Quels sont les bénéfices et les risques liés à l'utilisation d'un garrot dans une opération de remplacement du genou ?

Pourquoi cette question est-elle importante ?

Le remplacement du genou est une opération courante qui consiste à remplacer un genou endommagé, usé ou malade par une articulation artificielle faite de métal et de plastique.

La plupart des chirurgiens préfèrent pratiquer une opération de remplacement du genou à l'aide d'un garrot - une bande serrée placée autour de la cuisse qui limite la circulation sanguine vers le genou.

Les bénéfices potentiels de l'utilisation d'un garrot comprennent la limitation des pertes de sang pendant l'opération et la facilitation de la conduite de l'opération. Cependant, un garrot pourrait augmenter le risque de douleurs et de complications pour les patients après l'opération. Nous avons examiné les données probantes issues d'études de recherche pour connaître les bénéfices et les risques de l'utilisation d'un garrot dans le cadre d'une opération de remplacement du genou.

Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?

Tout d'abord, nous avons recherché des études pertinentes et robustes dans la littérature médicale. Nous avons ensuite comparé les résultats et résumé les données probantes issues de toutes les études. Enfin, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes. Pour ce faire, nous avons pris en compte des facteurs tels que la manière dont les études ont été menées, la taille de l'étude et la consistance des résultats entre les études. Sur la base de nos évaluations, nous avons classé les données probantes comme étant d’un niveau de confiance très faible, faible, modéré ou élevé.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 41 études portant sur 2819 personnes (944 hommes et 1777 femmes) qui ont été choisies au hasard pour subir une opération avec ou sans garrot. Ce type d'étude, connu sous le nom d'essai contrôlé randomisé, fournit les données probantes les plus solides concernant les effets d'un traitement.

Des études ont été menées dans des hôpitaux en Australie, en Asie, en Europe et aux États-Unis. Chaque étude a porté sur 20 à 166 personnes âgées de 58 à 84 ans. EIles ont été suivies pendant une période allant d'un jour à deux ans après l'opération.

Cinq études ont été financées par des fonds publics et une étude a reçu un financement d'une entreprise de fabrication d'équipements médicaux. Les 35 autres études n'ont pas reçu de financement spécifique ou n'ont pas indiqué qui les a financées.

Les études ont fourni des données probantes d’un niveau de confiance faible à modéré indiquant que :

- la douleur du premier jour après l'opération est probablement pire avec un garrot. En moyenne, sur une échelle de 0 à 10 (plus la note est élevée, plus la douleur est intense), les personnes opérées avec un garrot ont évalué leur douleur à 5,81. Les personnes opérées sans garrot ont évalué leur douleur à 4,56 (différence moyenne : 1,25 point) ;

- la fonction du genou un an après l'opération est probablement similaire, avec ou sans garrot. En moyenne, sur une échelle de 0 à 100 (un score plus élevé = une meilleure fonction), les personnes opérées avec un garrot ont évalué la fonction de leur genou à 89,74. Les personnes opérées sans garrot ont évalué la fonction de leur genou à 90,03 (différence moyenne : 0,29 point) ;

- la satisfaction concernant le traitement pourrait être similaire avec ou sans garrot. Six mois après l'opération, 94 % des personnes opérées avec ou sans garrot étaient « extrêmement » ou « très » satisfaites de leur traitement ;

- il pourrait y avoir une différence minime voire inexistante sur la qualité de vie liée à la santé, avec ou sans garrot. En moyenne, sur une échelle de 0 à 100 (plus le score est élevé, plus la qualité de vie est bonne), les personnes opérées avec un garrot ont évalué leur qualité de vie à 54,64. Les personnes qui ont été opérées sans garrot ont évalué leur qualité de vie à 56,17 (différence moyenne : 1,53 point) ; et

- les événements indésirables graves tels que les caillots de sang dans la jambe ou le poumon, l'infection ou la réopération autre que pour remplacer l'articulation artificielle sont probablement plus susceptibles de se produire avec un garrot. Cinq pour cent des personnes opérées avec un garrot ont signalé des événements indésirables graves, contre 2,9 % des personnes opérées sans garrot.

Nous ne savons pas si l'utilisation d'un garrot affecte les chances de devoir recourir à une seconde opération pour remplacer une articulation artificielle, car les données probantes disponibles sont d’un niveau de confiance très faible.

Nous n’avons pas trouvé d’études ayant évaluant les effets de la chirurgie avec garrot sur les fonction cognitives.

Qu’est-ce que cela signifie?

Le remplacement du genou avec un garrot est probablement un peu moins bénéfique, et comporte plus de risques, que la chirurgie sans garrot.

Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?

Les données probantes de cette revue Cochrane sont à jour jusqu'en mars 2020.

Conclusions des auteurs: 

Des données probantes d’un niveau de confiance modéré montrent que la chirurgie de remplacement du genou avec un garrot est probablement associée à un risque accru d'événements indésirables graves. La chirurgie avec garrot est aussi probablement associée à une douleur postopératoire plus importante, bien que cette différence puisse être ou non perceptible par les patients. La chirurgie avec garrot ne semble pas conférer de bénéfice cliniquement significatif sur la fonction, le succès du traitement ou la qualité de vie. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer les effets de l'utilisation du garrot sur la fonction cognitive et la survie des implants, afin d'identifier tout risque ou bénéfices supplémentaire.

Si un garrot continue à être utilisé dans le cadre d'une arthroplastie du genou, les patients doivent être informés du risque potentiel accru d'événements indésirables graves et de douleurs postopératoires.

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Contexte: 

De nombreux chirurgiens préfèrent pratiquer une arthroplastie totale du genou à l'aide d'un garrot. Un garrot est un dispositif occlusif qui restreint le flux sanguin distal pour aider à créer un champ avec moins de sang pendant l'intervention. Un garrot peut être associé à un risque accru de douleur et de complications.

Objectifs: 

Déterminer les bénéfices et les inconvénients de l'utilisation d'un garrot dans le cadre d'une opération de remplacement du genou.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, Embase et le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) jusqu'au 26 mars 2020. Nous avons effectué des recherches sur clinicaltrials.gov, le portail des essais de l'Organisation mondiale de la santé, et sur plusieurs registres internationaux et registres communs jusqu'en mars 2020.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant le remplacement du genou avec l'utilisation d'un garrot par rapport à l'absence de garrot et les études non randomisées avec plus de 1000 participants. Les principaux critères de jugement sont la douleur, la fonction, l'évaluation globale du succès de l’intervention, la qualité de vie liée à la santé, les événements indésirables graves (notamment la thromboembolie veineuse, l'infection, la réopération et la mortalité), la fonction cognitive et la survie de l'implant. Parmi les critères de jugement mineurs, citons la perte de sang, les critères de jugement économiques, la stabilité des implants et les événements indésirables.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont examiné les résumés et les textes complets, ont extrait des données, ont procédé à des évaluations du risque de biais et ont évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant l'approche GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 41 ECR avec 2819 participants. Les essais comprenaient de 20 à 199 participants. L'âge moyen se situait entre 58 et 84 ans. Plus de la moitié des ECR présentaient un risque incertain de biais de sélection et un risque incertain de biais de performance et de détection en raison de l'absence de mise en aveugle des participants et des chirurgiens.

Principaux résultats

Douleur : au jour 1 post-opératoire, la douleur (sur une échelle de 0 à 10, les scores les plus élevés indiquant une douleur plus intense) était à 4,56 points après une opération sans garrot et à 1,25 point (DM) de plus (IC à 95 % de 0,32 plus élevé à 2,19 plus élevé) avec un garrot (8 études ; 577 participants), pour une différence absolue de 12,5 % de scores de douleur plus élevés (IC à 95 % de 3,2 % plus élevé à 21,9 % plus élevé) et une différence relative de 19 % de scores de douleur plus élevés (IC à 95 % de 3,4 % plus élevé à 49 % plus élevé) avec un garrot. Les données probantes issues de ces résultats étaient d'un niveau de confiance modéré, abaissé en raison du risque de biais. Le remplacement du genou avec un garrot a probablement conduit à des scores de douleur postopératoire plus élevés au jour 1, bien que cette différence puisse ou non être perceptible pour les patients (sur la base d'une différence minimale cliniquement importante (DMCI) de 1,0).

Fonction : à 12 mois, l'utilisation d'un garrot ne produit probablement pas ou peu de différence sur la fonction, sur la base d'une DMCI de 5,3 pour le score de la Knee Society (Knee Society Score, KSS) et de 5,0 pour le score Oxford d'évaluation du genou (Oxford Knee Score, OKS). La fonction moyenne (sur une échelle de 0 à 100, les scores les plus élevés indiquant de meilleurs résultats) était de 90,03 points après une opération sans garrot et était de 0,29 point plus mauvaise (IC à 95 % de 1,06 plus mauvaise à 0,48 meilleure) sur une échelle de 0 à 100, la différence absolue était de 0,29% plus mauvaise (1,06% plus mauvaise à 0,48% meilleure), avec garrot (5 études ; 611 participants). Le niveau de confiance de ces données probantes a été abaissé en à modéré en raison du risque de biais.

Évaluation globale de la réussite de l’intervention : des données probantes d’un niveau de confiance faible (abaissé en raison de biais et d'imprécision) indiquent que l'utilisation de garrots pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la réussite. À six mois, 47 sur 50 (soit 940 pour 1000) ont déclaré avoir bénéficié d'un traitement globalement réussi après une opération sans garrot et 47 sur 50 (soit 940 pour 1000) avec un garrot (risque relatif (RR) 1,0, IC à 95 % 0,91 à 1,10) sur la base d'une étude avec 100 participants.

Qualité de vie liée à la santé : à six mois, le garrot pourrait n'avoir que peu ou pas d'effet sur la qualité de vie. Le score de l'enquête SF-12 (composante mentale de 0 à 100 (100 est le meilleur)) était de 54,64 après une opération sans garrot et de 1,53 (DM) meilleure (IC à 95 % 0,85 pire à 3,91 meilleure) avec un garrot (1 étude ; 199 participants) ; la différence absolue était de 1,53 % (0,85 % pire à 3,91 % meilleur). Les données probantes étaient d’un niveau de confiance faible, abaissé en raison du risque de biais et du petit nombre de participants.

Événements indésirables graves : le risque d'événements indésirables graves était probablement plus élevé avec le garrot ; 26 des 898 (29 pour 1000) ont signalé des événements suite à une chirurgie sans garrot contre 53 des 901 (59 pour 1000) avec garrot (RR 1,73, IC à 95 % 1,10 à 2,73) dans 21 études (1799 participants). Vingt-neuf patients de plus pour 1000 patients (IC à 95 % 3 à 50 de plus pour 1000 patients) ont eu un événement indésirable grave avec un garrot. Quarante-huit (IC à 95 % 20 à 345) participants auraient dû être opérés sans garrot pour éviter un événement indésirable grave. Le niveau de confiance de ces données probantes a été abaissé en à modéré en raison du risque de biais.

Fonction cognitive : une étude a rapporté la fonction cognitive comme critère de jugement; cependant, les données ont été rapportées de manière incomplète et n'ont pas pu être extraites pour l'analyse.

Survie de l'implant : il n'est pas certain que le garrot ait un effet sur la survie de l'implant en raison du très faible niveau de confiance des données probantes (abaissé pour cause de biais et deux fois en raison de taux d'événements très faibles) ; 2 sur 107 (19 pour 1000) ont dû subir une chirurgie de révision dans le cadre de l'intervention avec garrot, contre 1 sur 107 (9 pour 1000) sans garrot à un suivi allant jusqu'à deux ans (RR 1,44, IC à 95 % 0,23 à 8,92). Cela équivaut à un risque absolu accru de 0,4 % (0,7 % de moins à 7 % de plus) dans le cas d'une chirurgie avec garrot.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Pauline Coutault et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.