Principaux messages
- Les gouttes oculaires lubrifiantes, y compris le sérum physiologique, pourraient aider à réduire la gêne occasionnée par les lentilles de contact chez les adultes. Les gouttes ne semblent pas provoquer d'irritation ou de risques à la surface de l'œil.
- Traiter l'inconfort des lentilles de contact avec des gouttes lubrifiantes (y compris du sérum physiologique) est une option viable. Toutefois, d'autres études sont nécessaires pour mesurer leur effet et déterminer quelles gouttes fonctionnent le mieux avec différentes lentilles de contact et différents horaires de port.
Qu'est-ce que l’inconfort lié aux lentilles de contact ?
l’inconfort lié aux lentilles de contact désigne une irritation oculaire qui est soulagée lorsque le porteur retire ses lentilles de contact. Les porteurs de lentilles de contact pourraient constater une sécheresse, une perception de la lentille dans l'œil, une irritation, une vision floue ou une combinaison de ces symptômes.
Comment traiter l’inconfort lié aux lentilles de contact ?
La façon la plus courante de traiter l'inconfort des lentilles de contact est d'utiliser des gouttes lubrifiantes ou des gouttes salines en vente libre, mais les spécialistes des soins oculaires peuvent également changer la marque des lentilles de contact, le système d'entretien des lentilles de contact ou l'horaire de port des lentilles de contact.
Que voulions-nous découvrir ?
Nous voulions savoir si des gouttes lubrifiantes réduiraient l'inconfort des porteurs de lentilles de contact et si elles auraient des effets indésirables.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études comparant les gouttes lubrifiantes à l'absence de traitement, les gouttes lubrifiantes au sérum physiologique ou le sérum physiologique à l'absence de traitement chez des adultes porteurs de lentilles de contact. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué notre confiance dans les données probantes sur la base de facteurs tels que le plan d'étude et les méthodes.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé sept études, incluant 463 adultes, menées aux États-Unis, au Canada, en Italie et en France. Quatre études ont comparé les gouttes lubrifiantes à l'absence de traitement, deux ont comparé les gouttes lubrifiantes au sérum physiologique et une a comparé le sérum physiologique à l'absence de traitement.
Les gouttes lubrifiantes, y compris le sérum physiologique, pourraient contribuer à réduire l’inconfort lié aux lentilles de contact par rapport à l'absence de traitement, et les gouttes lubrifiantes comparées au sérum physiologique n’auraient pas d'effet différent sur l’inconfort lié aux lentilles de contact. Cependant, ces résultats sont très incertains. Les gouttes lubrifiantes n’auraient aucun effet sur les éraflures de la cornée (l'enveloppe transparente de l'œil) et les rougeurs de l'œil.
Il semble que les gouttes lubrifiantes n'aient pas d'effets indésirables susceptibles d'empêcher les porteurs de lentilles de contact de les utiliser.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Seules sept études ont été incluses dans la revue. Certaines études n'ont pas utilisé d'instrument valable pour mesurer l'inconfort lié aux lentilles de contact. Un instrument valide pourrait être un questionnaire qui a été testé et prouvé pour mesurer de manière fiable ce que ressent un patient, tel que le questionnaire sur la sécheresse oculaire due aux lentilles de contact (Contact Lens Dry Eye Questionnaire - CLDEQ-8). Les études ont porté sur un petit nombre de porteurs de lentilles de contact qui ont utilisé les gouttes pendant une courte période, et une seule étude a rapporté la race ou l'origine ethnique des participants. Par conséquent, les résultats pourraient ne pas s'appliquer à tous les adultes souffrant d'une gêne liée aux lentilles de contact. En général, cette revue a fourni des informations utiles aux patients et aux praticiens des soins oculaires, mais des recherches supplémentaires doivent être menées pour améliorer notre confiance dans les résultats.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en mai 2024.
Des données probantes d’un niveau de confiance très faible suggèrent que les gouttes lubrifiantes pourraient améliorer l'inconfort des lentilles de contact par rapport à l'absence de traitement, mais pourraient avoir peu ou pas d'effet sur l'inconfort des lentilles de contact par rapport à la solution saline. Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent également que les gouttes lubrifiantes pourraient ne pas avoir d'effets indésirables qui conduiraient à l'arrêt du traitement sur une période d'une à quatre semaines.
Les données probantes actuelles suggèrent que la prescription de gouttes lubrifiantes (y compris de sérum physiologique) aux personnes souffrant d'une gêne liée à leurs lentilles de contact est une option viable. Cependant, la plupart des études n'ont pas évalué le confort ou l’inconfort des lentilles de contact rapporté par les patients à l'aide d'un instrument validé. Par conséquent, d'autres essais bien conçus sont nécessaires pour produire des données probantes d’un niveau de confiance élevé sur les critères de jugement rapportés par les patients ainsi que sur les critères de jugement de tolérance à plus long terme.
L’inconfort lié aux lentilles de contact est un diagnostic clinique basé sur les symptômes qui touche 13 à 75 % des porteurs de lentilles de contact. La Tear Film and Ocular Surface Society définit l'inconfort lié aux lentilles de contact comme « un état caractérisé par des effets indésirables oculaires, épisodiques ou persistants, liés au port de lentilles, avec ou sans troubles visuels, résultant de la compatibilité réduite entre la lentille de contact et l’environnement visuel, ce qui peut mener à réduire le temps de port ou arrêter le port de lentilles de contact ». Les signes de l'affection comprennent l'hyperémie conjonctivale, la coloration de la cornée et de la conjonctive, l'altération du clignement des yeux, l'épithéliopathie en essuie-glace (lid wiper epitheliopathy) et le dysfonctionnement des glandes de Meibomius. Les ophtalmologistes traitent souvent l'inconfort des lentilles de contact avec des gouttes lubrifiantes, notamment du sérum physiologique, bien qu'il n'y ait pas de données probantes démontrant l'efficacité et la tolérance de ce traitement.
Évaluer l'efficacité et la tolérance des gouttes lubrifiantes pour l'inconfort oculaire associé au port de lentilles de contact chez l'adulte.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (qui contient le registre des essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie), MEDLINE, Embase.com, deux autres bases de données et deux registres d'essais jusqu'en mai 2024, sans restriction de date ou de langue.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) en groupes parallèles qui évaluaient les gouttes lubrifiantes, y compris le sérum physiologique, par rapport à l'absence de traitement, ou qui évaluaient les gouttes lubrifiantes par rapport au sérum physiologique, chez des adultes porteurs de lentilles de contact. Nous avons inclus les études sans tenir compte du statut de publication, de la langue ou de l'année de publication.
Nous avons utilisé la méthodologie standard de Cochrane. Le critère de jugement critique était la gêne occasionnée par les lentilles de contact. Les critères de jugement importants étaient la coloration de la cornée à la fluorescéine et la rougeur conjonctivale. Les critères de jugement défavorables étaient les kératites microbiennes incidentes, les infiltrats cornéens inflammatoires et l'abandon des participants. Nous avons évalué le risque de biais pour les critères de jugement figurant dans le tableau récapitulatif des résultats à l'aide de l'outil Cochrane d'évaluation du risque de biais RoB 2, et nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide du système GRADE.
Nous avons inclus sept ECR réalisés aux États-Unis, au Canada, en Italie et en France. Ils ont randomisé un total de 463 participants entre des gouttes lubrifiantes, une solution saline ou l'absence de traitement. Quatre essais ont évalué les gouttes lubrifiantes et le sérum physiologique par rapport à l'absence de traitement, mais l'un d'entre eux n'a pas fourni de données des critères de jugement exploitables. Trois essais ont évalué des gouttes lubrifiantes par rapport à une solution saline.
Caractéristiques des études
Tous les participants à l'essai étaient des adultes, et l'âge moyen était compris entre 25,7 ans et 36,7 ans. La proportion de femmes varie de 15 % à 82 %. Les essais ont duré entre une et quatre semaines. Sur les cinq essais portant sur la gêne occasionnée par les lentilles de contact, nous avons estimé que trois d'entre eux présentaient un risque de biais élevé et que les deux autres présentaient un certain risque de biais.
Gouttes lubrifiantes (y compris sérum physiologique) par rapport à l'absence de traitement
Les gouttes lubrifiantes, comparées à l'absence de traitement, pourraient réduire l'inconfort des lentilles de contact, mesuré sur une échelle de 37 points (plus le score est faible, plus le résultat est bon), mais les données probantes sont très incertaines (différence de moyennes [DM] -5,9 points, intervalle de confiance [IC] à 95 % -3,74 à -8,05 ; 2 essais contrôlés randomisés ; 119 participants). Un essai n'a révélé aucune différence entre les gouttes lubrifiantes et l'absence de traitement en ce qui concerne le confort « en fin de journée ». L'essai qui comparait le sérum physiologique à l'absence de traitement n'a fourni aucun résultat pour le groupe témoin.
Deux études ont mesuré la coloration de la fluorescéine de la cornée sur une échelle de 0 à 20 (plus le score est faible, plus le résultat est bon). Nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance faible indiquant qu'il y avait peu ou pas de différence entre les gouttes lubrifiantes et l'absence de traitement en ce qui concerne les changements dans l'étendue (DM -0,15 points, IC à 95 % -0,86 à 0,56 ; 2 ECR ; 119 participants), la profondeur (DM -0,01 points, IC à 95 % -0,44 à 0,42 ; 2 ECR ; 119 participants) ou le type (DM 0,04 points, IC à 95 % -0,38 à 0,46 ; 2 ECR ; 119 participants) des scores de coloration de la cornée à la fluorescéine. En ce qui concerne la rougeur conjonctivale, mesurée sur une échelle de 0 à 4 (plus le score est faible, plus le résultat est bon), il y avait des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant peu ou pas de différence entre les gouttes lubrifiantes et l'absence de traitement pour les scores de la région nasale (DM 0,10, IC à 95 % de -0,29 à 0,49 ; 1 ECR ; 73 participants) et de la région temporale (DM 0,00, IC à 95 % de -0,39 à 0,39 ; 1 ECR ; 73 participants).
Aucune étude n'a rapporté la kératite microbienne ou les infiltrats cornéens inflammatoires, et aucun essai n'a rapporté les événements indésirables menaçant la vision jusqu'à quatre semaines de traitement. Tous les essais ont indiqué la proportion de participants qui ont interrompu leur participation. Dans deux essais, aucun participant n'a quitté le groupe de traitement. Notre méta-analyse de deux autres études suggère qu'il y a peu de différence dans le nombre de personnes qui ont abandonné le traitement lubrifiant par rapport au groupe sans traitement (risque relatif [RR] 1,42, IC à 95 % 0,19 à 10,94 ; 138 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Gouttes lubrifiantes par rapport au sérum physiologique
Les gouttes lubrifiantes pourraient avoir peu ou pas d'effet par rapport à la solution saline sur l'inconfort des lentilles de contact mesuré sur une échelle visuelle analogique de 0 à 100 (plus le score est faible, plus le résultat est bon), mais les données probantes sont très incertaines (DM 9,5 points, IC à 95 % -4,65 à 23,65 ; 1 ECR ; 39 participants). Aucune étude n'a rapporté la coloration de la cornée à la fluorescéine ou la rougeur conjonctivale.
Aucune étude n'a rapporté la kératite microbienne ou les infiltrats cornéens inflammatoires, et aucun essai n'a rapporté les événements indésirables menaçant la vision jusqu'à quatre semaines de traitement. Notre méta-analyse de trois études suggère qu'il y a peu de différence dans le nombre de personnes qui ont abandonné dans le groupe traitement lubrifiant par rapport au groupe solution saline (RR 1,56, IC à 95 % 0,47 à 5,12 ; 269 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Post-édition effectuée par Elissar El Chami et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr