La drépanocytose est un trouble héréditaire de l'hémoglobine, la protéine dans les globules rouges qui transporte l'oxygène. Dans cette pathologie, une hémoglobine S anormale issue d'un parent est combinée à une autre hémoglobine anormale provenant de l'autre parent. L'hémoglobine S héritée des deux parents (génotype HbSS), décrite comme l'anémie drépanocytaire, est la forme la plus courante.
Lorsque la tension en oxygène est faible, l'hémoglobine S se cristallise et donne aux globules rouges une forme de faucille. Cette falciformation réduit la capacité des globules rouges à passer par de très petits vaisseaux sanguins, provoquant une obstruction vasculaire et une destruction prématurée des globules rouges. La dégradation des globules rouges et l'accumulation massive de globules rouges endommagés dans le foie et la rate provoquent une anémie. Les manifestations aiguës incluent les crises douloureuses, l'embolie pulmonaire, le syndrome thoracique aigu et l'insuffisance cardiaque congestive. Par conséquent, les femmes enceintes atteintes de drépanocytose doivent être soigneusement prises en charge.
Selon la politique institutionnelle, des transfusions sanguines peuvent être administrées à intervalles réguliers à une femme HbSS enceinte avec relativement peu ou pas de symptômes afin d'améliorer la capacité de transport d'oxygène du sang par l'augmentation de la concentration sanguine d'hémoglobine et la diminution des niveaux d'hémoglobine S; ou uniquement lorsque cela est indiqué par le développement de complications médicales ou gestationnelles. L'administration de sang à intervalles fréquents comporte des risques d'infections transmises par le sang et de niveaux excessifs de fer.
Cette revue visait à déterminer si l'administration de sang à intervalles réguliers avant la survenue de complications graves a un impact sur la santé de la mère et de son bébé par rapport à l'administration de sang uniquement en cas d'indication médicale. Les auteurs de la revue ont inclus deux essais contrôlés ayant randomisé 98 femmes atteintes d'anémie drépanocytaire (hémoglobine SS) avant 28 semaines de gestation à l'une des deux stratégies de transfusion sanguine. Les deux essais étaient de faible qualité. Le premier (72 femmes) n'indiquait aucune différence en termes de graves problèmes de santé et de décès de la mère ou du nouveau-né. De même, il n'y avait aucune différence concernant le risque de réaction transfusionnelle retardée. Les deux essais suggéraient que l'administration de sang à intervalles fréquents avait légèrement réduit le risque de crises douloureuses par rapport à l'administration uniquement en cas d'indication médicale, une grande incertitude persistant quant à la taille de l'effet. Le taux d'administration respective des transfusions prophylactiques versus curatives était de quatre ou cinq à un.
Dans l'ensemble, les preuves disponibles sur ce sujet sont insuffisantes pour recommander un changement dans la pratique clinique et la politique.
Les preuves issues de deux petits essais de faible qualité suggèrent que la transfusion sanguine prophylactique chez les femmes enceintes atteintes d'anémie drépanocytaire (HbSS) ne confère aucun bénéfice clinique clair par rapport à la transfusion curative. Actuellement, il n'existe aucune preuve issue d'essais randomisés ou quasi-randomisés pour fournir des conseils avisés sur la stratégie de transfusion sanguine optimale pour les femmes porteuses d'autres variantes de la drépanocytose (par ex. HbSC et HbSβThal). Les données disponibles et la qualité des preuves sur ce sujet sont insuffisantes pour conseiller un changement dans la pratique clinique et la politique existantes.
Les femmes enceintes atteintes de drépanocytose (HbSS, HbSC et HbSβThal) peuvent nécessiter une transfusion sanguine pour prévenir l'anémie sévère ou pour traiter les complications médicales éventuelles. Les politiques de prise en charge existantes vont de la transfusion préventive en l'absence de complications dès les premières semaines de grossesse à la transfusion uniquement en cas d'indications médicales ou obstétriques. Il n'existe actuellement pas de consensus sur la stratégie de transfusion sanguine garantissant des bénéfices cliniques optimaux avec des risques minimes pour ces femmes et leurs bébés. La présente revue met à jour et remplace une revue Cochrane retirée en 2006.
Évaluer les bénéfices et les inconvénients d'une stratégie de transfusion sanguine prophylactique versus curative chez les femmes enceintes atteintes de drépanocytose.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur la grossesse et la naissance (le 31 octobre 2013) et dans les références bibliographiques des études trouvées. Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue.
Essais randomisés et quasi-randomisés évaluant les effets de la transfusion sanguine prophylactique versus curative (d'urgence) chez les femmes enceintes atteintes de drépanocytose. Les essais ont été considérés pour inclusion indépendamment du niveau de randomisation (individuelle ou en grappes), cependant, aucun essai randomisé en grappes n'a été identifié.
Deux auteurs de la revue ont évalué de façon indépendante les essais à inclure ainsi que leur qualité. L'extraction des données a été faite indépendamment par deux auteurs de la revue et les données ont été vérifiées.
Sur six rapports pertinents identifiés par la stratégie de recherche, deux essais portant sur 98 femmes atteintes d'anémie drépanocytaire (HbSS) répondaient à nos critères d'inclusion. Les deux essais présentaient un risque de biais modéré. Dans l'ensemble, il y avait peu d'occurrences pour la plupart des critères de jugement rapportés et les résultats étaient généralement imprécis. Un essai (impliquant 72 femmes) n'a rapporté aucune mortalité maternelle survenant chez les femmes ayant reçu une transfusion prophylactique ou curative. Le même essai (impliquant 72 femmes) n'a indiqué aucune différence claire dans la mortalité maternelle, la mortalité périnatale (risque relatif (RR) 2,85, intervalle de confiance à 95% (IC) de 0,61 à 13,22) ou les marqueurs de la morbidité maternelle sévère [embolie pulmonaire (aucun événement); insuffisance cardiaque congestive (RR 1,00, IC à 95% 0,07 à 15,38); syndrome thoracique aigu (RR 0,67, IC à 95% 0,12 à 3,75)] entre les groupes de traitement (transfusion sanguine prophylactique ou curative). La transfusion prophylactique a réduit le risque de crises douloureuses en comparaison avec une transfusion curative (RR 0,42, IC à 95% 0,17 à 0,99, deux essais, 98 femmes); cependant, la marge d'incertitude sur l'estimation de l'effet variait d'une réduction très petite à substantielle. Un essai (impliquant 72 femmes) n'a indiqué aucune différence dans la survenue d'une séquestration splénique aiguë (RR 0,33, IC à 95% 0,01 à 7,92), de crises hémolytiques (RR 0,33, IC à 95% 0,04 à 3,06) et de réactions transfusionnelles retardées (RR 2,00, IC à 95% 0,54 à 7,39) entre les groupes de comparaison.