Principaux messages
Nous ne sommes pas certains que les différents moments de traitement (antibiotiques, nettoyage des plaies et choix d'effectuer toute l’intervention chirurgicale en une seule opération ou en plusieurs opérations) puissent affecter la manière dont les personnes se remettent des fractures ouvertes des os longs. Nous avons trouvé très peu d'études, et elles ne fournissaient pas des données probantes fiables.
Qu'est-ce qu'une fracture ouverte ?
Certaines fractures comportent des plaies cutanées ouvertes autour de la cassure. Ces fractures sont appelées fractures ouvertes et sont plus fréquentes dans les cas de blessures à impact élevé, comme les accidents de la route ou les chutes de hauteur. Dans cette revue, nous nous sommes intéressés au traitement des fractures ouvertes des os longs (de la cuisse, du tibia, de la jambe, du bras et des avant-bras). Ces fractures peuvent constituer des blessures très graves. En raison de la plaie ouverte, les sujets sont exposés à un risque sérieux d'infection. Une « infection profonde » qui touche l'os nécessite une intervention chirurgicale supplémentaire; elle pourrait menacer un membre et affecter la guérison à long terme.
Quels sont les traitements ?
- Les antibiotiques (pour combattre l'infection) pourraient être administrés tôt (dans l'heure qui suit la blessure) ou plus tard; ils pourraient être administrés pendant une courte période (jusqu'à la fermeture chirurgicale de la plaie) ou plus longue période de temps.
- Le débridement: retrait chirurgical des saletés, des corps étrangers ou des tissus morts et endommagés à l'intérieur de la plaie: cette opération pourrait être effectuée précocement (dans les 12 heures suivant la blessure) ou ultérieurement.
- Le traitement comprend également une intervention chirurgicale pour fixer l'os et fermer la plaie (il pourrait être nécessaire de greffer de la peau ou un muscle, ou les deux, d'une autre zone du corps pour couvrir la plaie). Toutes les étapes (débridement, fixation de l'os, fermeture de la plaie) pourraient être réalisées au cours d'une seule opération ou en plusieurs opérations. Si l’intervention chirurgicale est réalisée en plusieurs opérations, la plaie pourrait être fermée précocement (dans les 72 heures suivant la blessure) ou plus tard.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études qui comparaient un ou plusieurs de ces traitements pour les adultes présentant des fractures avec des plaies cutanées ouvertes. Nous voulions savoir les bénéfices et les risques de ces différents traitements. Si nous trouvions des études similaires, portant sur les mêmes traitements, nous combinions les résultats de ces études pour voir si nous pouvions déterminer si un traitement donnait de meilleurs résultats.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé trois études portant sur 613 adultes, qui avaient 617 fractures ouvertes. La plupart des fractures concernaient des hommes, et l'âge moyen était de 30 à 34 ans. Dans deux études, les fractures ouvertes se situaient dans le tibia (un endroit courant pour ce type de blessure car il n'y a pas beaucoup de peau et de muscle entre l'os et la surface de la peau). Dans l'autre étude, les blessures concernaient les bras et les jambes.
Une étude a comparé l'administration d'antibiotiques pendant 24 heures (traitement court) à l'administration d'antibiotiques pendant cinq jours (traitement long). On ne sait pas si ces durées de traitement ont eu un effet sur le nombre de personnes ayant développé des infections superficielles dans les 14 jours. Les infections superficielles se situent dans la peau autour de la plaie, mais ne sont pas assez profondes pour affecter l'os; elles pourraient survenir au début de la période de récupération et peuvent être traitées facilement avec des antibiotiques uniquement.
Deux études ont comparé la fermeture de la plaie immédiatement après la fixation de l'os avec un délai avant la fermeture de la plaie. Il n'est pas clair si le moment de la fermeture de la plaie a eu un effet sur le nombre de personnes qui ont développé des infections profondes, des infections superficielles ou un retard de consolidation osseuse (lorsque les parties cassées de l'os guérissent plus lentement que prévu) ou défauts de consolidation (lorsque l'os ne guérisse pas).
Aucune des études ne s'est intéressée à la capacité d'une personne à bouger son bras ou sa jambe blessé, ni à la qualité de vie liée à la santé des personnes six à 12 mois après le traitement.
Nous n'avons trouvé aucune étude comparant l’administration immédiate ou tardive des antibiotiques, le fait que le nettoyage de la plaie ait commencé dans les 12 heures suivant la blessure ou plus tard, ou le fait que les différentes étapes du traitement aient eu lieu en même temps ou séparément.
Sommes-nous confiants de ce que nous avons trouvé ?
Nous ne sommes pas très confiants de ces résultats car :
- nous ne disposions que des informations d'une petite étude sur la durée d'administration des antibiotiques, et de deux études sur le moment de la fermeture de la plaie;
- les études n'étaient pas bien rapportées, et l'une d'entre elles ne faisait l'objet que d'un bref résumé;
- toutes les conclusions comprenaient la possibilité d'un bénéfice (par exemple, moins d'infections avec un traitement antibiotique court) ainsi que la possibilité d'un risque (par exemple, plus d'infections avec un traitement antibiotique court).
Cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en février 2021.
Nous n'avons pas pu déterminer les risques et les bénéfices des différents protocoles de traitement des fractures ouvertes des os longs car les données probantes étaient très incertaines pour les deux comparaisons et nous n'avons pas trouvé des études portant sur les autres comparaisons possibles. Des essais randomisés bien conçus et d'une puissance suffisante sont nécessaires pour guider le traitement chirurgical et antibiotique des fractures ouvertes, en particulier en ce qui concerne le moment et la durée de l'administration des antibiotiques et le moment et l’étape de la chirurgie.
Les fractures ouvertes des os longs principaux sont des blessures complexes menaçant les membres et prédisposées à une infection profonde. Le traitement comprend des antibiotiques et une intervention chirurgicale pour débrider la plaie, stabiliser la fracture et reconstruire tout défaut des tissus mous pour permettre une réparation osseuse sans infection. Il est nécessaire d'évaluer l'effet du moment et de la durée de l'administration d'antibiotiques, ainsi que du moment et des étapes des interventions chirurgicales pour optimiser les critères de jugement.
Évaluer les effets (risques et bénéfices) du moment de l'administration des antibiotiques, du débridement de la plaie et des étapes des interventions chirurgicales dans la prise en charge des personnes souffrant de fractures ouvertes des os longs des membres supérieurs et inférieurs.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), Medline, Embase et les registres d'essais cliniques en février 2021. Nous avons également effectué des recherches dans les actes de conférences et les références bibliographiques des études incluses.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) ou des quasi-ECR qui ont recruté des adultes souffrant de fractures ouvertes des principaux os longs, en comparant : 1) le moment du traitement antibiotique prophylactique, 2) la durée du traitement antibiotique prophylactique, 3) le moment du débridement de la plaie après la blessure ou 4) le moment des étapes de la chirurgie reconstructive.
Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane. Notre objectif était de recueillir des données sur les critères de jugement suivants : fonction du membre, qualité de vie liée à la santé (QVLS), infection profonde du site chirurgical, retard ou défauts de consolidation, effets indésirables (à court et à long terme de la durée du guérison), et critères de jugement liés aux ressources.
Nous avons inclus trois ECR portant sur 613 participants randomisés avec 617 fractures ouvertes. Les études ont été menées dans des centres médicaux et de traumatologie aux États-Unis et au Kenya. Dans les cas signalés, la proportion d'hommes était plus élevée et l'âge moyen des participants se situait entre 30 et 34 ans. Les fractures se situaient dans les membres supérieurs et inférieurs dans une étude, et étaient des fractures du tibia dans deux études; lorsqu'elles étaient signalées, elles étaient le résultat de traumatismes à haute énergie tels que des accidents de la route. Aucune étude n'a comparé le moment du traitement antibiotique ou de débridement de la plaie.
Durée du traitement antibiotique prophylactique (1 étude, 77 participants disponibles pour l'analyse)
Une étude a comparé un traitement antibiotique de 24 heures à un traitement antibiotique de cinq jours. Nous sommes très incertains quant aux effets de différentes durées de traitement antibiotique sur les infections superficielles (risque relatif (RR) 1,19, IC à 95 % 0,49 à 2,87, en faveur d'un traitement de 5 jours; 1 étude, 77 participants); il s'agit de données probantes d’un niveau de confiance très faible dérivée d'une petite étude avec des risques de biais peu clairs et élevés, et avec une estimation imprécise de l'effet. Cette étude n’a pas rapporté les autres critères de jugement de la revue.
Chirurgie reconstructive: moment des étapes de la chirurgie (2 études, 458 participants disponibles pour l'analyse)
Deux études ont comparé le moment de la fermeture de la plaie, qui a été effectuée immédiatement ou retardée. Dans une étude, la durée moyenne du retard était de 5,9 jours; dans l'autre étude, la durée du retard n'était pas indiquée. Nous sommes très incertains quant aux effets des différents moments de la fermeture de la plaie sur les infections profondes (RR 0,82, IC à 95 % 0,37 à 1,80, en faveur d'une fermeture immédiate ; 2 études, 458 participants), retard ou défauts de consolidation (RR 1,13, IC à 95 % 0,83 à 1,55, en faveur d'une fermeture retardée; 1 étude, 387 participants), ou les infections superficielles (RR 6,45, IC à 95 % 0,35 à 120,43, en faveur d'une fermeture retardée; 1 étude, 71 participants); il s'agit de données probantes d’un niveau de confiance très faible. Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes en raison des risques de biais très importants, car les deux études présentaient des risques de biais pas clairs et élevés. Nous l’avons également abaissé en raison d'une grande imprécision, car les estimations de l'effet étaient imprécises, y compris la possibilité des bénéfices et des risques, et d'une très grande imprécision lorsque les données provenaient d'une seule petite étude. Ces études n'ont pas rapporté les autres critères de jugement de la revue.
Post-édition effectuée par Abdel Jalil Berro et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr