Pourquoi est-il important d'améliorer le diagnostic de tuberculose chez les personnes vivant avec le VIH ?
Diagnostiquer la tuberculose active chez les personnes vivant avec le VIH est un défi de taille. Des taux élevés de tuberculose extrapulmonaire (tuberculose en dehors des poumons) sont observés chez les personnes étant en état d’immunosuppression sévère .
Quel est l’objectif de la revue ?
L'objectif de cette revue est de déterminer la précision d'un examen échographique de l'abdomen (échographie abdominale) dans le diagnostic de la tuberculose chez les personnes atteintes du VIH et chez lesquelles une tuberculose abdominale ou une tuberculose étendue (tuberculose disséminée) touchant l’abdomen est suspectée.
Qu’a étudié cette revue ?
L'échographie abdominale peut être effectuée après d'autres examens (par exemple, la radiographie thoracique n'a pas révélé de tuberculose) ou avant, pour les personnes chez qui une tuberculose est suspectée. Cette revue porte sur les situations où d'autres tests ne sont pas disponibles.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
Nous avons trouvé 11 études, mais seulement six étaient pertinentes pour les analyses principales. Les six études étaient divisées en deux groupes. Dans le premier groupe, la tuberculose a été diagnostiquée en identifiant l'organisme responsable de la tuberculose à partir de tout échantillon (confirmation microbiologique). Pour le second groupe, la tuberculose a été diagnostiquée lorsque le personnel de santé soupçonnait une tuberculose et un traitement antituberculeux a été commencé, mais sans identification de l'organisme (diagnostic clinique). Trois études ont fourni des résultats pour les deux groupes.
La revue comprenait cinq études (un total de 879 participants) avec confirmation microbiologique. Les résultats ont montré que si l'échographie abdominale devait être utilisée dans un groupe de 1000 personnes atteintes du VIH parmi lesquelles 200 (20%) ont la tuberculose alors :
- Environ 382 personnes auraient un résultat d'échographie indiquant une tuberculose ; parmi celles-ci, 256 (67 %) seraient classées à tort comme ayant la tuberculose (faux positifs).
- Sur les 618 personnes dont le résultat indique que la tuberculose n'est pas présente, 74 (12 %) seraient classées à tort comme n'ayant pas la tuberculose (faux négatifs).
Les résultats des études de cette revue sont-ils fiables ?
La confirmation microbiologique est probablement une méthode fiable pour déterminer si les gens ont réellement la tuberculose ; le diagnostic clinique est probablement moins fiable. Nous avons constaté des problèmes dans les deux groupes quant à la façon dont les études ont été menées. Diminuer le nombre de faux positifs pourrait donner l'impression que l'échographie abdominale est plus précise qu'elle ne l'est vraiment. Les chiffres indiqués sont une moyenne des études. Comme les estimations provenant d'études individuelles varient, nous ne pouvons pas être certains que l'échographie abdominale donnera toujours ces résultats. Pas assez de personnes ont été étudiées pour que nous puissions être confiants quant aux résultats.
À qui s'appliquent les résultats de la revue ?
Les études inclues dans les analyses principales ont été réalisées au Cambodge, en Inde, en Afrique du Sud, au Soudan du Sud, en Espagne et en Tanzanie. Les raisons d’inclusion des personnes différaient d'une étude à l'autre. Quatre études ont fait appel à des radiologues (spécialistes) ou à des échographistes formés ; deux ont fait appel à des médecins formés en échographie (non-spécialistes) et deux ont inclus des personnes sans aucune suspicion de tuberculose. Parmi les études, le pourcentage de personnes ayant reçu un diagnostic définitif de tuberculose variait de 18 % à 64 %.
Qu’implique cette revue ?
Si le test est utilisé pour confirmer la maladie en l'absence d'autres données probantes alors, le risque de diagnostiquer une personne comme étant atteinte de tuberculose alors qu'elle n'en est pas atteinte est élevé. Les chances de rater un diagnostic de tuberculose lorsque le test est positif sont plus faibles, mais un test négatif est probablement insuffisant pour écarter la maladie à lui seul. Ces résultats devraient être pris en compte lors de la décision d'utiliser ou non l'échographie abdominale pour dépister la tuberculose de l'abdomen et de comment interpréter les résultats dans le contexte d'autres données cliniques et diagnostiques.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché des études jusqu'au 4 avril 2019.
Chez les personnes séropositives au VIH suspectées comme étant atteintes de tuberculose abdominale ou de tuberculose disséminée avec atteinte abdominale, l'échographie abdominale semble avoir une sensibilité de 63 % et une spécificité de 68 % lorsque la tuberculose est confirmée bactériologiquement. Ces estimations sont fondées sur des données limitées, variées et peu fiables.
La faible sensibilité de l'échographie abdominale signifie que les cliniciens ne devraient pas utiliser un résultat négatif pour écarter la maladie, mais plutôt considérer le résultat en association avec d'autres stratégies diagnostiques (y compris les signes cliniques, la radiographie thoracique, le test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral (en anglais : lateral flow urine lipoarabinomannan assay, LF-LAM), et Xpert MTB/RIF). La recherche incorporant le test dans les algorithmes de diagnostic de la tuberculose aidera à délimiter plus précisément son utilité dans le diagnostic de la tuberculose abdominale ou de la tuberculose disséminée avec atteinte abdominale.
