Bilan
Il n'existe pas suffisamment de preuves permettant de soutenir ou de réfuter l'hypothèse selon laquelle la méthadone est efficace pour un quelconque type de douleur neuropathique.
Contexte
La douleur neuropathique est une douleur provenant d'un système nerveux endommagé. Celle-ci est différente des messages de douleur transmis par les nerfs sains depuis une lésion de tissus biologiques (par exemple lors d'une chute, d'une coupure, ou en cas d'arthrite au genou). La douleur neuropathique est traitée avec des médicaments différents des analgésiques habituellement utilisés pour la douleur provenant de tissus endommagés. Il existe différents types de douleurs neuropathiques, avec différentes causes. Certains médicaments utilisés pour traiter la dépression ou l'épilepsie peuvent être très efficaces chez certaines personnes souffrant de douleurs neuropathiques en modifiant le signal convoyé le long des nerfs transmettant les stimulus douloureux (quelque chose qui entraîne un changement dans la manière dont l'organisme fonctionne). Parfois, les analgésiques opiacés sont utilisés pour traiter la douleur neuropathique. Les analgésiques opiacés sont des médicaments tels que la morphine. La morphine est dérivée de plantes, mais de nombreux opiacés sont également créés par synthèse chimique plutôt que par extraction de la substance à partir de plantes. La méthadone est l'un de ces opioïdes synthétiques. La méthadone a de nombreuses caractéristiques qui la rendent différente des autres opiacés, ce qui peut influencer son efficacité ou les effets secondaires que les personnes en consommant ressentent.
Caractéristiques de l'étude
En novembre 2016, nous avons recherché des essais cliniques dans lesquels la méthadone a été utilisée pour traiter la douleur neuropathique chez l'adulte. Nous avons trouvé trois études de petite taille, portant sur 105 participants et remplissant les critères requis pour la revue. Les études étaient toutes très différentes au niveau de leur conception : les méthodes de deux études ont reflété à quel point la méthadone est souvent prescrite dans la pratique habituelle ; les participants en recevaient deux ou trois fois par jour. Un essai avait été conçu de manière plus expérimentale. Les trois essais présentaient deux phases. La durée des études variait de 20 jours à environ huit semaines pour chaque phase. Les études étaient similaires dans la mesure où dans toutes les études de faibles doses de méthadone ont été administrées, ce qui pourrait ou pas refléter les doses généralement prescrites dans la pratique clinique.
Principaux résultats
Deux études ont examiné combien de participants obtenaient au moins 30 % de soulagement de la douleur. Onze des 29 participants recevant de la méthadone ont obtenu 30 % de soulagement de la douleur par rapport à sept des 29 participants recevant un placebo. Dans une étude, aucun des 19 participants ayant reçu de la méthadone ou un placebo (une pilule sucrée) n'a obtenu une réduction de 50 % de l'intensité de la douleur. Ces réductions de l'intensité de la douleur se sont avérées être importantes pour les participants. En outre, une étude a mis en évidence des améliorations au niveau de l'intensité moyenne et maximum des douleurs et un soulagement de la douleur lors de la comparaison de la méthadone à un placebo.
Dans les deux études rapportant les personnes ayant abandonné l'étude, aucun des 29 participants n'ont quitté l'étude parce qu'ils pensaient que la méthadone ou le placebo n'avait pas été bénéfique au niveau des douleurs ; tandis que quatre des 29 participants ont abandonné l'étude en raison des effets secondaires tandis qu'ils prenaient de la méthadone et trois des 29 participants tandis qu'ils prenaient un placebo.
Une étude a rapporté le nombre de participants ayant eu des effets secondaires spécifiques, et a trouvé une augmentation des vertiges avec la méthadone par rapport à un placebo. Il n'y avait pas d'effets secondaires graves ou de décès rapportés. Il y avait trop peu d'informations issues de ces études et nous avons donc conclu qu'il n'existait aucune preuve convaincante permettant de soutenir ou de réfuter un bénéfice significatif pour la méthadone par rapport à un placebo ou tout autre traitement.
Qualité des preuves
Nous avons évalué la qualité des preuves comme étant très faible, car il n'y avait que trois petites études avec des plans d'étude différents et avec peu de participants et d'événements. En outre, les études n'avaient probablement pas duré suffisamment longtemps pour démontrer à quel point la méthadone pourrait être efficace (ou à quel point celle-ci est sans danger) sur une plus longue période. Des preuves de très faible qualité signifient que nous sommes très incertains concernant les résultats.
Les trois études fournissaient des preuves de très faible qualité et très limitées quant à l'innocuité de la méthadone pour la douleur neuropathique chronique, et il y avait trop peu de données pour réaliser une analyse groupée des bénéfices ou des préjudices, ou pour avoir confiance dans les résultats des études individuelles. Aucune conclusion ne peut être réalisée sur les différences relatives à l'efficacité ou à la sécurité entre la méthadone et le placebo, d'autres opiacés ou d'autres traitements.
