explique par le petit nombre d'études, de participants et d'événements, ainsi que par d'autres lacunes dans la qualité des rapports d’étude, qui impliquent d’éventuels risques de biais.
Post-édition : Mathilde Jacquot - Révision : Manon Saudubray (M2 ILTS, Université de Paris)