Contexte
La tendinopathie rotulienne est une affection douloureuse qui affecte généralement les athlètes qui s'entraînent beaucoup, par exemple ceux qui jouent au volley-ball et au basketball. De nombreuses personnes atteintes de la condition sont incapables de poursuivre le sport qu'elles ont choisi au même niveau de compétition ou à la même intensité d'entraînement. Il existe de nombreux traitements pour cette affection, dont le plus courant est un type particulier d'exercice appelé exercice excentrique (où le tendon est sous tension tandis que le muscle s'allonge).
Les autres traitements de la tendinopathie rotulienne comprennent l'analgésie orale et topique (analgésie orale ou cutanée), divers injectables (p. ex. corticostéroïdes) et la chirurgie. La chirurgie est utilisée si d'autres traitements échouent, et c'est le traitement évalué dans cette revue.
Caractéristiques des études
La présente Revue Cochrane est à jour jusqu'en juillet 2018. Nous avons effectué des recherches dans les bases de données en ligne de toutes les études (en particulier les essais contrôlés randomisés) qui comparaient le traitement chirurgical au traitement non opératoire chez les adultes atteints de tendinopathie rotulienne. Nous avons trouvé deux études ; elles comparaient l'ablation chirurgicale ouverte à des exercices excentriques (une étude impliquant 40 personnes) et la chirurgie arthroscopique à des injections sclérosantes (ces cicatrices bloquent les vaisseaux sanguins qui fournissent les fibres nerveuses au tendon malade) (une étude impliquant 56 personnes). Les études ont été réalisées en ambulatoire dans deux pays (Norvège et Suède). La majorité des participants aux études étaient des hommes, dont l'âge moyen variait de 27 à 31 ans et la durée moyenne des symptômes était de 24 à 33 mois. Les essais ont été menés sans financement (soutien financier) de la part de l'industrie (compagnies médicales ou de dispositifs médicaux), mais certains auteurs d’une des études ont reçu des fonds de compagnies pharmaceutiques en plus de fonds de recherche de sources non industrielles.
Principaux résultats
Comparativement aux exercices excentriques, la chirurgie ouverte offrait peu d'avantages à 12 mois (les résultats pour chaque critères de jugement sont présentés ci-dessous).
Douleur (des scores plus faibles signifient moins de douleur)
Amélioration de 4 % (allant de 4 % de moins à 12 % de mieux) ou de 0,4 point sur une échelle de zéro à 10 points.
Les personnes qui ont subi une chirurgie ont évalué leur douleur à 1,3 point.
Les personnes qui ont fait des exercices excentriques ont évalué leur douleur à 1,7 point.
Évaluation globale du succès (ceux qui n'ont signalé aucune douleur à 12 mois)
10 % de moins de personnes n'ont ressenti aucune douleur (entre 38 % et 18 % de moins), soit 10 personnes de moins sur 100.
Vingt-cinq personnes sur 100 n'avaient aucune douleur avec la chirurgie.
Trente-cinq personnes sur 100 n'avaient aucune douleur avec des exercices excentriques.
Arrêts prématurés
Aucun participant des deux groupes ne s'est retiré de l'étude.
L'étude n'a pas fait état d'améliorations de la qualité de vie ou d'événements indésirables (y compris les ruptures de tendons).
Comparativement aux injections sclérosantes, la chirurgie arthroscopique (’trou de serrure’) offre une certaine réduction de la douleur et une amélioration de l'évaluation globale de la réussite par les participants à 12 mois (les résultats pour chaque critère de jugement sont présentés ci-dessous ; d'autres études sont susceptibles de modifier ces résultats).
Douleur (des scores plus faibles signifient moins de douleur)
Amélioration de 28% (de 15% à 42% de mieux) ou de 28 points sur une échelle de zéro à 100 points.
Les personnes qui ont subi une chirurgie ont évalué leur douleur à 12,8 points.
Les personnes ayant reçu une injection sclérosante ont évalué leur douleur à 41,1 points.
Évaluation globale du succès (succès rapporté par les participants, un score plus élevé est meilleur)
Amélioration de 34 % (de 19 % à 49 % de mieux) ou de 33,9 points sur une échelle de zéro à 100 points.
Les personnes qui ont subi une chirurgie ont évalué leur douleur à 86,8 points.
Les personnes ayant reçu une injection sclérosante ont évalué leur douleur à 52,9 points.
Arrêts prématurés
Une personne de chaque groupe (4 %) s'est retirée de l'étude pour des raisons non liées au traitement.
L'étude n'a pas rapporté de données quant aux améliorations de la qualité de vie, les améliorations du score fonctionnel ou les événements indésirables (y compris les ruptures des tendons).
Valeur probante des données
Nous avons décidé que les données probantes étaient peu certaines en raison de lacunes dans la conception des études qui pourraient surestimer les avantages du traitement. Par exemple, les personnes participant à l'étude savaient quel traitement elles recevaient, les études ont rapporté certains résultats de façon sélective mais pas d'autres, et les résultats étaient imprécis en raison du petit nombre de participants et d'essais. Par conséquent, nous ne savons pas si la chirurgie présente des avantages par rapport aux exercices excentriques ou aux injections sclérosantes pour traiter la tendinopathie rotulienne chez l'adulte. D'autres études sont susceptibles de modifier les résultats.
Nous ne savons pas si la chirurgie est plus bénéfique que d'autres interventions thérapeutiques, à savoir les exercices excentriques ou les injectables. Des données de faible certitude montrent que la chirurgie pour la tendinopathie rotulienne peut ne pas apporter d'avantages cliniquement importants par rapport à l'exercice excentrique en termes de douleur, de fonction ou de succès thérapeutique rapporté par les participants, mais peut apporter une réduction de la douleur et un succès thérapeutique significatifs sur le plan clinique par rapport aux injections sclérosantes. Toutefois, d'autres recherches sont susceptibles de modifier ces résultats. Les données probantes ont été déclassées de deux niveaux en raison de la petite taille de l'échantillon et de la susceptibilité aux biais. Nous ne savons pas s'il y a d'autres risques associés à la chirurgie, car les auteurs des études n'ont pas signalé les effets indésirables. La chirurgie semble faire partie intégrante de la pratique clinique pour la tendinopathie rotulienne tardive, en raison de l'épuisement d'autres méthodes thérapeutiques plutôt que de la preuve des bienfaits.
La tendinopathie rotulienne est une condition de surutilisation qui affecte généralement les athlètes. La chirurgie est habituellement offerte si les thérapies médicales et physiques ne parviennent pas à la traiter efficacement. Il y a une variation dans le type d'intervention chirurgicale pratiquée pour cette condition.
Évaluer les avantages et les inconvénients de la chirurgie pour la tendinopathie rotulienne chez l'adulte.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes, jusqu'au 17 juillet 2018 : le Registre central des essais contrôlés de Cochrane (CENTRAL) via la Bibliothèque Cochrane, OVID MEDLINE, OVID Embase, les registres des essais cliniques (www.ClinicalTrials.gov) et le portail des essais cliniques de l'OMS (www.who.int/ictrp/en/).
Nous avons inclus tous les essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) qui comparaient les techniques chirurgicales (ouvertes ou arthroscopiques) au traitement non opératoire (y compris la chirurgie placebo, l'exercice ou d'autres modalités non chirurgicales) chez les adultes atteints de tendinopathie rotulienne.
Les principaux critères de jugement évalués étaient la douleur au genou, la fonction, la qualité de vie, l'évaluation globale du succès par les participants, le taux de retraits prématurés de l’étude, la proportion des événements indésirables et la proportion des ruptures de tendons.
Deux auteurs ont sélectionné les études à inclure, extrait les caractéristiques des essais et les données sur les critères de jugement, évalué le risque de biais et évalué la qualité des données à l'aide de GRADE.
Deux essais (92 participants) répondaient à nos critères d'inclusion. Les participants aux deux essais ont été suivis pendant 12 mois. Aucun des deux essais n'a comparé la chirurgie au placebo. Un essai (40 participants randomisés) a comparé l'excision chirurgicale ouverte à des exercices excentriques, et l'autre a comparé la chirurgie arthroscopique à des injections sclérosantes (52 participants randomisés). En raison de la nature des interventions, ni les participants ni les chercheurs n'ont été mis en aveugle pour la répartition des groupes, ce qui a pu entraîner des biais de rendement et de détection. Certains résultats choisis n'ont pas été rapportés, entraînant un biais de notification. Dans l'ensemble, la certitude des données probantes tirées de ces études était faible pour tous les critères de jugement en raison du risque de biais et de l'imprécision attribuable à la petite taille des échantillons.
Par rapport aux exercices excentriques, les données probantes de faible certitude indiquent que l'excision chirurgicale ouverte ne procure aucun avantage cliniquement important en ce qui concerne la douleur au genou, la fonction ou l'évaluation globale du succès. À 12 mois, la douleur moyenne au genou - mesurée par la douleur avec saut debout sur une échelle de 10 points (les scores les plus faibles indiquant moins de douleur) - était de 1,7 point (écart-type de 1,6) dans le groupe de formation excentrique et de 1,3 (écart-type de 0,8) dans le groupe chirurgie (un essai, 40 participants). Cela équivaut à une réduction absolue de la douleur de 4 % (allant de 4 % à 12 % de moins, la différence minimale cliniquement importante étant de 15 %) et à une réduction relative de la douleur de 10 % de moins (allant de 30 % à 10 % de moins) dans le groupe traité. A 12 mois, la fonction sur l'échelle de zéro à 100 points du Victorian Institute of Sport Assessment (VISA) était de 65,7 (écart-type 23,8) dans le groupe d'entraînement excentrique et de 72,9 (écart-type 11,7) dans le groupe chirurgie (un essai, 40 participants). Cela équivaut à un changement absolu de 7 % d'amélioration de la fonction (allant de 4 % à 19 %) et à un changement relatif de 25 % d'amélioration (allant de 15 % à 65 %, la différence minimale cliniquement importante étant de 13 %). L'évaluation globale du succès des participants a été mesurée par le nombre de personnes sans douleur à 12 mois : 7/20 participants du groupe d’entraînement physique excentrique n'ont signalé aucune douleur, comparativement à 5/20 dans le groupe chirurgical ouvert (rapport de risque (RR) 0,71 (IC à 95 % : 0,27 à 1,88) ; un essai, 40 participants). Il n'y a pas eu de retraits, mais cinq personnes sur 20 du groupe d'exercice excentrique sont passées à l'excision chirurgicale ouverte. La qualité de vie, les événements indésirables et les ruptures des tendons n'ont pas été mesurés.
Comparativement à l'injection sclérosante, les données probantes de faible certitude indiquent que la chirurgie arthroscopique peut réduire la douleur et améliorer l'évaluation globale du succès des participants, mais d'autres études sont susceptibles de modifier ces résultats. Après 12 mois, la douleur moyenne avec activités, mesurée sur une échelle de 100 points (les scores les plus faibles indiquant moins de douleur), était de 41,1 (écart-type 28,5) dans le groupe d'injection sclérosante et de 12,8 (écart-type 19,3) dans le groupe arthroscopique (un essai, 52 participants). Cela équivaut à une réduction absolue de la douleur de 28 % supérieure (allant de 15 % à 42 % supérieure, la différence minimale cliniquement importante étant de 15 %) et à un changement relatif de 41 % supérieur (allant de 21 % à 61 % supérieure). Après 12 mois, l'évaluation globale moyenne du succès par les participants, mesurée par la satisfaction sur une échelle de 100 points (échelle de zéro à 100, scores plus élevés indiquant une plus grande satisfaction), était de 52,9 (écart-type 32,6) dans le groupe d'injection sclérosante et de 86,8 (écart-type 20,8) dans le groupe arthroscopique (un essai, 52 participants). Cela équivaut à une amélioration absolue de 34 % (allant de 19 % à 49 %). Dans les deux groupes, un participant (4 %) s'est retiré de l'étude. Les scores des résultats fonctionnels, y compris le score du VISA, n'ont pas été rapportés. La qualité de vie, les événements indésirables, et plus particulièrement la proportion de cas de rupture des tendons, n’ont pas été rapportés.
Nous n'avons pas effectué d'analyse en sous-groupes pour évaluer les différences de résultats entre l'excision arthroscopique et l'excision chirurgicale ouverte, car nous n'avons pas identifié plus d'une étude avec un comparateur commun.
Post-édition effectuée par Nicole Pitcher et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr