L'agitation chez les enfants après une anesthésie au sévoflurane

Question de la revue

Nous avons examiné les données concernant la fréquence de l'agitation au réveil chez les enfants après une anesthésie générale au sévoflurane par rapport aux autres anesthésiques généraux. Nous avons également examiné les preuves des effets d'autres traitements (par exemple d'un médicament donné au cours de l'anesthésie, de la présence d'un parent quand l'enfant se réveille) sur la fréquence de l'agitation au réveil des enfants après une anesthésie au sévoflurane.

Contexte

Le sévoflurane est un gaz anesthésique couramment utilisé en pédiatrie car il peut être aspiré par masque et endort très rapidement les enfants. Il est administré en continu pendant l'opération afin de garder l'enfant endormi, et arrêté quand il est temps de le réveiller. Il est très fréquent que les enfants, en particulier les plus jeunes, se réveillent dans un état d'anxiété, d'agitation, de délire ou de convulsions après avoir reçu une anesthésie au sévoflurane. Cet état est appelé « agitation au réveil ». Il peut se produire même en l'absence de douleur et s'atténue habituellement dans les 30 minutes suivant le réveil. Les enfants agités au sortir de l'anesthésie peuvent se blesser, heurter leur plaie chirurgicale et arracher leurs perfusions ou leurs drains. L'agitation au réveil peut être difficile à vivre pour les parents et les soignants. Nous avons voulu savoir si le taux d'agitation au réveil était abaissé lorsque d'autres anesthésiques étaient utilisés. Nous voulions aussi savoir si des traitements peuvent être donnés pour réduire le taux d'agitation après une anesthésie par le sévoflurane.

Caractéristiques des études

Les preuves sont à jour à la date de janvier 2013. Nous avons trouvé un total de 158 études incluant 14 045 enfants. Au total, 69 études ont comparé le sévoflurane avec un autre anesthésique et 100 études ont examiné des traitements destinés à réduire le taux d'agitation au réveil après une anesthésie au sévoflurane. La plupart de ces traitements étaient des médicaments, qui ont été comparés à un traitement fictif (placebo) ou à l'absence de médicament. Nous avons réitéré la recherche en avril 2014 et aborderons les études d'intérêt identifiées lorsque nous actualiserons la revue.

Principaux résultats

Le propofol, l'halothane, les alpha-2 agonistes (dexmédétomidine, clonidine), les opiacés (par ex. le fentanyl) et la kétamine réduisent le taux d'agitation au réveil, tandis que nous n'avons pas trouvé de preuve claire d'un effet pour les gaz anesthésiques desflurane et isoflurane, la prémédication avec le midazolam et la présence des parents lorsque l'enfant se réveille de l'anesthésie.

Qualité des preuves

Dans l'ensemble, les preuves sont de qualité modérée à élevée. Il serait utile que les chercheurs combinent les interventions efficaces pour voir si le risque d'agitation au réveil peut être encore réduit.

Conclusions des auteurs: 

Le propofol, l'halothane, les alpha-2 agonistes (dexmédétomidine, clonidine), les opiacés (par ex. le fentanyl) et la kétamine réduisent le risque d'agitation au réveil par rapport à l'anesthésie au sévoflurane, alors qu'aucune preuve claire ne démontre un effet du desflurane, de l'isoflurane, de la prémédication au midazolam ou de la présence des parents au réveil. Par conséquent, les anesthésistes peuvent envisager plusieurs stratégies efficaces pour réduire le risque d'agitation au réveil dans leur pratique clinique. Les études futures devront assurer une analgésie suffisante dans le groupe témoin, dans lequel la douleur peut être un facteur contributif ou de confusion dans le diagnostic de l'agitation au réveil. Quelle que soit l'échelle d'agitation au réveil utilisée, il serait utile que les auteurs des études rapportent le risque d'agitation, afin de pouvoir inclure celui-ci dans les futures méta-analyses. Les chercheurs devraient aussi envisager de combiner les interventions efficaces dans le cadre d'une approche multi-modale visant à réduire encore le risque d'agitation au réveil.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

Le sévoflurane est un anesthésique volatil pour inhalation qui est largement utilisé en anesthésie pédiatrique. Depuis son introduction, il s'est avéré que le réveil après une anesthésie au sévoflurane pouvait s'accompagner de troubles du comportement post-opératoires connus sous le nom d'agitation au réveil ou délire d'émergence. Aux fins de cette revue systématique, nous utilisons le terme d'agitation au réveil pour décrire cette entité clinique. Un enfant agité au réveil peut se blesser ou déranger son pansement, le site opéré ou les dispositifs à demeure, de sorte que les parents peuvent être mécontents de l'anesthésie de leur enfant. Afin d'éviter de tels incidents, il peut être nécessaire de restreindre les mouvements de l'enfant par des moyens pharmacologiques ou physiques. Le sévoflurane joue peut-être un rôle majeur dans l'apparition de l'agitation au réveil. Il importe donc, en se basant sur les preuves, de comprendre le rapport bénéfice/risque du sévoflurane par rapport à d'autres anesthésiques généraux et d'identifier les compléments qui pourraient faciliter son utilisation rationnelle et optimale.

Objectifs: 

Comparer le sévoflurane avec d'autres agents d'anesthésie générale, avec ou sans compléments pharmacologiques ou non pharmacologiques, en termes de risque d'agitation au réveil post-anesthésie chez les enfants. Le critère d'évaluation principal était le risque d'agitation au réveil ; le critère d'évaluation secondaire était le score d'agitation.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes, de leur date de création au 19 janvier 2013 : CENTRAL, Ovid MEDLINE, Ovid Embase, Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés (CINAHL) (EBSCOhost), Revues de médecine basée sur la preuve (EBMR) et Web of Science, ainsi que dans les listes de références d'autres articles pertinents et dans les registres d'essais en ligne.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ou quasi randomisés) portant sur des enfants âgés de moins de 18 ans subissant une anesthésie générale avec ou sans intervention chirurgicale. Nous avons inclus toutes les études dans lesquelles le sévoflurane était comparé à un autre anesthésique général, quel qu'il soit, et toutes les études dans laquelle les chercheurs ont étudié des compléments (pharmacologiques ou non pharmacologiques) à l'anesthésie au sévoflurane par rapport à l'absence de complément ou à un placebo.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont consulté indépendamment les bases de données, décidé de l'inclusion des publications, évalué la qualité des études et extrait les données. Ils ont résolu les désaccords entre leurs résultats par la discussion. Les données ont été saisies dans RevMan 5.2 pour analyse et présentation. Les comparaisons du risque d'agitation au réveil ont été présentées sous forme de risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Le sévoflurane est traité comme l'anesthésie de contrôle dans cette revue. Des analyses de sensibilité ont été effectuées, le cas échéant, afin d'exclure les études ayant un risque élevé de biais et d'étudier l'hétérogénéité.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 158 études portant sur 14 045 enfants. Les interventions visant à prévenir l'agitation au réveil se divisent en deux grands groupes : d'une part, des comparaisons d'autres anesthésiques généraux avec le sévoflurane (69 études), et d'autre part, des comparaisons d'un complément à l'anesthésie au sévoflurane avec le sévoflurane sans complément (100 études). Le risque de biais des études incluses était globalement faible. L'évaluation selon la méthode GRADE (Groupe de travail de recommandation, d'évaluation et de développement) de la qualité des preuves a donné une notation de modérée à élevée. Les échelles d'agitation au réveil étaient très variables, de même que les niveaux de distinction déterminant la présence ou l'absence d'agitation. Certaines études portaient sur des enfants ayant reçu une analgésie potentiellement inadéquate ou pas d'analgésie en cours d'intervention pour des procédures douloureuses.

Les anesthésies à l'halothane (RR 0,51, IC à 95 % de 0,41 à 0,63, 3 534 participants, preuves de qualité élevée) et au propofol ont été associées à un risque plus faible d'agitation au réveil que le sévoflurane. Le propofol était efficace lorsqu'il était utilisé pendant toute la durée de l'anesthésie (RR 0,35, IC à 95 % de 0,25 à 0,51, 1 098 participants, preuves de qualité élevée) ou uniquement pendant la phase d'entretien de l'anesthésie, après induction au sévoflurane (RR 0,59, IC à 95 % de 0,46 à 0,76, 738 participants, preuves de qualité élevée). Aucune preuve claire n'a été trouvée d'un effet sur le risque d'agitation au réveil avec le desflurane (RR 1,46, IC à 95 % de 0,92 à 2,31, 408 participants, preuves de qualité modérée) ou l'isoflurane (RR 0,76, IC à 95 % de 0,46 à 1,23, 379 participants, preuves de qualité modérée) par rapport au sévoflurane.

Par rapport à l'absence de complément, les compléments efficaces pour réduire le risque d'agitation au réveil après une anesthésie au sévoflurane incluent la dexmédétomidine (RR 0,37, IC à 95 % de 0,29 à 0,47, 851 participants, preuves de qualité élevée), la clonidine (RR 0,45, IC à 95 % de 0,31 à 0,66, 739 participants, preuves de qualité élevée), les opiacés, en particulier le fentanyl (RR 0,37, IC à 95 % de 0,27 à 0,50, 1 247 participants, preuves de qualité élevée) et un bolus de propofol (RR 0,58, IC à 95 % de 0,38 à 0,89, 394 participants, preuves de qualité modérée), de kétamine (RR 0,30, IC à 95 % de 0,13 à 0,69, 231 participants, preuves de qualité modérée) ou de midazolam (RR 0,57, IC à 95 % de 0,41 à 0,81, 116 participants, preuves de qualité modérée) à la fin de l'anesthésie. La prémédication orale avec le midazolam (RR 0,81, IC à 95 % de 0,59 à 1,12, 370 participants, preuves de qualité modérée) et la présence des parents au réveil (RR 0,91, IC à 95 % de 0,51 à 1,60, 180 participants, preuves de qualité modérée) ne réduisent pas le risque d'agitation au réveil.

Moins de 10 % des études incluses comportaient un ou plusieurs facteurs désignés comme étant à risque élevé de biais. Les analyses de sensibilité de ces études n'ont montré aucune modification cliniquement significative du risque d'agitation au réveil. L'hétérogénéité était significative dans les comparaisons suivantes : halothane, clonidine, fentanyl, prémédication au midazolam, bolus final de propofol à 1 mg/kg, bolus de kétamine à 0,25 mg/kg en fin d'anesthésie. En ce qui concerne l'hétérogénéité, les seuls changements cliniquement pertinents pour nos résultats sont ressortis dans le contexte de la douleur potentielle, à savoir, d'adénoïdectomie ou adéno-amygdalectomie (bolus de propofol, prémédication au midazolam), et en l'absence de bloc locorégional (clonidine).

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Cochrane France

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.