Problématique
Le cancer épithélial de l'ovaire (CEO) se développe à partir de la couche superficielle de l'ovaire. Il s'agit du huitième cancer le plus fréquent et de la septième cause de décès par cancer chez les femmes dans le monde. Le traitement chirurgical des CEO comprend l'ablation de tous les dépôts tumoraux visibles dans l'abdomen ; cela inclut généralement les ovaires, l'utérus, l'épiploon (rideau de graisse qui pend de l'estomac et du côlon transverse) et le péritoine, avec ou sans ablation des ganglions lymphatiques ou d'autres organes. Les femmes qui étaient pré-ménopausées avant l'intervention subissent ensuite la ménopause à la suite de l'opération. Leur qualité de vie peut s'en trouver affectée en raison de symptômes tels que les bouffées de chaleur, les sautes d'humeur, les changements de l’activité sexuelle, la sécheresse vaginale et la perte de densité osseuse. Environ un quart des femmes, en particulier les femmes jeunes, présenteront une maladie à un stade précoce et subiront les effets néfastes à long terme d'une ménopause provoquée par une intervention chirurgicale. Chez les femmes dont la maladie est avancée au moment du diagnostic, la qualité de vie est un facteur important à prendre en compte, leur maladie limitant leur espérance de vie.
Le traitement hormonal substitutif (THS) pourrait être efficace pour les symptômes de la ménopause, mais l’innocuité de ce traitement suscite de sérieuses inquiétudes. Ces préoccupations ne sont pas seulement liées au cancer, mais aussi au cœur, et doivent être mises en balance avec les effets positifs sur la santé du THS, pour les femmes en ménopause précoce. Ces dernières années, l’innocuité des THS a été remise en question et il se peut que les médecins se montrent prudents envers la prescription de THS aux femmes connaissant une ménopause d'origine chirurgicale après un traitement de CEO.
Objectif de la revue
Évaluer l’innocuité et l'efficacité du traitement hormonal substitutif (THS) pour les symptômes de la ménopause chez les femmes traitées chirurgicalement pour un CEO.
Quels sont les principaux résultats ?
Nous avons cherché des données probantes sur les avantages et des inconvénients du THS chez les patientes atteintes de CEO, jusqu'en juin 2019. Nous avons identifié trois études impliquant un total de 350 femmes. Nous avons constaté que le THS pourrait améliorer la survie globale et pourraient ne faire que peu ou pas de différence dans la survie sans progression. Nous ne sommes pas sûrs des effets sur la qualité de vie, l'incidence du cancer du sein, l'accident ischémique transitoire (également connu sous le nom de "mini accident vasculaire cérébral"), l'accident vasculaire cérébral (AVC) et l'infarctus du myocarde (crise cardiaque), la certitude des données probantes étant très faible. Il n'y a pas eu de rapports sur l'incidence des calculs biliaires.
Valeur probante des données
La certitude des données probantes était faible à très faible pour tous les critères de jugement, principalement en raison du petit nombre de participants et du faible nombre d'événements indésirables rapportés. La certitude des données probantes est également limitée en raison du risque élevé de biais des études incluses, ce qui signifie que leurs résultats pourraient surestimer ou sous-estimer l'effet réel du traitement.
Quelles étaient les conclusions ?
Le traitement hormonal substitutif pourrait améliorer la survie globale des femmes connaissant une ménopause chirurgicale après un traitement pour un CEO, mais il pourrait ne faire que peu ou pas de différence dans la survie sans progression. La certitude globale de ces résultats est faible à très faible, principalement en raison d'un manque d'informations. Il s'agit d'un domaine de recherche très important, qui pourrait avoir un impact important sur de nombreuses femmes.
Le traitement hormonal substitutif pourrait légèrement améliorer la survie globale chez les femmes ayant subi un traitement chirurgical de CEO, mais la certitude des données probantes est faible. Le THS pourrait ne faire que peu ou pas de différence dans la qualité de vie, l'incidence du cancer du sein, de l'AIT, de l’ASC et de l'IM, la certitude des données probantes ayant été jugée très faible. L'utilisation du THS pourrait n’avoir que peu ou pas d'effet sur la survie sans progression. Les données probantes dans cette revue sont limitées par l'imprécision et le caractère incomplet des critères de jugement pertinents rapportés, et les résultats doivent donc être interprétés avec prudence. De futurs ECR bien conçus sont nécessaires car il s'agit d'un domaine important pour les femmes présentant des symptômes de ménopause après un traitement chirurgical pour un cancer des ovaires, d'autant plus que les médecins sont souvent réticents à prescrire un THS dans ce scénario. Les données probantes de cette revue sont trop limitées pour soutenir ou réfuter le fait que le THS soit très nocif pour cette population.