Cette revue remplace une précédente revue, « La méthadone pour les douleurs chroniques non cancéreuses chez l'adulte ». Cette revue a pour but de mettre à jour la revue originelle et inclut uniquement les études portant sur la douleur neuropathique. La méthadone appartient à une classe d'analgésiques appelés opiacés qui sont considérés comme étant la base du traitement des douleurs postopératoires modérées et des douleurs dues à des maladies engageant le pronostic vital ; toutefois, leur utilisation dans la douleur neuropathique est controversée. La méthadone a de nombreuses caractéristiques qui la différencient des autres opiacés, ce qui suggère qu'elle pourrait avoir un profil d'efficacité et d'innocuité différent.
Évaluer l'efficacité analgésique et les effets indésirables de la méthadone pour la douleur neuropathique chronique chez l'adulte.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes : CENTRAL (CRSO), MEDLINE (Ovid) et Embase (Ovid), et dans deux registres d'essais cliniques. Nous avons également consulté les références bibliographiques des articles trouvés. La recherche la plus récente a été effectuée le 30 novembre 2016.
Nous avons inclus des études randomisées, en double aveugle, d'une durée de deux semaines ou plus, comparant la méthadone (à n'importe quelle dose, administrée par n'importe quelle voie, et sous toute forme) à un placebo ou à un autre traitement actif contre la douleur neuropathique chronique.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Deux auteurs de la revue ont sélectionné les essais à inclure dans la revue, évalué les risques de biais et extrait les données. Il n'y avait pas suffisamment de données pour effectuer des analyses combinées. Nous avons évalué la qualité globale des preuves pour chaque critère de jugement en utilisant le système GRADE et créé un tableau « Résumé des résultats ».
Nous avons inclus trois études portant sur 105 participants. Toutes étaient de conception croisée, l'une portait sur 19 participants ayant divers syndromes de douleur neuropathique et les deux autres portaient sur 86 participants souffrant de névralgie post-herpétique. Les phases des études duraient de 20 jours à environ huit semaines. La méthadone a été administrée par voie orale dans toutes les études, à des doses allant de 10 mg à 80 mg par jour. Les comparateurs étaient principalement un placebo, mais une étude incluait également la morphine et des antidépresseurs tricycliques.
Les études incluses présentaient plusieurs limitations liées aux risques de biais, en particulier la notification incomplète, le compte-rendu sélectif des résultats et la petite taille des échantillons.
Il y avait très peu de données pour nos critères de jugement principaux des participants obtenant au moins 30 % ou 50 % de soulagement de la douleur. Deux études ont rapporté que 11/29 participants recevant de la méthadone ont obtenu un soulagement de 30 % de la douleur versus 7/29 participants recevant un placebo. Une seule étude présentait des données d'une manière nous ayant permis de calculer le nombre de participants ayant au moins 50 % de soulagement de la douleur. Aucun des 19 participants n'a obtenu une réduction de 50 % de l'intensité de la douleur, lorsque ceux-ci ont reçu la méthadone ou un placebo. Aucune étude n'a fourni de données pour notre critère de jugement principal d'une amélioration importante ou très importante sur l'échelle Patient Global Impression of Change (PGIC) (équivalente à 30 % de soulagement de la douleur) ou une amélioration très importante (équivalente à un soulagement de la douleur d'au moins 50 %).
Pour les critères de jugement d'efficacité secondaires, une étude rapportait l'intensité maximale et moyenne de la douleur ainsi que le soulagement de la douleur et a rapporté des améliorations statistiquement significatives par rapport à un placebo pour tous les critères de jugement avec des doses quotidiennes de 20 mg de méthadone, mais pas à des doses de 10 mg par jour. La deuxième étude rapportait des différences au niveau de la réduction de la douleur entre la méthadone (n = 26) et la morphine (n = 38) et a révélé que la morphine était statistiquement supérieure. La troisième étude a rapporté le nombre de répondeurs (définis de manière variable) pour la douleur sévère et les résultats fonctionnels et a constaté que la méthadone avait été statistiquement supérieure au placebo pour les critères de jugement de l'intensité de la douleur et de la douleur évoquée. Dans les deux études ayant rapporté des données, 0/29 participants ont arrêté le traitement en raison d'un manque d'efficacité, tandis que 4/29 participants ont arrêté le traitement en raison d'événements indésirables en prenant de la méthadone versus 3/29 de ceux prenant un placebo.
Une étude a rapporté les incidences de différents événements indésirables, mais a trouvé une différence statistiquement significative d'une incidence accrue pour la méthadone par rapport au placebo pour un seul événement, les vertiges. Les autres études n'ont pas rapporté de données d'une manière nous ayant permis d'analyser les événements indésirables. Il n'y avait aucun événement indésirable grave ou de décès rapportés.
Nous avons évalué la qualité des preuves comme étant très faible pour tous les résultats d'efficacité et d'innocuité en utilisant le système GRADE, principalement en raison de l'hétérogénéité des plans d'étude et des populations, de la courte durée des études, de la méthodologie croisée, et du faible nombre de participants et d'événements.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France