Problématique de la revue
Nous voulions savoir si les analogues de la prostacycline étaient bénéfiques pour les personnes souffrant d'hypertension artérielle pulmonaire. Les chercheurs de Cochrane ont recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à cette question.
Pourquoi cette revue est-elle importante ?
L'hypertension artérielle pulmonaire peut causer de l'essoufflement, une diminution de la tolérance à l'exercice, une diminution de la qualité de vie, des hospitalisations et une mort précoce. Les analogues de la prostacycline peuvent améliorer la circulation sanguine dans le cœur droit et les poumons. Nous voulions nous assurer de l’existence de preuves que l’utilisation de ces médicaments était associée à des bénéfices et à peu ou pas d’effets indésirables.
Principaux résultats
Nous avons trouvé et inclus 17 essais avec 3765 personnes. La plupart des études duraient 12 semaines. Certains essais ont duré jusqu'à 52 semaines. La plupart des essais ont porté sur des adultes. Les personnes auxquelles on a administré des analogues de la prostacycline ont été comparées à celles qui n'ont pas reçu de prostacycline. Les personnes participant à quatre essais ont reçu les médicaments par administration intraveineuse en continu (24 heures par jour) et dans un essai, il s’agissait d’une administration sous-cutanée en continu. Dans cinq essais, les personnes ont inhalé les médicaments par nébuliseur et dans cinq essais, elles ont pris des comprimés (par voie orale). Dans deux études, les patients prenaient des comprimés de Selexipag. Selexipag est un agoniste du récepteur de la prostacycline et les essais sur le Selexipag ont été analysés séparément.
Les personnes à qui l'on a administré des prostacyclines par administration intraveineuse en continu ont montré une amélioration de la survie (une diminution du risque de mourir). Ils pouvaient aussi marcher en moyenne 92 mètres de plus en six minutes que les personnes qui n'avaient pas reçu la perfusion de prostacycline. Ils étaient également plus susceptibles d'améliorer leur état fonctionnel (ce que qu’ils pouvaient et ne pouvaient pas faire quotidiennement). Les personnes qui avaient des prostacyclines intraveineuses avaient en moyenne une meilleure fonction cardiaque que celles qui n'avaient pas de traitement.
Dans l'ensemble, les résultats étaient moins clairs chez les personnes ayant reçu des prostacyclines par voie orale, par inhalation ou sous-cutanée. Il n'était pas clair si le fait d'administrer le médicament de cette façon permettait d'améliorer la survie. Les personnes qui prenaient des prostacyclines inhalées (nébuliseur) amélioraient leur état fonctionnel, marchaient en moyenne 27 mètres de plus en six minutes et avaient une meilleure fonction cardiaque. On a également constaté que les prostacyclines sous-cutanées amélioraient la fonction cardiaque. Il n'était pas clair si la prise de comprimés améliorait l’état fonctionnel ou la fonction cardiaque. Les personnes recevant ce traitement n'ont marché que 15 mètres de plus en six minutes que celles qui ne recevaient pas de comprimés de prostacycline.
Bien que cette revue ait révélé que les données probantes étaient les meilleures pour la prostacycline par administration intraveineuse en continu, le médicament peut être incommode et augmenter les risques, comme les infections liées aux cathéters intraveineux. De plus, presque toutes les personnes qui prennent les doses recommandées, sous quelque forme que ce soit, ont des effets secondaires importants liés au médicament (bouffées de chaleur, maux de tête, douleurs à la mâchoire, diarrhées, douleurs aux extrémités, effets secondaires au niveau des voies respiratoires supérieures, nausées et vomissements).
Les personnes qui prenaient du Selexipag présentaient moins d'aggravation clinique et une petite différence de 13 mètres dans leur test de marche de six minutes par rapport aux personnes sous placebo. Les personnes qui utilisaient le Selexipag étaient également plus susceptibles d'avoir des effets secondaires, notamment des bouffées de chaleur, des douleurs à la mâchoire, de la diarrhée, des nausées/vomissements et des douleurs dans les muscles/extrémités.
Limites
Il existe des preuves de certitude modérée que la prostacycline aide les patients. Le bénéfice apporté par le médicament est meilleur pour ceux qui le reçoivent par voie intra-veineuse continue, mais les risques sont plus élevés. De plus, en moyenne, les études n'ont duré que trois mois (parfois jusqu'à un an), ce qui n'est peut-être pas suffisant pour objectiver tous les bénéfices et les risques.
Cette revue n'a porté que sur les personnes ayant reçu un diagnostic d'hypertension artérielle pulmonaire, et non sur celles ayant une hypertension artérielle pulmonaire associée à une maladie du cœur gauche, à une maladie pulmonaire ou à une hypertension artérielle pulmonaire de cause emboligène.
La présente revue est à jour en septembre 2018.
Cette revue démontre les avantages cliniques et statistiques de la prostacycline intraveineuse (par rapport au témoin) avec une amélioration de l’état fonctionnel, de la 6MWD, de la mortalité, des scores de symptômes et de l'hémodynamique cardiopulmonaire, mais au coût d’événements indésirables. Cela peut être dû à un effet réel, ou peut être surestimé en raison de l'inclusion d'études de petite envergure, courtes ou ouvertes. La prostacycline inhalée présente un léger avantage pour l’état fonctionnel et l'hémodynamique, mais l'effet sur la mortalité est incertain. L'effet des prostacyclines orales est moins certain. Le Selexipag présente une moindre aggravation sur le plan clinique, sans incidence perceptible sur la survie et sans augmentation des événements indésirables, et son effet sur les autres résultats est moins certain. Les données issues des pratiques réelles pourraient fournir d'autres renseignements sur les effets cliniques.
L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) se caractérise par des modifications vasculaires pulmonaires, des pressions artérielles pulmonaires élevées, une dyspnée, une diminution de la tolérance à l'effort, une insuffisance cardiaque droite et finalement la mort.
Les analogues de la prostacycline imitent la prostacycline endogène, ce qui entraîne une vasodilatation, une inhibition de l'agrégation plaquettaire et une inversion du remodelage vasculaire. La courte demi-vie de la prostacycline améliore théoriquement la sélectivité pour le lit vasculaire pulmonaire via l’administration directe (par cathéter veineux central). Les prostacyclines par administration intraveineuse en continu initiale ont été efficaces, mais l'accès par voie intraveineuse augmente le risque d'effets indésirables. Des préparations sous-cutanées, orales et inhalées plus récentes et plus sûres sont maintenant disponibles, mais peuvent-être moins puissantes.
Le Selexipag est un agoniste des récepteurs sélectifs oraux de la prostacycline (récepteur IP) qui agit similairement à la prostacycline, mais potentiellement plus stable, avec une administration et un titrage moins complexes.
Déterminer l'efficacité et l'innocuité de la prostacycline, des analogues de la prostacycline ou des agonistes des récepteurs de la prostacycline pour les HTAP chez les adultes et les enfants.
Nous avons effectué des recherches sur CENTRAL, MEDLINE et Embase jusqu'au 16 septembre 2018. Nous avons fait des recherches manuelles dans des articles de synthèse, des registres d'essais cliniques et des listes de références d'articles.
Nous avons inclus tous les essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) qui ont comparé la prostacycline, les analogues de la prostacycline ou les agonistes des récepteurs de la prostacycline à un contrôle (placebo, tout autre traitement ou soins habituels) pendant au moins six semaines.
Nous avons utilisé les méthodes standard spécifiées par Cochrane. Les principaux critères de jugement étaient le changement dans l’état fonctionnel selon la classification de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la distance de marche de six minutes (6 MWD) et la mortalité.
Dix-sept essais avec 3 765 participants, pour la plupart adultes, ont été inclus ; la durée médiane de l'essai était de 12 semaines. Quinze essais ont utilisé des analogues de la prostacycline : intraveineuse (N = 4) ; sous-cutanée (N = 1) ; orale (N = 5) ; inhalée (N = 5) ; deux ont utilisé des agonistes des récepteurs aux prostacyclines oraux. Trois essais sur l'administration intraveineuse et deux essais sur l'administration par inhalation étaient ouverts.
Les participants utilisant la prostacycline avaient 2,39 fois plus de chances de s'améliorer d'au moins une classe fonctionnelle de l'OMS (intervalle de confiance (IC) de 95 % : 1,72 à 3,32 ; 24 pour 100 (IC de 95 % : 18,5 à 30,4) avec la prostacycline comparativement à 12 pour 100 avec le contrôle; 8 essais, 1066 participants ; preuves de certitude modérée). L'amélioration s'est manifestée par voie intraveineuse (odds ratio (OR) de 14,96, IC à 95 % de 4,76 à 47,04) et par inhalation (OR 2,94, IC à 95 % de 1,53 à 5,66), mais pas par voie orale. Les participants qui prenaient de la prostacycline ont augmenté leur 6MWD de 19,50 mètres (IC à 95 % : 14,82 à 24,19 ; 13 essais, 2 283 participants ; preuve de faible certitude), ce qui était cliniquement significatif avec l’administration intraveineuse en continu (différence moyenne MD de 91,76 mètres ; IC à 95 % : 58,97 à 124,55), mais pas avec des administrations sous-cutanées DM 16,00 mètres, IC à 95 %, IC 7,38 à 24,62 ; voie orale : DM 14,76 mètres, IC à 95 % 7,81 à 21,70 mètres ; inhalé : DM 26,97 mètres, IC à 95 % 17,21 à 36,73 mètres). La mortalité a été réduite dans les études intraveineuses (OR 0,29 ; IC, 95 % : 0,12 à 0,69 ; risque de décès 6 pour 100 (IC, 95 % : 2,38 à 12,31) avec la prostacycline comparativement à 17 pour 100 avec le contrôle; 4 essais, 255 participants), mais pas dans les études non intraveineuses (OR 0,82 ; IC, 95 % : 0,48 à 1,40 ; risque de décès 21 pour 1000 (IC, 95 % : 12,00 à 34,20) avec la prostacycline comparativement à 25 pour 1000 avec le contrôle; données de certitude modérée; 12 essais, 2299 participants). Nous avons déclassé le niveau de certitude des données probantes en raison du petit nombre d'études par sous-groupe et de l'utilisation d'essais ouverts.
Les prostacyclines ont amélioré l'hémodynamique cardiopulmonaire (réduction de la pression artérielle pulmonaire moyenne de 3,60 mmHg (IC 95 % -4,73 à -2,48) ; résistance vasculaire pulmonaire de 2,81 WU (IC 95 % -3,80 à -1,82) ; pression auriculaire droite de 1,90 mmHg (IC 95 % -2,58 à -1,22) et augmentation de l'index cardiaque de 0,31 L/min/m2 (IC 95 % 0,23 à 0,38) ; faible certitude des preuves), amélioré la dyspnée (preuves de faibles certitude), et ont amélioré la qualité de vie (preuve de certitude modérée), comparé au contrôle. Lorsque seuls les essais sous-cutanés/inhalés ont été inclus, l'effet était encore significatif, mais l'ampleur était moindre. Il n'y avait aucune différence entre les essais évaluant la forme orale.
Les effets indésirables ont augmenté dans toutes les formes de prostacyclines, y compris la vasodilatation (OR 5,03, IC à 95 % 3,84-6,58), les céphalées (OR 3,16, IC à 95 % 2,62-3,80), la douleur à la mâchoire (OR 5,25, IC à 95 % 3,96-6,98), la diarrhée (OR 2,81, IC à 95 % 2,29-3,46), la nausée ou le vomissement (OR 2,39, IC à 95 % 1,98-2,88), les myalgies (OR 2,75, IC à 95 % 1.65 to 4.58), les infections respiratoires hautes (OR 1.61, 95% CI 1.22 to 2.13), la douleur intense (OR 3.36, 95% CI 2.32 to 4.85), et les effets indésirables localisés au site de perfusion (OR 14.41, 95% CI 9.16 to 22.66). Dans les essais sur l'administration intraveineuse, le risque d'événements graves non mortels (septicémie, hémorragie, pneumothorax et embolie pulmonaire) était de 12 % à 25 %.
Deux essais (1 199 participants) ont comparé le Selexipag oral au placebo ; aucun essai n'a comparé le Selexipag à la prostacycline. Il y a eu une légère amélioration de 12,62 mètres dans la 6MWD (IC à 95 % : 1,90 à 23,34 ; preuve de haute certitude), et de faibles preuves pour l'hémodynamique. L'effet était incertain pour l’état fonctionnel selon la classification de l'OMS. Le risque de décès avec le Selexipag était de cinq pour 100 comparativement à trois pour 100 avec le placebo, bien que l'IC ait croisé la ligne du zéro, de sorte que l'effet réel est incertain (différence de risque (DR) 0,02 (IC à 95 % -0,00 à 0,04). Il y a eu moins d'aggravation clinique avec le Selexipag (OR 0,47 ; IC à 95 % : 0,37 à 0,60), mais plus d'effets secondaires, dont la vasodilatation (OR 2,67 ; IC à 95 % : 1,72 à 4,17), les céphalées (OR 3,91 ; IC à 95 % : 3,07 à 4,98), la douleur à la mâchoire (OR 5,33 ; IC à 95 % : 3,64 à 7,81), la diarrhée (OR 3,11 ; IC à 95 % : 2,39 à 4,05) et la nausée ou vomissement (OR 2,92 ; IC à 95 % : 2,29 to 3.73), les douleurs dans les extrémités (OR 2.44, 95% CI 1.69 to 3.52), et les myalgies (OR 3.05, 95% CI 2.02 to 4.58).
Post-édition effectuée par Sofyan Jankowski et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr