Contexte : Les enfants nés avec des malformations cardiaques doivent souvent subir une chirurgie cardiaque à un jeune âge. Après l'intervention chirurgicale, ils courent le risque de baisse de la fonction cardiaque et de décès. La milrinone est un médicament qui peut être utilisé dans cette situation pour rendre le cœur plus fort et faciliter le pompage de sang dans le corps.
Problématique de la revue : Nous voulions examiner si l'utilisation préventive de la milrinone prévenait les baisses de la fonction cardiaque ou les décès chez les bébés et les enfants de la naissance jusqu'à 12 ans ayant subi une chirurgie cardiaque. Nous avions prévu d'étudier le nombre d'enfants décédés dans les 30 premiers jours après la chirurgie ainsi que le nombre de jours de survie après la chirurgie dans une période de suivi de trois mois. Nous avons cherché par voie électronique dans un certain nombre de bases de données de la littérature médicale, qui collectent des informations sur les études planifiées, en cours et achevés, des essais portant sur ce médicament publiés avant septembre 2014. Nous avons pris en compte les essais dans lesquels des enfants avaient reçu de la milrinone et un autre groupe d'enfants un autre médicament à la place après une chirurgie cardiaque. Les données ont été recueillies indépendamment par deux auteurs de la revue qui devaient utiliser une feuille de travail préparée à l'avance.
Caractéristiques des études : Nous avons trouvé cinq études, et avons demandé aux auteurs plus d'informations. Trois études comparaient la milrinone par rapport au lévosimendan, une étude par rapport au placebo, et la dernière par rapport à la dobutamine. Les patients ont reçu les médicaments à l'étude pendant 24 à 48 heures et ont ensuite été suivis pendant six à 78 jours. Un total de 393 participants ont été inclus.
Qualité des preuves : Ainsi, les données proviennent d'un nombre limité de petits essais et doivent donc être considérées avec prudence. En outre, il n'était pas toujours clair dans ces études que les groupes de patients étaient formés et traités d'une façon qui les rendait tout à fait comparables, que les patients étaient restés dans l'essai pour une évaluation complète, ou que tous les résultats de l'étude étaient signalés consciencieusement.
Principaux résultats : Dans une étude comparant deux doses de milrinone au placebo, la milrinone était plus efficace que le placebo pour prévenir les baisses de la fonction cardiaque dans les 36 heures après la chirurgie, mais il n'y avait pas suffisamment d'informations sur la fonction cardiaque à long terme au-delà des premiers jours postopératoires. Il n'a pas été démontré que la milrinone était plus efficace que le placebo ou qu'un autre médicament dans la prévention des décès, ni si l'administration de milrinone permettait de raccourcir le séjour à l'unité de soins intensif, la durée d'hospitalisation ou le temps passé sous ventilation mécanique. De même, lors de l'examen des effets secondaires de la milrinone dans les études, nous n'avons pas pu prouver que la milrinone entraînait plus de troubles du rythme cardiaque que la dobutamine ou un placebo, ni son impact sur le rythme cardiaque comparativement au lévosimendan. Nous n'avons pas pu générer d'autres informations utiles à partir de la comparaison des essais concernant d'autres effets néfastes précédemment attribués à la milrinone, tels qu'un rythme cardiaque élevé, une pression artérielle basse, des saignements dans le liquide ventriculaire du cerveau, un faible niveau de potassium dans le sang, un rétrécissement des voies respiratoires, de faibles nombres de plaquettes dans le sang, des anomalies aux tests de la fonction hépatique, ou de faibles mesures de la fonction cardiaque par échographie. Cela est en partie dû aux différentes conceptions d'essais.
Les éléments de preuve sont insuffisants sur l'efficacité de la milrinone prophylactique dans la prévention des décès ou du syndrome de bas débit cardiaque (LCOS) chez des enfants opérés pour une maladie cardiaque congénitale, par rapport au placebo. Jusqu'à présent, aucune différence n'a été démontrée entre la milrinone et d'autres inodilatateurs, comme le lévosimendan ou la dobutamine, dans la réduction du risque de LCOS ou de décès dans la période postopératoire immédiate. Les données existantes sur l'utilisation prophylactique de la milrinone doivent être considérées avec prudence en raison du nombre réduit de petits essais et du risque de biais dans ceux-ci.
Les enfants atteints de cardiopathie congénitale sont souvent soumis à une chirurgie cardiaque à un jeune âge. Ils sont à risque de syndrome de bas débit cardiaque (LCOS, pour « low cardiac output syndrome ») post-opératoire ou de décès. La milrinone peut être utilisée pour fournir un soutien inotrope et vasodilatateur au cours de la période postopératoire immédiate.
Cette revue systématique examine l'efficacité de l'utilisation prophylactique postopératoire de la milrinone dans la prévention du LCOS ou des décès chez les enfants ayant subi une intervention chirurgicale pour une cardiopathie congénitale.
Des recherches électroniques et manuelles ont été effectuées dans la littérature pour identifier des essais contrôlés randomisés. Nous avons interrogé CENTRAL, MEDLINE, EMBASE et Web of Science en février 2014 et mené une recherche complémentaire en septembre 2014, et avons consulté des registres d'essais cliniques et les bibliographies d'études publiées. Nous n'avons appliqué aucune restriction de langue.
Seuls les essais contrôlés randomisés ont été sélectionnés pour analyse. Nous avons pris en compte les études portant sur des nouveau-nés, des nourrissons et des enfants jusqu'à 12 ans.
Deux auteurs de la revue ont extrait les données de façon indépendante et conformément au protocole prédéfini. Nous avons obtenu des informations supplémentaires des auteurs de toutes les études.
Trois des cinq études incluses comparaient la milrinone par rapport au lévosimendan, une par rapport au placebo, et la dernière par rapport à la dobutamine ; ces comparaisons portaient respectivement sur 101, 242 et 50 participants. Trois essais étaient à faible risque de biais, tandis que deux autres avaient un risque plus élevé. Le nombre et la définition des critères d'évaluation différaient également. Dans une étude comparant deux doses de milrinone au placebo, certains éléments de preuve dans une comparaison globale de la milrinone versus placebo indiquaient que la milrinone réduisait le risque de LCOS (risque relatif (RR) de 0,52 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,28 à 0,96 ; 227 participants). Les résultats de deux petites études ne fournissent pas suffisamment d'informations pour déterminer si la milrinone augmente le risque de LCOS par rapport au lévosimendan (RR 1,22 ; IC à 95 % de 0,32 à 4,65 ; 59 participants). Les taux de mortalité étaient faibles dans les études, et il n'y avait pas suffisamment de preuves pour tirer des conclusions sur l'effet de la milrinone par rapport au placebo, au lévosimendan ou à la dobutamine, en termes de la mortalité, la durée du séjour en soins intensifs, l'hospitalisation, la ventilation mécanique, ou le score maximum d'inotropes (lorsque disponible). Les nombres de patients nécessitant une assistance cardiaque mécanique étaient également faibles et ne permettent pas de comparaison entre les études, et aucun des participants de ces études n'a reçu de transplantation cardiaque jusqu'à la fin de la période de suivi respective. Aucune des études incluses n'a rapporté le délai jusqu'au décès dans les trois mois. Un certain nombre d'événements indésirables a été examiné, mais des différences n'ont pu être mises en évidence entre les groupes de traitement pour l'hypotension, l'hémorragie intraventriculaire, l'hypokaliémie, le bronchospasme, les taux sériques élevés d'enzymes hépatiques, ni pour une fraction d'éjection ventriculaire gauche réduite < 50 % ou une fraction de raccourcissement ventriculaire gauche réduite < 28 %. Notre analyse n'a pas démontré de risque accru d'arythmies chez les patients traités à titre prophylactique avec la milrinone par rapport au placebo (RR 3,59 ; IC à 95 % de 0,83 à 15,42 ; 238 participants), ni de diminution du risque des épanchements pleuraux (RR 1,78 ; IC à 95 % de 0,92 à 3,42 ; 231 participants) ou de différence de risque de thrombocytopénie sous milrinone par rapport au placebo (RR 0,86 ; IC à 95 % de 0,39 à 1,88 ; 238 participants). Les comparaisons de milrinone versus levosimendan ou dobutamine n'ont pas permis de clarifier le risque d'arythmie et n'ont pas été possibles pour les épanchements pleuraux ou la thrombocytopénie.
Traduction réalisée par Cochrane France