Principaux messages
- La chirurgie visant à évacuer l'excès de liquide du cerveau (dérivation du liquide céphalo-rachidien (LCR)) améliore probablement la vitesse de marche et le handicap à court terme (moins de six mois après l'intervention) chez les personnes atteintes d'hydrocéphalie à pression normale idiopathique (HPNi).
- La dérivation du LCR n'a pas causé de décès et les interventions chirurgicales répétées ont été rares, mais les effets indésirables ont été fréquents dans les études évaluées.
- Des données probantes supplémentaires sur l'effet de la dérivation du LCR sur la qualité de vie sont nécessaires.
Qu'est-ce que l'hydrocéphalie à pression normale idiopathique ?
L'hydrocéphalie à pression normale (HPN) est un état pathologique dans lequel les structures cérébrales normalement remplies de liquide (ventricules) s'agrandissent lentement avec le temps (hydrocéphalie), et les structures cérébrales environnantes se modifient lentement pour s'adapter à cette situation. Les structures cérébrales critiques finissent par être affectées, ce qui provoque des symptômes tels que des difficultés à marcher, à réfléchir et à contrôler la vessie. Il existe parfois une raison précise pour laquelle les ventricules grossissent, par exemple à la suite d'un traumatisme crânien où le sang peut « obstruer » les ventricules. Cependant, chez les adultes plus âgés (plus de 60 ans), la HPN se développe sans cause claire, connue sous le nom d'hydrocéphalie à pression normale « idiopathique » (HPNi).
Que voulions-nous découvrir ?
Depuis 1965, on a rapporté que des patients atteints d'HPNi allaient mieux après une opération consistant à insérer un tube dans le cerveau ou le canal rachidien pour déplacer le liquide céphalo-rachidien (LCR) vers une zone où la pression est plus faible, comme la cavité abdominale ou l'oreillette droite du cœur (dérivation du LCR). Cependant, la plupart des données probantes à l'appui de la dérivation du LCR sont de faible qualité, et les personnes ayant subi une dérivation du LCR n'ont pas été directement comparées à des groupes témoins n'ayant pas subi de dérivation du LCR. C'est pourquoi les médecins ont des avis divergents sur le bénéfice d'une dérivation du LCR dans le cas d'une HPNi. Nous avons voulu comparer les études existantes de haute qualité pour déterminer s'il existait des données probantes montrant que la dérivation du LCR améliorait la marche, le handicap, la fonction cognitive (réflexion), la fonction urinaire et la qualité de vie. Nous voulions également savoir si la dérivation du LCR était associée à des effets indésirables.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché et comparé toutes les études dans lesquelles des personnes atteintes d’HPN ont été assignées de manière aléatoire à une dérivation du LCR ou à un groupe témoin, qui avait soit une dérivation différée du LCR, soit une chirurgie de dérivation du LCR où la dérivation a été temporairement mise en mode « inactif ». Nous n'avons inclus que les personnes atteintes d’HPN qui avaient des problèmes de marche, de réflexion ou de fonction vésicale et dont l'hydrocéphalie n'avait pas de cause évidente (HPNi).
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons inclus quatre études dans la revue, mais nous n'avons pu utiliser que les données de trois d'entre elles dans l'analyse. Une étude de grande envergure a été réalisée au Japon, et trois études plus modestes ont été menées en Suède, au Royaume-Uni et dans le cadre d'une collaboration américano-canadienne-suédoise. Toutes les études n'ont inclus que des patients atteints d'HPNi (âge moyen de 75 ans) qui avaient des difficultés à marcher, avec ou sans problèmes de raisonnement et de contrôle de la vessie. Les personnes ont été observées pendant 6 à 12 mois. Les études incluses comprenaient un total de 140 participants (73 ayant subi une dérivation active/immédiate du LCR et 67 témoins).
Quelles sont les conclusions ?
La vitesse de marche s'améliore probablement avec la dérivation du LCR par rapport au témoin. La dérivation du LCR pourrait améliorer la marche dans une mesure incertaine. La dérivation du LCR entraîne probablement une amélioration importante au niveau du handicap du patient. Seuls 3,4 participants ont dû subir une dérivation du LCR pour que l'un d'entre eux soit fonctionnellement indépendant (capable d'effectuer les activités de la vie quotidienne). On ne sait pas si la chirurgie de dérivation du LCR a un effet sur la fonction cognitive ou des effets indésirables. Il n'y avait pas d'informations concernant l'impact de la dérivation du LCR sur la qualité de vie.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Notre niveau de confiance dans les résultats concernant la vitesse de marche et le handicap des patients est modérée. Notre niveau de confiance dans les autres résultats est faible à très faible. Les études incluses étaient de très petite taille, ce qui signifie que d'autres études sont nécessaires pour accroître notre niveau de confiance dans les données probantes. En raison du plan des études que nous avons évaluées, nous disposons de peu d'informations sur les effets indésirables de la dérivation du LCR par rapport à l'absence d'intervention chirurgicale. Parmi les participants ayant subi une opération de dérivation du LCR, 52 % ont eu un effet indésirable quelconque, mais la nécessité d'une nouvelle intervention chirurgicale après une dérivation a été peu fréquente (8,9 %), et aucun décès n'a été clairement lié à l’opération de dérivation du LCR. Les accidents vasculaires cérébraux ont été plus fréquents que prévu dans les 12 mois suivant l'opération de dérivation (8 %) ; des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ce résultat.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu’en février 2023.
Nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance modéré selon lesquelles la dérivation du liquide céphalo-rachidien (LCR) améliore probablement la vitesse de marche et le handicap dans l'hydrocéphalie à pression normale idiopathique (HPNi) à court terme. Les données probantes sont très incertaines en ce qui concerne la cognition et les événements indésirables. Il n'y avait pas de données d'ECR à plus long terme pour aucun des critères de jugement pré-spécifiés. D'autres études sont nécessaires pour améliorer le niveau de confiance de ces résultats. De plus, des informations supplémentaires sont nécessaires concernant l'origine ethnique des patients et l'effet de la dérivation du LCR sur la qualité de vie.
L'hydrocéphalie à pression normale (HPN) se produit lorsque les ventricules cérébraux se dilatent, provoquant une triade de troubles au niveau de la marche, cognitif et urinaire. Elle peut survenir à la suite d'une lésion cérébrale évidente telle qu'un traumatisme, mais peut aussi survenir sans cause claire (appelée idiopathique ou HPNi). Des études non randomisées ont montré le bénéfice d'une dérivation chirurgicale du liquide ventriculaire vers une zone de pression plus basse par le biais d'une dérivation du liquide céphalo-rachidien (LCR) dans le cas de l'HPNi, mais historiquement, les données d'essais contrôlés randomisés (ECR) ont été limitées pour confirmer cette hypothèse.
Déterminer l'effet de la dérivation du LCR par rapport à l'absence de dérivation du LCR chez les personnes atteintes d'HPNi et la fréquence des effets indésirables de la dérivation du LCR dans l'HPNi.
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane sur la démence et les autres troubles cognitifs, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE (Ovid SP), Embase (Ovid SP), PsycINFO (Ovid SP), CINAHL (EBSCOhost), Web of Science Core Collection (Clarivate), LILACS (BIREME), ClinicalTrials.gov et le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS au 15 février 2023.
Nous n'avons retenu que les ECR portant sur des personnes présentant des symptômes de troubles de la marche, cognitifs ou urinaires avec une hydrocéphalie communicante (indice d'Evans > 0,3) et une pression normale du LCR. Les groupes témoins comprenaient ceux qui n'avaient pas de dérivation de LCR ou ceux dont la dérivation de LCR était en mode « inactif ».
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standards de Cochrane. Quand cela était nécessaire, nous avons contacté les auteurs des études pour leur demander des données non fournies dans les articles. Nous avons évalué le niveau de confiance global des données probantes à l'aide de l’approche GRADE.
Nous avons inclus quatre ECR, dont trois étaient combinées dans une méta-analyse. Les quatre ECR ont inclus 140 participants (73 ayant subi une dérivation immédiate du LCR et 67 témoins ayant subi une dérivation différée du LCR), âgés en moyenne de 75 ans. Le risque de biais était faible pour tous les critères de jugement évalués en groupes parallèles, à l'exception de la vitesse de marche, de la fonction cognitive (cognition générale et Symbol Digit Test) (quelques inquiétudes) et des événements indésirables, qui n'ont pas été évalués en aveugle. La dérivation du LCR améliore probablement la vitesse de marche moins de six mois après l'opération (différence de moyennes standardisée (DMS) 0,62, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,24 à 0,99 ; 3 études, 116 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). La dérivation du LCR pourrait améliorer de manière incertaine la fonction qualitative de la marche moins de six mois après l'opération (1 étude, 88 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La dérivation du LCR entraîne probablement une forte réduction de l'incapacité moins de six mois après l'opération (risque relatif 2,08, IC à 95 % 1,31 à 3,31 ; 3 études, 118 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les données probantes sont très incertaines en ce qui concerne l'effet de la dérivation du LCR sur les fonctions cognitives moins de six mois après l'opération (DMS 0,35, IC à 95 % -0,04 à 0,74 ; 2 études, 104 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les données probantes sont également très incertaines en ce qui concerne l'effet de la dérivation du LCR sur les événements indésirables (1 étude, 88 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il n'y avait pas de données concernant l'effet de la dérivation du LCR sur la qualité de vie.
Post-édition effectuée par Julie Bui et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr