Les bébés prématurés sont extrêmement vulnérables et ont souvent besoin de soins intensifs pour survivre. L'anémie est un état dans lequel le sang ne contient pas assez d'hémoglobine, la composante des globules rouges qui transporte l'oxygène à travers le corps. Ces bébés deviennent très vite anémiques en raison des prises de sang, et comme ils ne sont pas capables de fabriquer rapidement des globules rouges le niveau d'hémoglobine dans le sang tombe rapidement dans les semaines suivant la naissance. Généralement, l'anémie est traitée par la transfusion sanguine et beaucoup de ces bébés reçoivent de multiples transfusions de sang. La décision de pratiquer une transfusion dépend généralement du taux d'hémoglobine sanguin mesuré.
Les médecins qui s'occupent de bébés prématurés sont incertains quant au niveau d'hémoglobine devant motiver une transfusion. Étant donné qu'une transfusion consiste à introduire dans la circulation sanguine des cellules sanguines d'une autre personne, il y a un risque d'infection et un risque de réaction aux composants du sang étranger ; le processus nécessite une surveillance et une supervision attentives afin d'en assurer la sécurité. Certaines personnes trouvent la transfusion sanguine choquante ou contraire à leurs valeurs religieuses. Effectuer peu ou pas de transfusions réduit les risques liés à la transfusion, mais peut conduire à des niveaux bas d'hémoglobine et par conséquent à une diminution de l'approvisionnement en oxygène de l'organisme pouvant avoir des effets sur la survie, la croissance ou le développement.
Cette revue de cinq études compare les effets de la transfusion sanguine à des niveaux bas d'hémoglobine à la transfusion à des niveaux élevés. Pour les niveaux testés, il n'y avait aucune différence en termes de survie, de complications graves de la prématurité ou de développement à long terme tels que mesurés entre 18 et 21 mois après la date initialement prévue pour la naissance du bébé. Permettre à l'enfant de s'anémier un peu plus n'a pas eu d'incidence sur la prise de poids du bébé ou sur son mode de respiration. Ces conclusions ne sont pas très solides car trop peu de bébés ont été étudiés. Notre recommandation générale est de ne pas dépasser les niveaux d'hémoglobine les plus élevés utilisés dans ces essais, afin de réduire les risques de sur-transfusion, mais ne pas permettre au taux d'hémoglobine de tomber en dessous des limites inférieures testées dans ces études jusqu'à ce que des études supplémentaires soient réalisées.
L'utilisation de seuils d'hémoglobine restrictifs plutôt que libéraux chez les nouveau-nés à très faible poids de naissance a pour résultat de modestes réductions des taux d'hémoglobine et de l'exposition à la transfusion. La pratique restrictive ne semble pas avoir d'impact significatif sur les décès ou les morbidités graves au moment du premier congé de l'hôpital ou du suivi. Toutefois, étant donné les incertitudes entourant ces conclusions, il serait prudent d'éviter des niveaux d'hémoglobine inférieurs à la plus basse limite testée ici. D'autres essais sont nécessaires pour clarifier l'impact de la pratique transfusionnelle sur les critères de résultat à long terme.
Les bébés de très faible poids de naissance reçoivent souvent de multiples transfusions de globules rouges, généralement en corrélation avec des seuils prédéterminés d'hémoglobine ou d'hématocrite. En l'absence de meilleurs indices, les taux d'hémoglobine sont des guides imparfaits mais nécessaires pour déterminer les besoins de transfusion. L'anémie chronique du prématuré peut, si elle est sévère, provoquer l'apnée, un mauvais développement neurologique ou une faible prise de poids. D'autre part, la transfusion de globules rouges peut entraîner la transmission d'infections, une surcharge circulatoire ou une surcharge en fer, ainsi que le dysfonctionnement de l'acheminement d'oxygène.
Déterminer si la transfusion érythrocytaire administrée de manière à maintenir un seuil bas plutôt qu'un seuil élevé d'hémoglobine réduit la mortalité ou la morbidité chez les bébés de très faible poids de naissance enrôlés dans les trois jours suivant la naissance.
Deux auteurs ont indépendamment effectué une recherche dans le registre Cochrane des essais contrôlés CENTRAL, (The Cochrane Library) , MEDLINE, EMBASE, et dans les actes de conférence jusqu'à juin 2010.
Nous avons sélectionné des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant les effets de différents schémas de transfusion érythrocytaire effectués dans les trois jours suivant la naissance, sur la mortalité et la morbidité grave de bébés à faible poids de naissance : transfusion précoce versus tardive ou restrictive versus libérale.
Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les essais.
Quatre essais, portant sur un total de 614 nouveau-nés, ont comparé les seuils d'hémoglobine bas (restrictifs) et élevés (libéraux). Les seuils restrictifs tendaient à être similaires, mais un essai a utilisé des seuils libéraux beaucoup plus élevés que les trois autres. Aucune différence statistiquement significative n'a été observée dans les résultats combinés de mortalité et de morbidité grave au premier congé de l'hôpital (risque relatif typique (RR) 1,19 ; intervalle de confiance (IC) à 95% 0,95 à 1,49) ni pour les critères de détail. Seul le plus grand essai a rendu compte d'un suivi à l'âge gestationnel corrigé de 18 à 21 mois ; dans cette étude il n'y avait aucune différence statistiquement significative pour ce qui concerne une combinaison des décès et des cas de mauvais développement neurologique (RR 1,0 ; IC 95% 0,95 à 1,19). Un autre essai comparant la transfusion motivée par des signes cliniques d'anémie à la transfusion conditionnée à un niveau préétabli d'hémoglobine ou d'hématocrite, n'a fait état d'aucun décès mais n'a pas abordé la question de l'invalidité.