Il existe peu de preuves corroborant l'usage d'antidépresseurs pour traiter les personnes qui présentent une dépendance aux opiacés et sont atteintes d'une dépression clinique. La dépression est plus courante chez les personnes ayant une consommation abusive de substances et une dépendance à ces substances que dans la population générale. La dépression subie est également associée à un risque accru de suicide réussi. La dépression peut être un trouble indépendant, un stress psychosocial associé à un comportement de dépendance ou être une conséquence de la consommation de drogues et des effets du sevrage de drogues. Un programme d'entretien avec des agonistes des opiacés (méthadone, buprénorphine, LAAM) est un traitement efficace pour les personnes qui sont dépendantes des opiacés en termes de maintien dans le traitement et de réduction de la consommation d'opiacés. La dépression reste toutefois fréquente et a un impact négatif sur les critères d'évaluation du traitement. Un traitement aux médicaments antidépresseurs a donc été proposé. Ces traitements médicamenteux d'appoint comprennent des antidépresseurs tricycliques (la doxépine, la désipramine, l'imipramine) et des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (les ISRS fluoxétine, sertraline).
Les auteurs ont inclus sept études contrôlées randomisées qui portaient sur 482 participants dans notre revue. Les études ont été réalisées lors de consultations externes pendant quatre à 16 semaines ; six ont été réalisées aux Etats-Unis et une a été réalisée en Australie. L'âge moyen des participants était de 34 ans et 62 % d'entre eux étaient des hommes. Aucune différence nette du nombre d'abandon d'un programme d'entretien aux agonistes des opiacés n'a été observée entre les personnes recevant des antidépresseurs et celles des groupes sous placebo. Il n'a pas non plus été constaté de différence concernant la consommation de drogue (deux études). La gravité de la dépression a été réduite avec l'usage d'antidépresseurs (deux études), notamment d'antidépresseurs tricycliques. Les événements indésirables ont été importants, car un plus grand nombre de participants ayant reçu des antidépresseurs sont sortis des études pour des raisons médicales comparé aux participants sous placebo (quatre études).
En raison des différences entre les études en termes de caractéristiques cliniques (caractéristiques des participants, médicaments utilisés, services et traitements administrés) et méthodologiques (plan d'étude et qualité), il a été difficile de tirer des conclusions fiables concernant l'efficacité et la sécurité des antidépresseurs pour le traitement de la dépression chez les personnes qui ont une dépendance aux opiacés.
Il existe actuellement peu de preuves corroborant l'usage clinique d'antidépresseurs pour le traitement des personnes déprimées, intoxiquées aux opiacés, sous traitement aux agonistes des opiacés. Il est nécessaire de réaliser des études randomisées à plus grande échelle, examinant des critères de jugement pertinents, des questions de sécurité et fournissant des données permettant une comparaison des résultats.
La prévalence de la dépression au cours de la vie chez les sujets ayant une dépendance aux opiacés est supérieure à celle dans la population générale (44-54 % versus 16 %) et représente un facteur de risque pour la morbidité et la mortalité. Pour les patients sous traitement aux agonistes des opiacés, les taux de prévalence actuels de la dépression varient entre 10 et 30 % et ont une influence négative sur le résultat du traitement.
Évaluer l'efficacité et l'acceptabilité des antidépresseurs pour le traitement des personnes déprimées ayant une dépendance aux opiacés, traitées avec des agonistes des opiacés.
Nous avons effectué une recherche dans Pubmed, EMBASE, CINAHL (jusqu'en octobre 2009), CENTRAL (le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les drogues et l'alcool de Cochrane Library, numéro 4, 2009), les principales sources électroniques d'essais en cours, des bases de données d'essais spécifiques et les listes bibliographiques de tous les articles pertinents.
Les essais cliniques contrôlés et randomisés examinant l'efficacité de médicaments antidépresseurs pour traiter les personnes déprimées dépendantes aux opiacés traitées avec des agonistes des opiacés.
Deux auteurs ont indépendamment passé au crible et extrait les données des études.
Sept études, 482 participants, ont répondu aux critères d'inclusion.
- Les comparaisons d'un antidépresseur à un placebo n'ont donné aucun résultat statistiquement significatif pour les sorties d'étude. En sélectionnant les études ayant un faible risque de biais, 325 participants, les résultats sont en faveur du placebo, RR 1,40 (IC à 95 % 1,00 à 1,96). Concernant la gravité de la dépression, les résultats de deux études, portant sur 183 participants, favorisent les antidépresseurs avec une utilisation de l'échelle d'impression clinique globale RR 1,92 (IC à 95 % 1,26 à 2,94), tandis qu'une autre étude, 95 participants, utilisant l'échelle d'évaluation de la dépression de Hamilton, n'a trouvé aucune différence statistiquement significative RR 0,96 (IC à 95 % 0,54 à 1,71). Pour les événements indésirables, les résultats sont en faveur du placebo, quatre études, 311 participants, RR 2,90 (IC à 95 % 1,23 à 6,86). Pour la consommation de drogues, trois études, 211 participants, il n'a pas été possible de combiner les données, car les mesures des résultats n'étaient pas comparables. Si on considère les études particulières, aucune différence statistiquement significative n'a été observée.
- Les comparaisons de différentes classes d'antidépresseurs donnent des résultats en faveur des tricycliques pour la gravité de la dépression, deux études, 183 participants, RR 1,92 (IC à 95 % 1,26 à 2,94) et en faveur du placebo pour les événements indésirables, deux études, 172 participants, RR 3,1 (IC à 95 % 1,06 à 9,12).