Utilisation d'antibiotiques pour prévenir la péritonite bactérienne spontanée chez les personnes souffrant d'une maladie hépatique avancée

Quel était le but de cette revue Cochrane ?

Les personnes atteintes d'une maladie hépatique avancée (cirrhose du foie, ou fibrose hépatique tardive avec complications) sont à risque de développer une accumulation anormale de liquide dans le ventre, appelée ascite. Ce liquide peut être infecté par des bactéries, sans que l'on en connaisse la cause. C'est ce qu'on appelle la «péritonite bactérienne spontanée». Il est important de prévenir la péritonite bactérienne spontanée chez les personnes à haut risque de la développer, car elle est associée à un risque important de décès. Les antibiotiques sont souvent utilisés chez les personnes souffrant d'une maladie hépatique avancée et d'ascite pour aider à prévenir la péritonite bactérienne spontanée, mais on ne sait pas s'ils sont efficaces et, si oui, quel est l'antibiotique le plus efficace.

Notre objectif était de déterminer le meilleur traitement antibiotique disponible (s’il en existe un) pour la prévention de la péritonite bactérienne spontanée chez les personnes souffrant d'une maladie hépatique avancée. Nous avons recueilli et analysé toutes les études pertinentes et avons trouvé 29 essais cliniques randomisés (les participants sont répartis au hasard dans l'un des deux groupes de traitement). Lors de l'analyse des données, nous avons utilisé des techniques Cochrane standard, permettant de comparer directement seulement deux traitements à la fois. Nous avons également utilisé des techniques avancées, permettant de comparer indirectement plus de deux traitements simultanément (généralement appelées "méta-analyse en réseau" ou «network méta-analyses). L'objectif était de rassembler des données probantes fiables directes et indirectes .

Date de la recherche documentaire

Novembre 2018.

Messages clés

Seules deux petites études ont été menées sans défaut et, en raison de la très grande incertitude des résultats d'analyse obtenus, les auteurs n'ont pas pu dire si les antibiotiques étaient efficaces et, si oui, lequel utiliser. Sur 1564 participants, 10% des personnes atteintes de cirrhose et d'ascite ont développé une péritonite bactérienne spontanée, et sur 2169 participants, environ 15% sont morts dans les 12 mois.

La source de financement n'était pas rapportée dans 18 études. Les sociétés pharmaceutiques ont financé cinq études. La source de financement des six autres études n'a posé aucun problème.

Quel est l’objet de cette revue ?

Nous avons étudié des adultes souffrant d'une maladie hépatique avancée de causes diverses, et suivant un traitement préventif pour éviter de développer une péritonite bactérienne spontanée. Les participants ont reçu des antibiotiques différents ou pas d'antibiotiques du tout. Nous avons exclu les études portant sur des personnes ayant déjà subi une transplantation de foie et sur des personnes ayant reçu des antibiotiques pour le traitement d'une péritonite bactérienne spontanée ou pour toute autre raison. L'âge moyen des participants, lorsqu'il était rapporté, variait de 42 à 63 ans. Les types d'antibiotiques administrés étaient les quinolones, les rifamycines, les sulfonamides et les aminoglycosides. Les auteurs voulaient recueillir et analyser des données sur la mortalité, la qualité de vie, les effets secondaires graves et non graves, le délai avant transplantation hépatique, le délai avant développement d'une péritonite bactérienne spontanée, le délai avant développement d'autres complications de maladie hépatique avancée et la durée du séjour à l'hôpital.

Quels ont été les principaux résultats de la revue ?

Les 29 études ont inclus un petit nombre de participants (3896 participants). Les données des études étaient insuffisantes. Vingt-trois études menées auprès de 2587 participants ont fourni des données pour les analyses. Le suivi dans les essais variait entre 1 et 12 mois. Cette revue indique que :

- sur les 10 antibiotiques différents comparés dans les essais, la norfloxacine et la rifaximine étaient les plus couramment utilisés ;
- 15 personnes sur 100 sont mortes dans les 12 mois et 10 personnes sur 100 ont développé une péritonite bactérienne spontanée ;
- l'administration d'antibiotiques à titre préventif pourrait ne faire aucune différence dans le pourcentage de décès ou de personnes souffrant de complications graves ; cependant, des différences potentiellement importantes ne peuvent être exclues ;
- aucun des essais n'a rapporté la qualité de vie ou du développement symptomatique d'une péritonite bactérienne spontanée ;
- il y avait des données probantes indiquant que le pourcentage de personnes ayant développé une péritonite bactérienne spontanée, selon les critères de laboratoire, pourrait être réduit avec des sulfamides, par rapport à l'absence d'utilisation d'antibiotiques (il est difficile d'estimer le degré de réduction) ;
- il y avait des données probantes indiquant des différences dans d'autres critères de jugement, tels que des complications, la transplantation hépatique et d'autres signes d'insuffisance hépatique, mais ces différences n'étaient pas constantes. Par conséquent, les résultats ne sont pas fiables et nous ne pouvons pas tirer de conclusions sur l'efficacité des antibiotiques ;
- Des futurs essais mieux conçus sont nécessaires.

Qualité des données probantes

Nous ne pouvons tirer aucune conclusion de ces essais en raison insuffisance des données.

Conclusions des auteurs: 

Sur la base de données probantes de très faible certitude, il existe une grande incertitude quant à savoir si l'antibioprophylaxie est bénéfique et, si elle l'est, quelle est l'antibioprophylaxie la plus bénéfique chez les personnes atteintes de cirrhose et d'ascite à faible teneur en protéines ou ayant des antécédents de péritonite bactérienne spontanée.

Les futurs essais cliniques randomisés devraient être suffisamment puissants, utiliser des techniques de mise en aveugle, éviter les abandons post-randomisation (ou effectuer une analyse en intention de traiter) et utiliser des critères de jugement cliniquement importants, tels que la mortalité, la qualité de vie liée à la santé et les événements de décompensation.

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Contexte: 

Environ 2,5 % de toutes les hospitalisations de personnes atteintes de cirrhose hépatique sont dues à une péritonite bactérienne spontanée. La péritonite bactérienne spontanée est associée à une mortalité importante à court terme ; il est donc important de prévenir la péritonite bactérienne spontanée chez les personnes à haut risque de la développer. L’antibioprophylaxie constitue la principale méthode de prévention, mais elle doit être mise en balance avec le développement de péritonites bactériennes spontanées résistantes aux médicaments, qui sont difficiles à traiter, et autres effets indésirables. Plusieurs traitements antibiotiques prophylactiques différents sont disponibles ; cependant, il existe des incertitudes quant à leur efficacité relative et à leur combinaison optimale.

Objectifs: 

Comparer les effets bénéfiques et les effets néfastes des différents traitements antibiotiques prophylactiques pour la prévention de la péritonite bactérienne spontanée chez les personnes atteintes de cirrhose hépatique, à l'aide d'une méta-analyse en réseau, et établir un classement des différents traitements antibiotiques prophylactiques, en fonction de leur sécurité et de leur efficacité.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches sur CENTRAL, MEDLINE, Embase, Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS jusqu'en novembre 2018, afin d'identifier les essais cliniques randomisés chez les personnes atteintes de cirrhose à risque de développer une péritonite bactérienne spontanée.

Critères de sélection: 

Nous avons uniquement inclus des essais cliniques randomisés (indépendamment de la langue, de la mise en aveugle ou du statut), chez des adultes atteints de cirrhose et suivant un traitement prophylactique pour prévenir une péritonite bactérienne spontanée. Nous avons exclu les essais cliniques randomisés dans lesquels les participants avaient déjà subi une transplantation hépatique ou recevaient des antibiotiques pour le traitement d'une péritonite bactérienne spontanée ou à d'autres fins.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons effectué une méta-analyse en réseau avec OpenBUGS en utilisant des méthodes bayésiennes et avons calculé le rapport de cotes (en anglais : odds ratio, OR), le rapport de taux (rate ratio) et le rapport des risques instantanés (hazard ration, HR), avec des intervalles de crédibilité (CrI) à 95%, sur la base d'une analyse de cas disponible, selon les directives de l'unité d'aide à la décision du National Institute of Health and Care Excellence.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 29 essais cliniques randomisés (3896 participants ; neuf régimes antibiotiques (ciprofloxacine, néomycine, norfloxacine, norfloxacine plus néomycine, norfloxacine plus rifaximine, rifaximine, rufloxacine, sparfloxacine, sulfaméthoxazole plus triméthoprime), et « aucune intervention active ») dans la revue. Vingt-trois essais (2587 participants) ont été inclus dans un ou plusieurs critères de jugement de la revue. Les essais ayant fourni des informations comprenaient des personnes atteintes de cirrhose d’étiologies variées, avec ou sans autres signes de décompensation, ayant une ascite à faible teneur en protéines ou des antécédents de péritonite bactérienne spontanée. Le suivi dans les essais variait entre 1 et 12 mois. Un grand nombre de ces essais présentait un risque élevé de biais, et la certitude globale des données probantes était faible ou très faible. Dans l'ensemble, environ 10 % des participants aux essais ont développé une péritonite bactérienne spontanée et 15 % des participants aux essais sont morts.

Il n'y avait pas des données probantes indiquant des différences entre les antibiotiques et l’absence d’intervention en termes de mortalité (très faible certitude) ou de nombre d'effets indésirables graves (très faible certitude). Toutefois, en raison des larges intervalles de crédibilité, des différences cliniquement importantes dans ces critères de jugement ne peuvent être exclues. Aucun des essais n'a rapporté la qualité de vie liée à la santé ou de la proportion de personnes présentant des effets indésirables graves.

Il n'y avait pas de données probantes indiquant des différences entre les antibiotiques et l'absence d’intervention en termes de proportion de personnes ayant eu "quelque effet indésirable que ce soit" (très faible certitude), de transplantation hépatique (très faible certitude), ou de proportion de personnes ayant développé une péritonite bactérienne spontanée (très faible certitude). Le nombre d'effets indésirables "quels qu’ils soient" par participant était inférieur avec la norfloxacine (rapport de taux 0,74, CrI à 95% 0,59 à 0,94 ; 4 essais, 546 participants ; faible certitude) et avec le sulfaméthoxazole plus triméthoprime (rapport de taux 0,19, CrI à 95% 0,02 à 0,81 ; 1 essai, 60 participants ; faible certitude), par rapport à l'absence d'intervention active. Il n'y avait pas de données probantes indiquant des différences entre les autres antibiotiques et l’absence d’intervention dans le nombre d'événements indésirables "quels qu’ils soient" par participant (très faible certitude). Il y a eu moins d'autres cas de décompensation avec la rifaximine par rapport à l'absence d'intervention active (rapport de taux 0,61, CrI à 65 % 0,46 à 0,80 ; 3 essais, 575 participants ; faible certitude) et avec la norfloxacine plus néomycine (rapport de taux 0,06, CrI à 95 % 0,00 à 0,33 ; 1 essai, 22 participants ; faible certitude). Il n'y avait pas de données probantes indiquant des différences entre les autres antibiotiques et l’absence d’intervention dans le nombre d'événements de décompensation par participant (très faible certitude). Aucun des essais n'a rapporté la qualité de vie liée à la santé ou du développement d'une péritonite bactérienne spontanée symptomatique.

On pourrait s'attendre à une certaine corrélation entre les critères de jugement ci-dessus et les interventions démontrant une efficacité sur plusieurs critères. Cela n'a pas été le cas. Les raisons possibles de cette situation sont notamment l’insuffisance des données et le biais sélectif des rapports, qui rend les résultats peu fiables. On ne peut donc tirer aucune conclusion de ces différences incohérentes sur la base de données faibles.

Il n'y avait pas des données probantes indiquant des différences dans les analyses en sous-groupes (effectuées lorsque cela était possible) selon que la prophylaxie était primaire ou secondaire.

Financement : la source de financement de cinq essais était des organisations qui allaient bénéficier des résultats de l'étude ; six essais n'ont pas reçu de financement supplémentaire ou ont été financés par des organisations neutres ; et la source de financement des 18 essais restants n'était pas claire.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.