Problématique de la revue
Les médicaments tels que la morphine et le fentanyl (opioïdes) sauvent-ils des vies, réduisent-ils la douleur ou améliorent-ils le développement à long terme des nouveau-nés qui ont besoin de respirateurs (ventilateurs mécaniques) ?
Contexte
Les appareils respiratoires sont largement utilisés pour les nouveau-nés à terme (≥ 37 semaines d'âge gestationnel) et les prématurés (< 37 semaines d'âge gestationnel) présentant des problèmes respiratoires. Les respirateurs pourraient engendrer de la douleur aux bébés. En outre, leur utilisation nécessite la présence et l'aspiration d'un tube placé dans la trachée du bébé (qui relie le larynx aux bronches des poumons), ce qui entraîne une douleur et une détresse supplémentaires. Les nouveau-nés étant très sensibles à la douleur, ce qui pourrait avoir un effet défavorable sur leur développement, la réduction de la douleur par des médicaments (comprenant des opioïdes comme la morphine et le fentanyl) pourrait être très importante. La douleur chez les bébés est évaluée par les adultes à l'aide de différentes échelles, qui portent sur l'apparence et le comportement du bébé, ainsi que sur d'autres paramètres.
Caractéristiques des études
Nous avons recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à la problématique de la revue et avons trouvé 23 études portant sur 2023 bébés. Dans la plupart des études, les bébés étaient nés avant la date prévue de l’accouchement (avant 37 semaines d'âge gestationnel). Huit études ont comparé l'utilisation de la morphine à un placebo (une substance sans action thérapeutique) ou à l'absence d'intervention, et sept au fentanyl. Nous avons analysé les autres études séparément car les chercheurs ont comparé l'utilisation de ces deux médicaments avec d'autres opioïdes ou d'autres analgésiques.
Principaux résultats
Nous ne savons pas si les opioïdes ont un effet sur la douleur et les critères de jugement neurodéveloppementaux à 18 ou 24 mois ; l'utilisation de la morphine ou du fentanyl a probablement peu ou pas d'effet sur la réduction de la durée de la ventilation mécanique et de la mortalité néonatale. Des recherches supplémentaires sont nécessaires.
Niveau de confiance des données probantes
Le niveau de confiance des données probantes est très faible à modéré car, dans l'ensemble, seul un petit nombre d'études ont examiné cette intervention, peu de bébés ont été inclus dans ces études et certaines études auraient pu être mieux conçues.
Cette revue est-elle à jour ?
Nous avons recherché les études qui avaient été publiées jusqu'au 29 septembre 2020.
Nous ne sommes pas certains si les opioïdes ont un effet sur la douleur et sur le critère de jugement neurodéveloppemental à 18 ou 24 mois ; l'utilisation de la morphine ou du fentanyl a probablement peu ou pas d'effet sur la réduction de la durée de la ventilation mécanique et de la mortalité néonatale. Les données sur les autres comparaisons prévues dans cette revue (opioïdes par rapport aux analgésiques ; opioïdes par rapport à d’autres opioïdes) sont extrêmement limitées et ne permettent pas de tirer de conclusions. En l'absence de données probantes solides pour recommander une stratégie, les opioïdes doivent être utilisés de manière sélective - sur la base d'un jugement clinique et de l'évaluation des indicateurs de douleur - bien que la mesure de la douleur chez les nouveau-nés présente des limites.
La ventilation mécanique est une intervention potentiellement douloureuse et inconfortable qui est largement utilisée en soins intensifs néonatals. Les nouveau-nés présentent une sensibilité accrue à la douleur, ce qui pourrait avoir une incidence sur les critères de jugement cliniques et neurodéveloppementaux. L'utilisation de médicaments qui réduisent la douleur pourrait être importante pour améliorer la survie et les critères de jugement neurodéveloppementaux.
Déterminer les bénéfices et les risques des analgésiques opioïdes chez les nouveau-nés (à terme ou prématurés) recevant une ventilation mécanique comparativement au placebo ou à l'absence de médicament, à d'autres opioïdes ou à d'autres analgésiques ou sédatifs.
Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard du groupe Cochrane sur la néonatologie pour effectuer des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2020, Numéro 9), dans la Bibliothèque Cochrane ; MEDLINE via PubMed (1966 au 29 septembre 2020) ; Embase (1980 au 29 septembre 2020) ; et le Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés) (1982 au 29 septembre 2020). Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données d'essais cliniques, les actes de conférence, et les références bibliographiques d'articles sélectionnés pour des essais contrôlés randomisés ou quasi randomisés.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés et quasi randomisés comparant les opioïdes à un placebo ou à l'absence de médicament, à d'autres opioïdes ou à d'autres analgésiques ou sédatifs chez des nouveau-nés sous ventilation mécanique. Nous avons exclu les essais croisés. Nous avons inclus les nouveau-nés à terme (≥ 37 semaines d'âge gestationnel) et prématurés (< 37 semaines d'âge gestationnel) sous ventilation mécanique. Nous avons inclus toute durée de traitement médicamenteux et toute dose administrée en continu ou en bolus ; nous avons exclu les études qui donnaient des opioïdes à des nourrissons ventilés pour des interventions.
Pour chacun des essais inclus, nous avons extrait de manière indépendante les données (par exemple, le nombre de participants, le poids de naissance, l'âge gestationnel, les types d'opioïdes) en utilisant les critères du groupe Cochrane sur l’efficacité des pratiques et l’organisation des soins et évalué le risque de biais (par exemple, l'adéquation de la randomisation, la mise en aveugle, l'exhaustivité du suivi). Nous avons évalué les effets du traitement à l'aide d'un modèle à effet fixe avec le risque relatif (RR) pour les variables catégorielles et la différence moyenne (DM) pour les variables continues. Pour évaluer le niveau de confiance des données probantes, nous avons utilisé l'approche GRADE.
Nous avons inclus 23 études (recrutant 2023 nouveaux-nés) publiées entre 1992 et 2019. Quinze études (1 632 nouveaux-nés) ont comparé l'utilisation de la morphine ou du fentanyl à un placebo ou à l'absence d'intervention. Quatre études portaient à la fois sur des nouveaux-nés à terme et des prématurés, et une étude ne portait que sur des nouveaux-nés à terme ; toutes les autres études ne portaient que sur des nouveaux-nés prématurés, et cinq études ne portaient que sur des nouveaux-nés grands prématurés. Nous ne sommes pas certains si les opioïdes ont un effet sur l'échelle Premature Infant Pain Profile (PIPP) au cours des 12 premières heures après la perfusion (DM -5,74, intervalle de confiance (IC) à 95 % -6,88 à -4,59 ; 50 participants, 2 études) et entre 12 et 48 heures après la perfusion (DM -0.98, IC à 95 % -1,35 à -0,61 ; 963 participants, 3 études) en raison des limites de la conception des études, de l'hétérogénéité élevée (incohérence) et de l'imprécision des estimations (données probantes d’un niveau de confiance très faible - GRADE). L'utilisation de la morphine ou du fentanyl a probablement peu ou pas d'effet sur la réduction de la durée de la ventilation mécanique (DM 0,23 jour, IC à 95 % -0,38 à 0,83 ; 1259 participants, 7 études ; niveau de preuve données probantes d’un niveau de confiance modéré en raison d'un risque de biais pas clair dans la plupart des études) et de la mortalité néonatale (RR 1,12, IC à 95 % 0,80 à 1,55 ; 1189 participants, 5 études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré en raison de l'imprécision des estimations). Nous ne sommes pas certains que les opioïdes aient un effet sur les critère de jugement neurodéveloppementaux entre 18 et 24 mois (RR 2,00, IC à 95 % 0,39 à 10,29 ; 78 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible en raison de la grande imprécision des estimations et du caractère indirect). Peu de données étaient disponibles pour les autres comparaisons (c'est-à-dire deux études (54 nouveaux-nés) sur la morphine par rapport au midazolam, trois (222 nouveaux-nés) sur la morphine par rapport au fentanyl, et une sur la morphine par rapport à la diamorphine (88 nouveaux-nés), la morphine par rapport au rémifentanil (20 nouveaux-nés), le fentanyl par rapport au sufentanil (20 nouveaux-nés) et le fentanyl par rapport au rémifentanil (24 nourrissons)). Pour ces comparaisons, aucune méta-analyse n'a été réalisée car les critères de jugement ont été rapportés par une seule étude.
Post-édition effectuée par Racha Lazreg et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr