Misoprostol à faible dose administré par voie orale pour le déclenchement du travail

Nous avons examiné les données probantes provenant des essais contrôlés randomisés pour déterminer si le misoprostol à faible dose administré par voie orale est efficace pour déclencher le travail chez les femmes présentant un fœtus vivant au troisième trimestre de grossesse. Nous avons comparé le misoprostol à d'autres méthodes couramment utilisées pour déclencher le travail.

Quelle est la question ?

Le déclenchement artificiel du travail, ou induction, est fréquent pendant la grossesse. Les raisons incluent l'hypertension de la mère pendant la grossesse ou le dépassement du terme d’accouchement. Le misoprostol est un type de prostaglandine qui peut être pris à faible dose par voie orale pour déclencher le travail. Les prostaglandines sont des types d’hormones qui sont fabriqués par l'organisme pour diverses fonctions (y compris le déclenchement naturel du travail). Contrairement à d'autres prostaglandines comme la dinoprostone vaginale, le misoprostol n'a pas besoin d'être conservé au réfrigérateur. La prise d'un comprimé est pratique pour les mères et les comprimés à faible dose sont maintenant disponibles (25 µg).

Pourquoi est-ce important ?

Une bonne méthode de déclenchement permet d'obtenir un accouchement sûr pour la mère et l’enfant. Elle est efficace, entraîne un nombre relativement faible de césariennes, a peu d'effets secondaires et est très bien acceptée par les mères. Certaines méthodes de déclenchement du travail pourraient entraîner un plus grand nombre de césariennes car elles sont inefficaces pour déclencher le travail, d'autres méthodes pourraient entraîner un plus grand nombre de césariennes car elles provoquent trop de contractions (hyperstimulation utérine) qui entraînent une suspicion d’hypoxie fœtale (anomalies du rythme cardiaque fœtal).

Quelles données probantes avons-nous trouvées ?

Nous avons recherché des données probantes le 14 février 2021 et identifié 61 essais impliquant 20 026 femmes à inclure dans cette revue. Tous les essais n'étaient pas de qualité élevée.

Le fait de commencer immédiatement par le misoprostol oral pourrait avoir un effet similaire sur le taux de césarienne (4 essais, 594 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible) à celui de ne pas donner de traitement pendant 12 à 24 heures puis de commencer l'oxytocine, tandis que les effets du misoprostol sur l'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal ne sont pas clairs (3 essais, 495 femmes ; données probantes de très faible qualité). Toutes les femmes de ces essais avaient des membranes rompues.

Le misoprostol oral a été comparé au dinoprostone vaginal dans 13 essais (9676 femmes). L'utilisation du misoprostol a probablement diminué le risque de césarienne (données probantes d’un niveau de confiance modéré). Lorsque les études ont été divisées en fonction de leur dose initiale de misoprostol, il y avait de données probantes montrant que l'utilisation de 10 µg à 25 µg pourrait être efficace pour réduire le risque de césarienne (9 essais, 8652 femmes), tandis que la dose plus élevée de 50 µg pourrait ne pas réduire le risque (4 essais, 1024 femmes). Il pourrait y avoir très peu ou pas de différences entre le misoprostol et la dinoprostone en ce qui concerne les taux d'accouchements par voie basse dans les 24 heures (10 essais, 8983 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais les cas d'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal pourraient être moins nombreux avec le misoprostol oral (11 essais, 9084 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Le misoprostol oral a été comparé au misoprostol vaginal dans 33 essais (6110 femmes). L'utilisation de la voie orale pourrait avoir entraîné une diminution du nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures (16 essais, 3451 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible). L'utilisation par voie orale pourrait avoir provoqué moins d'hyperstimulation utérine avec des anomalies du rythme cardiaque fœtal (25 essais, 4857 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), surtout avec une dose de 10 µg à 25 µg. Il n'y a pas eu de différence claire dans le nombre de césariennes dans l'ensemble (32 essais, 5914 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais l'utilisation de la voie orale a probablement permis de réduire le nombre de césariennes pratiquées en raison de suspicion d’hypoxie fœtale (24 essais, 4775 femmes).

Lorsque le misoprostol oral a été comparé à l'oxytocine pour le déclenchement, l'utilisation du misoprostol a probablement entraîné moins de césariennes (6 essais, 737 femmes). Nous n'avons pas trouvé de différence claire en ce qui concerne l'accouchement par voie basse dans les 24 heures (3 essais, 466 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) ou l'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal (3 essais, 331 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Le misoprostol oral a été comparé à un cathéter à ballonnet inséré dans le col de l'utérus pour déclencher mécaniquement le travail. Le nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures pourrait avoir augmenté avec le misoprostol (4 essais, 1044 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le misoprostol a probablement réduit le risque de césarienne (6 essais, 2993 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) sans qu'il y ait de différence dans le risque d'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal (4 essais, 1044 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Différentes doses et différents moments d'administration du misoprostol oral ont été exploré dans trois petits essais. Le niveau de confiance des résultats de ces essais étant faible ou très faible, nous ne pouvons pas tirer de conclusions significatives de ces données.

Qu’est-ce que cela signifie ?

L'utilisation de misoprostol oral à faible dose (50 µg ou moins) pour déclencher le travail entraîne probablement moins de césariennes et donc plus d'accouchements par voie basse que la dinoprostone vaginale, l'oxytocine et une sonde de Foley transcervicale. Les taux d'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal étaient comparables avec ces méthodes. Le misoprostol pris par voie orale provoque moins d'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal que lorsqu'il est pris par voie vaginale.

D'autres essais sont nécessaires pour établir le régime de misoprostol le plus efficace pour le déclenchement du travail, mais pour l'instant, les résultats de cette revue soutiennent l'utilisation orale plutôt que vaginale, et suggèrent que commencer le misoprostol oral à une dose de 25 µg ou moins pourrait être sûr et efficace.

Conclusions des auteurs: 

Le misoprostol oral à faible dose est probablement associé à moins de césariennes (et donc à plus d'accouchements par voie basse) que le dinoprostone vaginal, et à des taux plus faibles d'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal. Toutefois, le délai d'accouchement pourrait être allongé, comme le montre la diminution du nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures.

Par rapport à la sonde de Foley transcervicale, le misoprostol oral à faible dose est associé à moins de césariennes, mais à des taux d'hyperstimulation utérine équivalents.

Le misoprostol à faible dose administré par voie orale plutôt que par voie basse est probablement associé à des taux similaires d'accouchement par voie basse, bien que les taux puissent être plus faibles dans les 24 premières heures. Cependant, il y a probablement moins d'hyperstimulation utérine avec des anomalies du rythme cardiaque fœtal, et moins de césariennes pratiquées en raison de la détresse fœtale.

Les meilleures données probantes disponibles suggèrent que le misoprostol oral à faible dose présente probablement de nombreux bénéfices par rapport aux autres méthodes de déclenchement du travail. Cette revue soutient l'utilisation du misoprostol oral à faible dose pour le déclenchement du travail, et démontre les risques plus faibles d'hyperstimulation utérine que lorsque le misoprostol est administré par voie basse. D'autres essais sont nécessaires pour établir le régime optimal de misoprostol oral, mais ces résultats suggèrent qu'une dose initiale de 25 µg pourrait offrir un bon équilibre entre efficacité et tolérance.

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Contexte: 

Le misoprostol administré par voie orale est une méthode de déclenchement du travail couramment utilisée. Notre revue Cochrane se limite aux études portant sur le misoprostol à faible dose (initialement ≤ 50 µg), car les doses plus élevées présentent des risques élevés d'hyperstimulation utérine.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et la tolérance du misoprostol oral à faible dose pour le déclenchement du travail chez les femmes ayant un fœtus vivant au troisième trimestre de la grossesse.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur la grossesse et l’accouchement, sur le site ClinicalTrials.gov, sur le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS (14 février 2021) et dans les références bibliographiques des études extraites.

Critères de sélection: 

Essais randomisés comparant le misoprostol oral à faible dose (dose initiale ≤ 50 µg) par rapport au placebo, à la dinoprostone vaginale, au misoprostol vaginal, à l'oxytocine ou aux méthodes mécaniques ; ou comparant les protocoles de misoprostol oral (une à deux heures par rapport à quatre à six heures ; 20 µg à 25 µg par rapport à 50 µg ; ou 20 µg par heure titrée par rapport à 25 µg par heure statique).

Recueil et analyse des données: 

À l'aide de Covidence, deux auteurs de la revue ont, de manière indépendante, examiné les études, extrait les données des essais et évalué la qualité de chaque étude. Nos critères de jugement principaux étaient l'accouchement par voie basse dans les 24 heures, la césarienne et l'hyperstimulation utérine avec anomalies du rythme cardiaque fœtal.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 61 essais impliquant 20 026 femmes. Les évaluations GRADE classaient les données probantes d’un niveau de confiance allant de modéré à très faible, avec des décisions d’abaissement fondées sur des imprécisions, des incohérences et des limites des études.

Le misoprostol oral par rapport au placebo/absence de traitement (quatre essais ; 594 femmes)

Il est possible que le misoprostol oral ne fasse que peu ou pas de différence dans le taux de césariennes (risque relatif (RR) 0,81, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,59 à 1,11 ; 4 essais ; 594 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), tandis que son effet sur l'hyperstimulation utérine avec modification du rythme cardiaque fœtal est incertain (RR 5,15, IC à 95 % 0,25 à 105,31 ; 3 essais ; 495 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les naissances par voie basse dans les 24 heures n'ont pas été rapportées. Dans tous les essais, l'oxytocine a pu être commencée après 12 à 24 heures et toutes les femmes avaient des membranes rompues avant le travail.

Le misoprostol oral par rapport au dinoprostone vaginal (13 essais ; 9676 femmes)

Le misoprostol oral entraîne probablement une diminution du nombre de césariennes (RR 0,84, IC à 95 % 0,78 à 0,90 ; 13 essais, 9676 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Une analyse en sous-groupe a indiqué qu'il pourrait y avoir une différence entre les groupes 10 µg à 25 µg (RR 0,80, IC à 95 % 0,74 à 0,87, 9 essais, 8 652 femmes) et 50 µg (RR 1,10, IC à 95 % 0,91 à 1,34, 4 essais, 1 024 femmes) concernant la césarienne. Le misoprostol oral pourrait diminuer le nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures (RR 0,93, IC à 95 % 0,87 à 1,00 ; 10 essais ; 8983 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et l'hyperstimulation avec modification du rythme cardiaque fœtal (RR 0,49, IC à 95 % 0,40 à 0,59 ; 11 essais ; 9084 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Le misoprostol oral par rapport au misoprostol vaginal (33 essais ; 6110 femmes)

L'utilisation orale pourrait entraîner une diminution du nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures (RR moyen de 0,81, IC à 95 % de 0,68 à 0,95 ; 16 essais, 3451 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et une diminution de l'hyperstimulation utérine avec modification du rythme cardiaque fœtal (RR de 0,69, IC à 95 % de 0,53 à 0.92, 25 essais, 4857 femmes, données probantes d’un niveau de confiance faible), avec une analyse en sous-groupe suggérant que 10 µg à 25 µg par voie orale (RR 0,28, IC à 95 % 0,14 à 0,57 ; 6 essais, 957 femmes) pourrait être supérieur à 50 µg par voie orale (RR 0,82, IC à 95 % 0,61 à 1,11 ; 19 essais ; 3900 femmes). Le misoprostol oral n'augmente probablement pas le nombre de césariennes dans l'ensemble (RR moyen de 1,00, IC à 95 % de 0,86 à 1,16 ; 32 essais ; 5914 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible) mais entraîne probablement moins de césariennes pour suspicion d’hypoxie fœtale (RR de 0,74, IC à 95 % de 0,55 à 0,99 ; 24 essais, 4775 femmes).

Le misoprostol oral par rapport à l’oxytocine intraveineuse (6 essais ; 737 femmes, 200 avec rupture des membranes)

Le misoprostol pourrait faire peu ou pas de différence en ce qui concerne les accouchements par voie basse dans les 24 heures (RR 1,12, IC à 95 % 0,95 à 1,33 ; 3 essais ; 466 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais il entraîne probablement moins de césariennes (RR 0,67, IC à 95 % 0,50 à 0,90 ; 6 essais ; 737 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). L'effet sur l'hyperstimulation utérine avec modification du rythme cardiaque fœtal est incertain (RR 0,66, IC à 95 % 0,19 à 2,26 ; 3 essais, 331 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Le misoprostol oral par rapport aux méthodes mécaniques (6 essais ; 2993 femmes)

Six essais ont comparé le misoprostol oral à la sonde de Foley transcervicale. Le misoprostol pourrait augmenter le nombre d'accouchements par voie basse dans les 24 heures (RR 1,32, IC à 95 % 0,98 à 1,79 ; 4 essais ; 1044 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et réduit probablement le risque de césarienne (RR 0,84, IC à 95 % 0,75 à 0,95 ; 6 essais ; 2993 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre l'hyperstimulation utérine et les anomalies du rythme cardiaque fœtal (RR 1,31, IC à 95 % 0,78 à 2,21 ; 4 essais ; 2828 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Le misoprostol oral une à deux heures par rapport à quatre à six heures (1 essai ; 64 femmes)

Les données probantes sur la titration horaire étaient très incertaines en raison du faible nombre de cas rapportés.

Misoprostol oral 20 µg ajusté sur les heures par rapport au 25 µg fixes toutes les deux heures (2 essais ; 296 femmes)

La différence de régime pourrait n'avoir que peu ou pas d'effet sur le taux d'accouchements par voie basse en 24 heures (RR 0,97, IC à 95 % 0,80 à 1,16 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes sont d'une niveau de confiance très faible pour tous les autres critères de jugement rapportés.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Anne Rousseau et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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