Question de la revue
La ventilation en pression positive continue au cours de la période postopératoire contribue-t-elle à réduire les décès et complications pulmonaires majeures après une intervention de chirurgie abdominale lourde ?
Contexte
L'anesthésie générale peut entraîner une réduction du volume pulmonaire et un collapsus des alvéoles ainsi qu'un affaissement réversible par plages des poumons (atélectasie), aboutissant à une insuffisance de l'oxygénation. Ces problèmes sont majorés après une intervention chirurgicale dans la partie haute de l'abdomen, en cas de facteurs prédisposants tels que l'obésité et les maladies pulmonaires chroniques et chez les fumeurs. La ventilation en pression positive continue (CPAP) est un mode de traitement qui utilise une source de gaz sous haute pression pour amener une pression constante dans les voies respiratoires tout au long de l'inspiration et de l'expiration lorsque le patient respire spontanément. Une quantité appropriée d'oxygène est ajoutée à ce flux. La CPAP est administrée au moyen de différents types de masques placés sur le nez ou la bouche. Le but de cette technique est d'améliorer l'oxygénation des patients, tout en empêchant les complications postopératoires communes chez les personnes vulnérables, en particulier les fumeurs et les obèses.
Cette revue a été menée afin de déterminer s'il y avait une différence dans la mortalité et les complications thoraciques majeures à la suite d'opérations abdominales lourdes entre les patients traités par CPAP et ceux ayant reçu des soins standard (oxygène par masque et physiothérapie).
Caractéristiques des études
Nous avons effectué des recherches dans la littérature jusqu'au 15 septembre 2013. Nous avons inclus tous les adultes ayant subi une opération majeure de chirurgie abdominale élective. Nous avons inclus seulement les études dans lesquelles l'intervention avait été mise en place après l'opération.
Nous avons utilisé les méthodes standard du Groupe de revue Cochrane en anesthésiologie pour la collecte et l'analyse des données. Les 10 essais sélectionnés incluaient un total de 709 participants. Nous avons constaté des différences considérables entre les études en termes de populations étudiées, de durée du traitement et de soins de soutien.
Principaux résultats
Deux essais contrôlés (413 participants) font état de décès ; aucune preuve claire n'a fait apparaître une différence entre les groupes de CPAP et de contrôle. Six essais (249 participants) ont rapporté les atélectasies, qui étaient réduites dans le groupe CPAP. Les pneumonies ont été rapportées dans cinq essais (563 participants), et leur taux était réduit dans le groupe CPAP. La nécessité de poursuivre l'assistance respiratoire sous ventilation artificielle (réintubation) était rapportée dans deux études, dont les résultats sont en faveur de la CPAP. Aucune preuve claire n'a fait apparaître une différence entre les groupes CPAP et contrôle pour les taux d'admission en soins intensifs, et les réductions sévères de l'oxygénation n'ont pas été rapportées.
Peu d'études ont rapporté la durée du séjour à l'hôpital et les dommages causés par la CPAP.
Qualité des preuves
Une variabilité importante a été observée dans les caractéristiques des essais (hétérogénéité), et le risque de biais était élevé dans 6 des 10 études. Les études incluses étaient de petite taille et certaines remontaient à au moins 20 ans : actuellement, on utilise plus souvent le scanner (TDM) que la radiographie pulmonaire et l'examen clinique seul pour le diagnostic. Le résumé des conclusions (GRADE) suggère que la solidité des preuves à l'appui de l'utilisation de la CPAP est « très faible ». Cela signifie que les recommandations basées sur les preuves actuellement fournies par les essais contrôlés randomisés étudiant l'utilisation de la CPAP pendant la période postopératoire ne sont pas définitives.
Des preuves très faible qualité issues de notre revue suggèrent que la ventilation en pression positive continue (CPAP) mise en place en postopératoire pourrait réduire les atélectasies postopératoires, les pneumonies et les réintubations, mais que ses effets sur la mortalité, l'hypoxie ou le recours à la ventilation invasive sont incertains. Les preuves ne sont pas suffisamment fortes pour confirmer les avantages ou les inconvénients de la CPAP pendant la période postopératoire chez les patients ayant subi une opération de chirurgie abdominale lourde. La plupart des études incluses ne rapportait pas les effets indésirables imputables à la CPAP.
De nouvelles recherches de bonne qualité sont nécessaires pour évaluer l'utilisation de la CPAP dans la prévention de la mortalité et de la morbidité après chirurgie abdominale majeure. Avec l'augmentation de la disponibilité de la CPAP pour les patients de chirurgie et son potentiel d'améliorer les résultats (en l'associant éventuellement à des stratégies de protection pulmonaire par la ventilation peropératoire), il est important de répondre aux questions restées en suspens quant à son efficacité et à sa sécurité. Toute étude future devra rendre compte des effets indésirables de la CPAP.
La chirurgie abdominale lourde peut être associée à un certain nombre de complications graves qui peuvent freiner la guérison du patient. En particulier, les complications pulmonaires postopératoires, notamment respiratoires (atélectasie et pneumonie), contribuent fortement à la morbidité postopératoire et même à une mortalité accrue. La ventilation en pression positive continue (CPAP) est un mode de traitement qui utilise une source de gaz sous haute pression pour amener une pression positive constante dans les voies respiratoires tout au long de l'inspiration et de l'expiration. Le but est d'éviter certaines complications pulmonaires et de réduire ainsi la mortalité.
Déterminer s'il est possible de trouver une différence dans le taux de mortalité et d'événements indésirables après une opération de chirurgie abdominale majeure entre les patients traités par CPAP postopératoire et ceux recevant les soins standard (systèmes d'administration d'oxygène traditionnels, physiothérapie et spirométrie incitative).
Nous avons effectué une recherche dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) 2013, Numéro 9, Ovid MEDLINE (de 1966 au 15 septembre 2013), EMBASE (de 1988 au 15 septembre 2013), Web of Science (jusqu'à septembre 2013) et l'Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés (CINAHL) (jusqu'à septembre 2013).
Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) dans lesquels la CPAP était comparée à des soins standard pour la prévention de la mortalité postopératoire et des événements indésirables après une opération de chirurgie abdominale lourde. Nous avons inclus tous les adultes (selon la définition des études en question) des deux sexes. L'intervention de CPAP avait été réalisée au cours de la période postopératoire. Nous avons exclu les études dans lesquelles les participants avaient reçu une ventilation en PEEP pendant la chirurgie.
Deux auteurs de la revue ont sélectionné indépendamment les études répondant aux critères de sélection parmi toutes celles identifiées par la stratégie de recherche. Deux auteurs ont extrait les données et évalué le risque de biais séparément à l'aide d'un outil d'extraction des données. La saisie des données dans RevMan a été réalisée par un auteur de la revue et sa précision vérifiée par un autre. Nous avons effectué une méta-analyse limitée et construit un tableau de résumé des résultats.
Nous avons sélectionné 10 études à inclure sur les 5 236 études identifiées par la recherche. Ces 10 études incluaient un total de 709 participants. Le risque de biais des études incluses a été jugé élevé pour six études et incertain pour quatre autres.
Deux ECR rapportaient la mortalité toutes causes confondues. Parmi 413 participants, il y avait pas de preuve claire d'une différence de mortalité entre les groupes de CPAP et de contrôle, et nous avons noté une hétérogénéité considérable entre les essais (risque relatif (RR) 1,28, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,35 à 4,66 ; I2 = 75 %).
Six études rapportaient les atélectasies démontrables dans la population de l'étude. Une réduction des atélectasies a été observée dans le groupe CPAP, mais l'hétérogénéité entre les études était importante (RR 0,62, IC à 95 % de 0,45 à 0,86 ; I2 = 61 %). Les pneumonies étaient rapportées dans cinq études comprenant 563 participants ; la CPAP a réduit le taux de pneumonies, sans hétérogénéité importante (RR 0,43, IC à 95 % de 0,21 à 0,84 ; I2 = 0 %). Le nombre de participants identifiés comme étant en hypoxie sévère était rapporté dans deux études, sans différence claire entre les groupes CPAP et contrôle, sachant que les résultats étaient imprécis et qu'il existait une forte hétérogénéité entre les essais (RR 0,48, IC à 95 % de 0,22 à 1,02 ; I2 = 67 %). Un taux réduit de réintubation a été rapporté dans le groupe CPAP par rapport au groupe de contrôle dans deux études, sans hétérogénéité importante (RR 0,14, IC à 95 % de 0,03 à 0,58 ; I2 = 0 %). L'admission en soins intensifs pour ventilation invasive et soins de soutien était réduite dans le groupe CPAP, mais ce résultat n'atteignait pas la signification statistique (RR 0,45, IC à 95 % de 0,18 à 1,14 ; I2 = 0 %).
Les critères d'évaluation secondaires, tels que la durée du séjour à l'hôpital et les effets indésirables, n'ont été que très peu rapportés.
Nous avons élaboré un tableau de résumé des conclusions en utilisant la méthode GRADE (degrés de recommandation, d'évaluation, de développement et de l'évaluation). La qualité des preuves a été jugée très faible.
Traduction réalisée par Cochrane France