Il est difficile de diagnostiquer avec précision la tuberculose chez les personnes vivant avec le VIH. Les personnes séropositives pour le VIH ont des taux plus élevés de tuberculose extrapulmonaire et le diagnostic de tuberculose se limite souvent aux résultats d'imagerie. L'échographie est un test d'imagerie largement utilisé comme outil de diagnostic (y compris au point de service) chez les personnes suspectées d’avoir une tuberculose abdominale ou une tuberculose disséminée avec atteinte abdominale.
Déterminer l'exactitude diagnostique de l'échographie abdominale pour la détection de la tuberculose abdominale ou de la tuberculose disséminée avec atteinte abdominale chez les personnes séropositives au VIH.
Étudier les sources potentielles d'hétérogénéité dans l'exactitude des tests, y compris le milieu clinique, le niveau de formation en échographie et le type d'étalon de référence.
Nous avons recherché des publications dans n'importe quelle langue jusqu'au 4 avril 2019 dans les bases de données suivantes : MEDLINE, Embase, BIOSIS, Science Citation Index Expanded (SCI-EXPANDED), Social Sciences Citation Index (SSCI), Conference Proceedings Citation Index- Science (CPCI-S), ainsi que ClinicalTrials.gov et la plateforme internationale de l'OMS pour les essais cliniques (en anglais : International Clinical Trials Registry Platform), afin d’identifier les essais en cours.
Nous avons inclus des études transversales, des études de cohortes et des études cas-témoins diagnostiques (prospectives et rétrospectives) qui comparaient le résultat du test d'index (échographie abdominale) à un des étalons de référence. Nous n'avons inclus que des études dont il était possible d'extraire des nombres de vrais positifs (TP), de vrais négatifs (TN), de faux positifs (FP) et de faux négatifs (FN). Les participants étaient des personnes séropositives pour la VIH âgées de 15 ans et plus. La confirmation bactériologique de Mycobacterium tuberculosis à partir de n'importe quel échantillon clinique constituait un étalon de référence de qualité supérieure, et le diagnostic clinique de la tuberculose sans confirmation microbiologique, un étalon de référence de qualité inférieure. Nous avons exclu la tuberculose génito-urinaire.
Pour chaque étude, deux auteurs de l'étude ont extrait les données de façon indépendante en utilisant un formulaire standardisé. Nous avons évalué la qualité des études à l'aide d'un outil personnalisé d'évaluation de la qualité des études d'exactitude diagnostique (en anglais : Quality Assessment of Diagnostic Accuracy Studies-2, QUADAS-2). Nous avons utilisé le modèle bivarié pour estimer la sensibilité et la spécificité regroupées. Lorsque les études étaient peu nombreuses, nous avons simplifié le modèle bivarié pour séparer les modèles de régression logistique à effets aléatoires univariés par sensibilité et spécificité. Nous avons exploré l'influence du type d'étalon de référence sur les estimations de précision en effectuant des analyses distinctes pour chaque type d'étalon de référence. Nous avons évalué la valeur probante des données en utilisant la méthode GRADE.
Nous avons inclus 11 études. Les risques de biais et les préoccupations quant à l'applicabilité étaient souvent élevés ou peu clairs dans tous les domaines. Nous avons inclus six études dans les analyses principales de tout résultat anormal à l'échographie abdominale ; cinq études n'ont rapporté que des lésions individuelles.
Les six études reportant tout résultat anormal étaient des études transversales ou des études de cohortes. Cinq d'entre elles (83 %) ont été menées dans des pays à revenu faible ou intermédiaire et une dans un pays à revenu élevé. La proportion de participants sous traitement antirétroviral était nulle (1 étude), inférieure à 50 % (4 études), supérieure à 50 % (1 étude) et non rapportée (5 études). La première analyse principale, les études utilisant un étalon de référence de qualité supérieure (confirmation bactériologique), avait une sensibilité regroupée de 63 % (intervalle de confiance (IC) à 95 % de 43 % à 79 % ; 5 études, 368 participants ; très faible certitude) et une spécificité regroupée de 68 % (IC à 95 % : 42 % à 87 % ; 5 études, 511 participants ; données probantes de très faible certitude). Si les résultats devaient être appliqués à une cohorte hypothétique de 1000 personnes vivant avec le VIH dans laquelle 200 (20%) ont la tuberculose alors :
- Environ 382 personnes auraient un résultat d'échographie indiquant une tuberculose ; parmi celles-ci, 256 (67 %) seraient classées à tort comme ayant la tuberculose (faux positifs).
- Sur les 618 personnes dont le résultat indique que la tuberculose n'est pas présente, 74 (12 %) seraient classées à tort comme n'ayant pas la tuberculose (faux négatifs).
Dans la deuxième analyse principale portant sur des études utilisant un étalon de référence de qualité inférieure (diagnostic clinique), la sensibilité regroupée était de 68 % (IC à 95 % : 45 % à 85 % ; 4 études : 195 participants ;données probantes de très faible certitude) et la spécificité regroupée était de 73 % (IC à 95 % : 41 % à 91 % ; 4 études : 202 participants ; données probantes de très faible certitude).
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr