Pourquoi cette question est-elle importante ?
Les enfants qui naissent avec une malformation cardiaque, ou qui développent une maladie cardiaque après la naissance, ont parfois besoin d'une opération cardiaque. Pour opérer, les chirurgiens doivent souvent arrêter temporairement le cœur et les poumons. Pour maintenir l'enfant en vie, ils utilisent un cœur-poumon artificiel qui prend en charge le travail du cœur et des poumons. Le cœur-poumon artificiel ajoute de l'oxygène au sang, en retire le dioxyde de carbone puis repompe le sang vers le corps de l'enfant.
Nous savons que la chirurgie cardiaque impliquant un cœur-poumon artificiel provoque une inflammation dans l'organisme. Cela peut entraîner des complications allant de l'hypotension artérielle au dysfonctionnement des organes vitaux. Dans certains cas, les patients peuvent en mourir.
Les corticostéroïdes (un type de médicament anti-inflammatoire) ont été largement utilisés pour prévenir l'inflammation chez les enfants qui bénéficient d’une chirurgie cardiaque nécessitant un cœur-poumon artificiel, mais leurs bénéfices et leurs risques ne sont pas évidents. Pour savoir s'ils préviennent l'inflammation et s'ils sont associés à des effets indésirables (comme une mauvaise cicatrisation des plaies, un risque accru d'infection ou une mortalité accrue), nous avons examiné les données probantes issues des travaux de recherche.
Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?
Tout d'abord, nous avons recherché dans la littérature médicale des études contrôlées randomisées (études dans lesquelles les personnes sont réparties au hasard dans différents groupes de traitement), car ces études fournissent les données probantes les plus solides des effets d'un traitement. Nous avons ensuite comparé les résultats et résumé les données probantes de toutes les études. Enfin, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes. Pour ce faire, nous avons pris en compte des facteurs tels que la manière dont les études ont été menées, la taille des études et la cohérence des résultats d'une étude à l'autre. Sur la base de nos évaluations, nous avons classé les données probantes comme étant d’un niveau de confiance très faible, faible, modéré ou élevé.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 13 études portant sur un total de 1087 enfants. Les études ont duré entre 14 et 30 mois (la durée n'était pas indiquée dans sept études). Trois corticostéroïdes ont été étudiés : la méthylprednisolone (cinq études), l'hydrocortisone (deux études) et la dexaméthasone (six études). Les études ont comparé ces corticostéroïdes à un placebo (médicament qui est exactement le même à part qu'il ne contient pas le médicament actif).
Les données probantes montrent les faits suivants :
- les corticostéroïdes ne modifient probablement pas ou peu le nombre d'enfants qui meurent à l'hôpital après une opération (cinq études, 313 enfants (participant aux études), données probantes d’un niveau de confiance modéré) ;
- les corticostéroïdes ne modifient probablement pas ou peu le nombre d'enfants qui meurent de quelque cause que ce soit (cinq études, 313 enfants, données probantes d’un niveau de confiance modéré) ou de problèmes cardiaques et circulatoires en particulier (trois études, 109 enfants, données probantes d’un niveau de confiance modéré) au temps de suivi le plus long après l'opération ;
- les corticostéroïdes pourraient ne pas ou peu modifier le fait que les enfants soient retirés du cœur-poumon artificiel après l'opération (une étude, 40 enfants, données probantes d’un niveau de confiance faible).
- les corticostéroïdes réduisent le nombre d'heures pendant lesquelles les enfants ont besoin d'un appareil respiratoire (six études, 421 enfants, données probantes d’un niveau de confiance élevé) ;
- les corticostéroïdes ne modifient pas ou peu la durée du séjour des enfants en unité de soins intensifs (six études, 421 enfants, données probantes d’un niveau de confiance élevé) ;
- les corticostéroïdes ne modifient probablement pas ou peu la durée totale d'hospitalisation des enfants après une opération (une étude, 176 enfants, données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Il n'est pas clair si les corticostéroïdes sont associés à des effets indésirables non mortels, car les études n'ont pas rapporté les effets indésirables de manière cohérente.
Qu’est-ce que cela signifie?
Donner des corticostéroïdes aux enfants qui bénéficient d’une opération cardiaque nécessitant un cœur-poumon artificiel :
- ne fait probablement pas ou peu de différence sur le nombre d’enfants qui meurent après une opération, quel que soit le moment ou la cause ;
- ne ferait peu ou aucune différence si les enfants sont retirés du cœur-poumon artificiel après l'opération ;
- réduit probablement le temps passé sous l'appareil respiratoire après l'opération, mais cela n'entraîne pas un séjour plus court dans l'unité de soins intensifs ou à l'hôpital.
Les études futures doivent recueillir des informations sur les effets indésirables non mortels de manière standardisée, afin que nous puissions évaluer les risques des corticostéroïdes.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes de cette revue Cochrane sont à jour jusqu'en juin 2020.
Les corticostéroïdes ne modifient probablement pas le risque de mortalité des enfants ayant bénéficié d’une chirurgie cardiaque utilisant un pontage cardiopulmonaire à un moment donné. Ils réduisent probablement la durée de la ventilation postopératoire dans ce contexte, mais n'ont que peu ou pas d'effet sur la durée totale du séjour postopératoire en soins intensifs ou sur la durée totale du séjour hospitalier postopératoire. Il y avait des incohérences dans les événements indésirables signalés qui, par conséquent, ne pouvaient pas être mis en commun. Il est donc impossible de fournir des implications et les décideurs seront incapables de faire des recommandations pour la pratique sans disposer de données probantes concernant les effets indésirables. La revue a souligné la nécessité de mener des ECR bien conçus et optimisés pour les critères de jugement cliniques afin de confirmer ou de réfuter l'effet des corticostéroïdes par rapport au placebo chez les enfants ayant subi une chirurgie cardiaque avec un pontage cardiopulmonaire. Il est nécessaire de disposer d’un ensemble de critères de jugement de base pour le rapport des événements indésirables dans le cadre de la chirurgie pédiatrique majeure et des soins intensifs.
Les corticostéroïdes sont couramment administrés aux enfants qui bénéficient d’une chirurgie cardiaque avec pontage cardio-pulmonaire (PCP) pour tenter d'améliorer la réponse inflammatoire. Leur utilisation est encore controversée et la décision d'administrer l'intervention peut varier selon le centre et/ou selon les médecins de ce centre.
Cette revue vise à évaluer les avantages et les inconvénients des corticostéroïdes prophylactiques chez les enfants de 0 à 18 ans qui bénéficient d’une chirurgie cardiaque avec PCP.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase et Conference Proceedings Citation Index-Science en juin 2020. Nous avons également effectué des recherches dans quatre registres d'essais cliniques et effectué des recherches de citations en amont et en aval d'articles pertinents.
Nous avons inclus des études sur l'administration prophylactique de corticostéroïdes, y compris les doses uniques et multiples, et tous les types de corticostéroïdes administrés par n'importe quelle voie et à n'importe quel moment de la période périopératoire. Nous avons exclu les études lorsque les corticostéroïdes étaient administrés de manière thérapeutique. Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) individuels, avec deux groupes ou plus (par exemple, comparaison de plusieurs médicaments ou doses avec un groupe témoin), mais pas d'essais comparatif sans placebo ou avec un groupe qui n'a pas reçu de corticostéroïdes. Nous avons inclus des études sur des enfants, de la naissance à 18 ans, y compris les prématurés, bénéficiant d’une chirurgie cardiaque avec l'utilisation de PCP. Nous avons également exclu les études sur des patients bénéficiant d’une transplantation cardiaque ou pulmonaire, ou les deux ; les études sur des patients recevant déjà des corticostéroïdes ; sur des patients présentant des anomalies de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ; et sur des patients ayant reçu des corticostéroïdes au moment de la chirurgie cardiaque pour des indications autres que la chirurgie cardiaque.
Pour extraire et traiter les données de la revue, nous avons utilisé le logiciel de production de revues systématiques Covidence . Deux auteurs de la revue ont évalué de façon indépendante les études à inclure, extrait les données et évalué les risques de biais. Nous avons résolu les désaccords par consensus ou par consultation d'un troisième auteur de la revue. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes avec GRADE.
Nous avons trouvé 3748 études, dont 888 étaient des doublons. Deux études avaient le même numéro d'enregistrement d'essai clinique, mais faisaient état de populations et d'interventions différentes. Nous les avons donc inclus dans des études séparées. Nous avons examiné les titres et les résumés de 2 868 dossiers et examiné le texte intégral des rapports de 84 études afin de déterminer leur admissibilité. Nous avons extrait les données de 13 études. Les analyses regroupées sont basées sur huit études. Nous avons présenté les cinq autres études de manière narrative en raison de l'absence d'événements pour l'intervention et le placebo dans les critères de jugement d'intérêt. Par conséquent, la méta-analyse finale comprenait huit études avec une population combinée de 478 participants.
Le risque de biais entre les domaines était faible ou incertain. Il existait des données probantes d’un niveau de confiance modéré indiquant que les corticostéroïdes ne modifient pas le risque de mortalité hospitalière (cinq ECR ; 313 participants ; risque relatif (RR) de 0,83; intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,33 à 2,07) pour les enfants bénéficiant d’une chirurgie cardiaque avec un PCP. Il existait des données probantes d’un niveau de confiance élevé indiquant que les corticostéroïdes réduisent la durée de la ventilation mécanique (six ECR ; 421 participants ; différence moyenne (DM) inférieure de 11,37 heures, IC à 95 % de -20,29 à -2,45) après l'opération. Il existait des données probantes d’un niveau de confiance élevé indiquant que l’intervention modifiait pas ou peu la durée du séjour postopératoire en unité de soins intensifs (six ECR ; 421 participants ; DM de 0,28 jour de moins, IC à 95 % de 0,79 à 0,24) et des données probantes d’un niveau de confiance modéré indiquant que l’intervention n’avait probablement pas ou peu modifié la durée du séjour postopératoire à l'hôpital (un ECR ; 176 participants ; durée moyenne du séjour 22 jours ; DM -0,70 jour, IC à 95 % -2,62 à 1,22). Il existait des données probantes d’un niveau de confiance modéré indiquant l’absence d'effet de l'intervention sur la mortalité, toutes causes confondues, au suivi le plus long (cinq ECR ; 313 participants ; RR 0,83, IC à 95% 0,33 à 2,07) ou la mortalité cardiovasculaire au suivi le plus long (trois ECR ; 109 participants ; RR 0,40, IC à 95% 0,07 à 2,46). Il existait des données probantes d’un niveau de confiance faible indiquant que les corticostéroïdes modifient peu ou pas le nombre d’enfants retirés du PCP (un ECR ; 40 participants ; RR 0,20, IC à 95 % 0,01 à 3,92). Nous n'avons pas été en mesure de communiquer des informations concernant les effets indésirables de l'intervention en raison de l'hétérogénéité des critères de jugement communiqués.
Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes pour plusieurs raisons, notamment l'imprécision due à la petite taille des échantillons, une seule étude fournissant des données pour un résultat individuel, l'inclusion à la fois des bénéfices et des risques appréciables dans l'intervalle de confiance, et le biais de publication.
Post-édition effectuée par Anne-Karine Corréard et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr