La sous-nutrition augmente-t-elle le risque de tuberculose ?

Principaux messages

  • La sous-nutrition multiplie par deux le risque de contracter la tuberculose.

  • Ces résultats s'appliquent à la population adulte générale ; le risque pour d'autres groupes, tels que les adolescents et les enfants, est incertain.

Qu'est-ce que la tuberculose ?

La tuberculose est une infection causée par une bactérie (Mycobacterium tuberculosis) . Elle affecte principalement les poumons mais peut également toucher d'autres parties du corps. La tuberculose se propage dans l'air lorsqu'une personne infectée tousse ou éternue. Certaines personnes ne développent aucun symptôme après l'infection, tandis que d'autres progressent dans la maladie et développent des symptômes tels qu'une toux persistante, qui pourrait être sanglante, une perte de poids, de la fièvre et des sueurs nocturnes. Après un diagnostic de tuberculose, on parle de tuberculose active .

Le diagnostic de la tuberculose active passe généralement par un test moléculaire ou une culture qui détecte la bactérie dans une sécrétion corporelle (comme les expectorations) après consultation d'un médecin.

La tuberculose est un problème de santé majeur à l'échelle mondiale ; plus de 10 millions de personnes la développent et plus de 1,5 million en meurent chaque année.

Qu'est-ce que la sous-nutrition ?

La sous-nutrition est un état dans lequel l'organisme ne reçoit pas suffisamment de nutriments essentiels, ce qui affecte la santé d'une personne. L'indice de masse corporelle (IMC) est une mesure qui tient compte à la fois du poids et de la taille. Il permet de déterminer si une personne est en sous-poids, ce qui est l'une des définitions de la sous-nutrition. Pour les enfants, nous utilisons le « poids par rapport à la taille » pour évaluer la croissance. Il compare le poids d'un enfant à celui correspondant à sa taille, ce qui permet de déterminer si l'enfant se porte bien ou s'il est confronté à des problèmes nutritionnels.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous voulions estimer le risque de contracter la tuberculose active chez les personnes souffrant de sous-nutrition par rapport à celles qui n'en souffraient pas.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons examiné des études portant sur des personnes souffrant ou non de sous-nutrition au fil du temps et avons comparé la fréquence à laquelle chaque groupe développait la tuberculose.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons inclus 51 études avec plus de 27 millions de participants des six régions de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Seize grandes études basées sur la population ont été menées en Chine, à Singapour, en Corée du Sud et aux États-Unis, et 25 études axées sur les personnes vivant avec le VIH ont été réalisées principalement dans la région africaine. La plupart des études portaient sur des adultes, quatre sur des enfants et trois sur des enfants et des adultes combinés. En moyenne, les études ont suivi les personnes pendant 3,5 ans.

Nous avons constaté que le fait d'être sous-alimenté doublait le risque de tomber malade de la tuberculose par rapport à ceux qui ne l'étaient pas.

Quelles sont les limites des données probantes ?

De nombreuses études présentaient certaines limites. L'un des problèmes est que nombre d'entre elles utilisent la microscopie sur des expectorations pour diagnostiquer la tuberculose chez les personnes présentant des symptômes, ce qui a pu faire passer certains diagnostics inaperçus. Des méthodes plus précises, telles que la culture ou les tests de diagnostic rapide, existent actuellement et permettraient de passer moins souvent à côté de la tuberculose.

Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?

Ces données probantes sont à jour au 3 mai 2023.

Conclusions des auteurs: 

La sous-nutrition multiplie probablement par deux le risque de tuberculose à court terme (< 10 ans) et pourrait également augmenter le risque à long terme (> 10 ans). Les politiques visant à réduire le fardeau de la sous-nutrition sont non seulement nécessaires pour atténuer les souffrances humaines dues à la sous-nutrition et à ses nombreuses conséquences néfastes, mais elles constituent également une partie importante des mesures essentielles pour mettre fin à l'épidémie de tuberculose d'ici 2030. De grandes cohortes basées sur la population, y compris celles issues de registres nationaux de haute qualité sur les expositions (sous-nutrition) et les critères de jugement (tuberculose active), sont nécessaires pour fournir des estimations à niveau de confiance élevé de ce risque dans différents contextes et populations, y compris dans les pays à revenu faible et intermédiaire de différentes régions de l'OMS. En outre, des études incluant des enfants et des adolescents et des méthodes de pointe pour le diagnostic de la tuberculose fourniraient des informations plus récentes utiles à la pratique et à la politique.

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Contexte: 

La tuberculose (TB) est l'une des principales causes de mortalité due à une maladie infectieuse. On estime à 1,6 million le nombre de décès dus à la TB en 2022. Environ 25 % de la population d'étude mondiale est infectée par la tuberculose, ce qui donnera lieu à 10,6 millions d'épisodes de tuberculose active en 2022. La sous-nutrition est un facteur de risque clé pour la tuberculose et a été liée à environ 2,2 millions d'épisodes de tuberculose en 2022, comme le souligne le rapport mondial sur la tuberculose de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Objectifs: 

Déterminer la valeur pronostique de la sous-nutrition dans la population générale d'adultes, d'adolescents et d'enfants pour prédire la tuberculose active sur une période donnée.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données bibliographiques MEDLINE (via PubMed) et le Global Index Medicus de l’OMS, ainsi que dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques de l'OMS (ICTRP), le 3 mai 2023 (date de la dernière recherche pour toutes les bases de données). Nous n'avons imposé aucune restriction sur la langue de publication.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des études de cohortes rétrospectives et prospectives, indépendamment du statut de publication ou de la langue. La population d'étude était composée d'adultes, d'adolescents et d'enfants provenant de divers milieux, englobant des cohortes de patients ambulatoires et hospitalisés, présentant des comorbidités et des risques d'exposition à la tuberculose variables.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé la méthodologie standard de Cochrane et l'outil QUIPS (Quality In Prognosis Studies) pour évaluer le risque de biais des études. Les facteurs pronostiques comprenaient la sous-nutrition, définie comme l'émaciation, le retard de croissance et l'insuffisance pondérale, avec des mesures spécifiques telles que l'indice de masse corporelle (IMC) inférieur à deux écarts-type sous la médiane pour les enfants et les adolescents et des scores d'IMC faibles (< 18,5) pour les adultes et les adolescents. Le pronostic a été établi à l'inscription/à l'inclusion. Le critère de jugement principal était l'incidence de la tuberculose active. Le critère de jugement secondaire était la récidive de la tuberculose active. Nous avons réalisé une méta-analyse à effets aléatoires pour les rapports des risques instantanés (hazard ratio, HR), les rapports de risques relatifs (RR) ou les rapports des cotes (RC) ajustés, en utilisant l'estimation du maximum de vraisemblance restreint. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide de l'approche GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 51 études de cohortes avec plus de 27 millions de participants des six régions de l'OMS. Seize grandes études basées sur la population ont été menées en Chine, à Singapour, en Corée du Sud et aux États-Unis, et 25 études axées sur les personnes vivant avec le VIH ont été réalisées principalement dans la région africaine. La plupart des études portaient sur des adultes, quatre sur des enfants et trois sur des enfants et des adultes. La sous-nutrition en tant qu'exposition était généralement définie selon des critères standards ; cependant, le diagnostic de la tuberculose ne comprenait pas de culture de confirmation ou de diagnostic moléculaire à l'aide d'un test de diagnostic rapide approuvé par l'OMS dans huit études. La durée médiane du suivi était de 3,5 ans et les études ont principalement rapporté un rapport des risques instantanés ajusté à partir d'un modèle multivariable de risques proportionnels de Cox.

Rapports des risques instantanés (HR)

Les estimations du HR représentent le niveau de confiance le plus élevé des données probantes, explorées au moyen d'analyses de sensibilité et en excluant les études présentant un risque de biais élevé. Nous présentons les intervalles de confiance (IC) à 95 % et les intervalles de prédiction, qui présentent l'hétérogénéité entre les études représentée par une mesure de la variabilité des tailles de l'effet (c'est-à-dire l'intervalle dans lequel la taille de l'effet d'une nouvelle étude se situerait en considérant la même population d'études incluses dans la méta-analyse).

La sous-nutrition pourrait augmenter le risque de tuberculose active (HR 2,23, IC à 95 % 1,83 à 2,72 ; intervalle de prédiction 0,98 à 5,05 ; 23 études ; 2 883 266 participants). Le niveau de confiance des données probantes est faible en raison d'un risque de biais modéré entre les études et d'un manque de cohérence.

Lorsqu'ils sont stratifiés en fonction de la durée du suivi, les résultats sont plus cohérents pour un suivi de moins de 10 ans (HR 2,02, IC à 95 % 1,74 à 2,34 ; intervalle de prédiction 1,20 à 3,39 ; 22 études ; 2 869 077 participants). Il en résulte un niveau de confiance des données probantes modéré en raison d'un risque de biais modéré entre les études.

Cependant, à 10 ans ou plus de suivi, nous avons trouvé une seule étude avec un IC plus large et un HR plus élevé (HR 12,43, IC à 95 % 5,74 à 26,91 ; 14 189 participants). Le niveau de confiance des données probantes est faible en raison du risque de biais modéré et du caractère indirect.

Rapport des cotes (RC)

La sous-nutrition pourrait augmenter les risques de tuberculose active, mais les résultats sont incertains (RC 1,56, IC à 95 % 1,13 à 2,17 ; intervalle de prédiction 0,61 à 3,99 ; 8 études ; 173 497 participants). La stratification par suivi n'a pas été possible car toutes les études avaient un suivi de moins de 10 ans. Le niveau de confiance des données probantes est très faible en raison du risque de biais élevé et de l'incohérence. Les graphiques en entonnoir améliorés n'ont pas été rapportés en raison du peu d'études incluses.

Risque relatif (RR)

La sous-nutrition pourrait augmenter le risque de tuberculose active (RR 1,95, IC à 95 % 1,72 à 2,20 ; intervalle de prédiction 1,49 à 2,55 ; 4 études ; 1 475 867 participants). La stratification par suivi n'a pas été possible car toutes les études avaient un suivi de moins de 10 ans. Le niveau de confiance des données probantes est faible en raison du risque de biais élevé. Les graphiques en entonnoir améliorés n'ont pas été rapportés en raison du peu d'études incluses.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Inès Belalem et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.