Les femmes ayant subi un traitement chirurgical pour un cancer épithélial de l'ovaire (CEO) peuvent développer des symptômes de ménopause, en raison de la perte immédiate de la fonction ovarienne suite à la chirurgie et la chimiothérapie. Les femmes peuvent présenter des symptômes vasomoteurs, des troubles du sommeil, des difficultés de concentration, des dysfonctionnements sexuels, des symptômes vaginaux et une accélération de l'ostéoporose. Bien que le traitement hormonal substitutif (THS) soit le traitement le plus efficace pour soulager ces symptômes, son innocuité a été mise en doute pour les femmes atteintes d’un CEO.
Évaluer l’innocuité et l'efficacité du THS pour les symptômes de la ménopause chez les femmes traitées chirurgicalement pour un CEO.
Nous avons effectué des recherches dans le Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL ; 2019, numéro 6), MEDLINE via Ovid (1946 au 12 juin 2019) et Embase via Ovid (1980 à 2019, semaine 23). Nous avons également effectué des recherches dans des rapports de conférence et des registres d’essais. Il n'y avait aucune restriction concernant la langue.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) avec des participantes de tout âge et de tout statut ménopausique, ayant subi une intervention chirurgicale pour un CEO et, après diagnostic et traitement, ayant utilisé n'importe quel régime de THS pendant n’importe quelle durée, par rapport à un placebo ou à l'absence d'hormonothérapie. Nous avons également inclus des essais comparant différents régimes ou durées d'administration du THS.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment identifié les études répondant aux critères d'inclusion. Ils ont utilisé Covidence pour extraire les caractéristiques des études, les données sur les critères de jugement et pour évaluer la qualité méthodologique des études incluses .
Notre stratégie de recherche a permis d'identifier 2617 titres, desquels 2614 titres ont été exclus. Trois études, impliquant 350 femmes, ont répondu à nos critères d'inclusion. Deux de ces études portaient sur des femmes pré- et post-ménopausées, et la troisième ne portait que sur des femmes pré-ménopausées. La tranche d'âge globale des femmes incluses dans les études allait de 20 à 89,6 ans, avec un suivi médian allant de 31,4 mois à 19,1 ans. La répartition géographique des participants comprenait l'Europe, l'Afrique du Sud et la Chine. Tous les stades et sous-types histologiques ont été inclus dans deux des études, mais le stade IV de la maladie a été exclu dans la troisième. Les trois études incluses ont utilisé une variété de régimes de THS (oestrogènes conjugués avec ou sans médroxyprogestérone et avec ou sans nylestriol) et de méthodes d'administration de THS (voie orale, patch et implant), Dans toutes les études, les comparaisons ont été faites par rapport à des femmes n’ayant pas reçu de THS.
Les études présentaient un risque faible ou peu clair de biais de sélection et de déclaration, et un risque élevé de biais de performance, de détection et d'attrition . La certitude des données probantes était faible pour la survie globale et la survie sans progression, et très faible pour l'évaluation de la qualité de vie, l'incidence du cancer du sein, l'accident ischémique transitoire (AIT), l'accident vasculaire cérébral (AVC) et l'infarctus du myocarde (IM).
La méta-analyse de ces études a montré que le THS pourrait améliorer la survie globale (hazard ratio (HR) 0,71, intervalle de confiance (IC) à 95% 0,54 à 0,93 ; 350 participants, 3 études ; données probantes de faible certitude). L'évaluation de la qualité de vie à l'aide du questionnaire EORTC-C30 n'a été réalisée que dans une seule étude. Nous ne savons pas si le THS améliore ou réduit la qualité de vie, la certitude des données probantes ayant été évaluée comme très faible (différence moyenne (DM) 13,67 points de plus, IC à 95 % 9,26 de plus à 18,08 de plus ; 1 étude ; 75 participants ; données probantes de très faible certitude). De même, le THS pourrait ne faire que peu ou pas de différence dans la survie sans progression (HR 0,76, IC à 95 % 0,57 à 1,01 ; 275 participants, 2 études ; données probantes de faible certitude).
Nous ne savons pas si le THS améliore ou réduit l'incidence du cancer du sein (rapport de risque (RR) 2,00, IC à 95 % 0,19 à 21,59 ; 225 participants, 2 études ; données probantes de très faible certitude) ; de l’AIT (RR 5,00, IC à 95 % 0,24 à 102.42 ; 150 participants, 1 étude ; données probantes de très faible certitude) ; de l’AVC (RR 0,67, IC à 95% 0,11 à 3,88 ; 150 participants, 1 étude ; données probantes de très faible certitude) ; et de l’IM (RR 0,20, IC à 95% 0,01 à 4,10 ; 150 participants, 1 étude ; données probantes de très faible certitude). L'incidence des calculs biliaires n'a pas été rapportée dans les études incluses.
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr