Qu'est-ce que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ?
Il existe deux types de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI): La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Les MICI sont des maladies du système digestif qui durent toute la vie. Les patients atteints de MICI peuvent, entre autres, souffrir de diarrhée, de douleurs abdominales et de fatigue. Les MICI sont le plus souvent diagnostiquées chez les adolescents et les jeunes adultes, au moment de la prise de décisions de planification familiale. Des études antérieures ont suggéré que les femmes qui ont subi une intervention chirurgicale pour retirer leur côlon et créer un anastomose iléo-anale (AIA) avec réservoir en J peuvent avoir de la difficulté à devenir enceinte. Ce type de chirurgie est fréquent chez les femmes atteintes de colite ulcéreuse lorsque les médicaments ne fonctionnent pas. L'impact que d'autres types de chirurgies pour la MICI peuvent avoir sur la capacité d'une femme à devenir enceinte est inconnu.
De quels types de chirurgie les personnes atteintes de MICI ont-elles besoin ?
En cas d'échec des médicaments, une personne atteinte d'une MICI peut avoir besoin d'une intervention chirurgicale pour enlever une partie de l'intestin ou du côlon et peut nécessiter une stomie - une ouverture à la peau créée pour permettre le drainage des matières fécales dans un sac collecteur à l’extérieur du corps. Les patients atteints de colite ulcéreuse peuvent également avoir besoin d’un anastomose iléo-anale (AIA) aussi appelée réservoir en J. Cette procédure permet la création d’une poche en utilisant une partie de l'intestin grêle, ce qui permet de fermer la stomie. Les personnes atteintes de la maladie de Crohn peuvent aussi avoir leur côlon enlevé. Cependant, les personnes atteintes de la maladie de Crohn reçoivent rarement un réservoir en J parce que le réservoir
devient souvent enflammé. De plus, les personnes atteintes de la maladie de Crohn peuvent devoir se faire enlever une partie de leur intestin grêle ou subir une stricturoplastie pour élargir l’intestin malade où il a été rétréci à cause des cicatrices. Ces interventions chirurgicales peuvent être réalisées par voie laparoscopique ou par voie ouverte. En chirurgie laparoscopique, la caméra et les outils sont insérés par de petites incisions et une incision légèrement plus grande est faite pour retirer la partie de l'intestin qui est malade. En chirurgie ouverte, une seule grande incision est pratiquée dans l'abdomen. Ceci permet au chirurgien de voir et d'enlever directement les parties de l'intestin qui sont malades.
Sur quoi les chercheurs ont-ils enquêté ?
Les chercheurs ont passé en revue la littérature pour identifier les études antérieures qui ont rapporté le risque d'infertilité chez les femmes atteintes de MICI qui avaient déjà subi des chirurgies liées à une MICI. Ils ont aussi regardé les études qui ont rapporté l'impact d'une chirurgie antérieure sur les critères de jugement de grossesse (fausse couche, mortinaissance, prématurité, faible poids à la naissance et petit bébé pour l'âge gestationnel) ou les complications de grossesse (diabète gestationnel, hypertension gestationnelle, dépression postpartum et saignement).
Qu'ont découvert les chercheurs ?
Les chercheurs ont trouvé 16 études qui ont rapporté l'impact du traitement chirurgical sur l'infertilité ou les critères de jugement de grossesse chez les femmes atteintes de MICI. Neuf études ont comparé des femmes avec et sans chirurgie antérieure. Quatre de ces études ont fait état de l'impact de la chirurgie sur la capacité d'une femme à devenir enceinte. Nous n'avons pas été en mesure de tirer des conclusions sur l'association entre la chirurgie et l'infertilité en raison de la faible qualité des données probantes de ces études. Huit ont fait état des critères de jugement et complications de la grossesse. Les données probantes de ces études étaient également de très faible qualité, et nous ne sommes pas en mesure de tirer des conclusions sur l'impact de la chirurgie liée à une MICI sur les critères de jugement de grossesse. Les données probantes de la seule étude comparant l'infertilité chez les femmes subissant une chirurgie ouverte et une chirurgie laparoscopique étaient également de faible qualité. Nous n'avons donc pas pu tirer de conclusions sur l'impact des procédures ouvertes et laparoscopiques sur l'infertilité. Les six autres études ont comparé les femmes avant et après la chirurgie. Une étude comparant des femmes atteintes d’une MICI ayant subi ou non une chirurgie les a aussi comparées avant et après l'intervention chirurgicale. Ces sept études comparant les femmes avant et après la chirurgie ont fourni des données probantes de faible qualité sur les différences dans la capacité des femmes à devenir enceintes et sur les critères de jugement de la grossesse avant et après la chirurgie.
Conclusions
Les études sur l'impact d’une chirurgie liée aux MICI sur la capacité d'une femme à devenir enceinte et sur les critères de jugement de la grossesse sont rares et de faible qualité. Par conséquent, l'information examinée dans la présente étude sur les associations entre la chirurgie liée aux MICI et les critères de jugement de grossesse présente un risque élevé de biais et nous avons très peu confiance en ces conclusions. Nos résultats doivent être interprétés avec prudence. D'autres études bien conçues sur ce sujet sont requises.
L'effet du traitement chirurgical lié aux MICI sur l'infertilité féminine est incertain. Nous sommes également incertains qu’il existe une différence entre l’infertilité des femmes ayant recours à une chirurgie liée aux MICI par approche ouverte versus laparoscopique. Une chirurgie antérieure était associée à un risque plus élevé de fausse couche, d’un recours à la PMA, d'accouchement par césarienne et d’un faible poids à la naissance. Elle n'était pas associée au risque de mortinaissance, d'accouchement prématuré ou de naissance d'un petit bébé pour l’âge gestationnel. Ces constatations sont fondées sur des données probantes de très faible qualité. Par conséquent, il est impossible de tirer des conclusions définitives et de futures études bien conçues sont nécessaires pour bien comprendre l'impact de la chirurgie sur l'infertilité et les critères de jugement de grossesse.
Les femmes atteintes des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) peuvent avoir besoin d'une intervention chirurgicale, pouvant entraîner un risque plus élevé d'infertilité. La proctocolectomie restauratrice avec anastomose iléo-anale (AIA) peut augmenter l'infertilité, mais la mesure dans laquelle le AIA affecte l'infertilité reste incertaine et l'impact d’autres chirurgies sur l'infertilité est inconnu.
Objectif principal
- Déterminer les effets des chirurgies liées aux MICI sur l'infertilité féminine.
Objectifs secondaires
- Évaluer l'impact de la chirurgie sur le besoin de procréation médicalement assistée (PMA), le délai de grossesse, les fausses couches, les mortinaissances, la prématurité, le mode d'accouchement (vaginal spontané, vaginal instrumentalisé ou césarienne), le besoin de réanimation et de soins intensifs néonataux, le faible et le très faible poids à la naissance ou petit bébé pour l’âge gestationnel, les hémorragies prénatales et post-partum, les rétentions placentaires, la dépression post-partum, le diabète gestationnel et l'hypertension de grossesse ou prééclampsie.
Nous avons fait nos recherches sur MEDLINE, Embase, CENTRAL et sur le registre spécialisé en MICI de Cochrane depuis leur création jusqu'au 27 septembre 2018, pour identifier des études pertinentes. Nous avons également regardé les références d'articles pertinents, des résumés de conférences, la littérature grise et les registres d’essais cliniques.
Nous avons inclus les études observationnelles qui comparaient les femmes en âge de procréer (≥ 12 ans) qui ont subi une intervention chirurgicale aux femmes atteintes d'une MICI qui ont subi un autre type de chirurgie ou qui n'en ont subi aucune (traitées médicalement). Nous avons également inclus les études comparant les femmes avant et après un traitement chirurgical. Tous types d'interventions chirurgicales reliées aux MICI étaient acceptés. L'infertilité a été définie comme une incapacité à devenir enceinte après 12 mois de rapports sexuels non protégés. L'infertilité à 6, 18 et 24 mois était incluse comme critère de jugement secondaire. Nous avons exclu les études qui incluaient des femmes sans MICI et celles qui comparaient des femmes atteintes de MICI à des femmes sans MICI.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné les études et extrait les données. Nous avons utilisé l'échelle de Newcastle-Ottawa pour évaluer les biais et l’outil GRADE pour évaluer la certitude globale des données probantes. Nous avons calculé le risque relatif (RR) regroupé et l'intervalle de confiance à 95 % (IC) à l'aide de modèles à effets aléatoires. Lorsque des études individuelles ont rapporté des odds ratio (OR) et n'ont pas fourni de chiffres bruts, nous avons regroupé les ORs.
Nous avons identifié 16 études observationnelles à inclure. Dix études ont été incluses dans les méta-analyses, dont neuf comparaient des femmes ayant déjà subi ou non une chirurgie liée à une MICI et l'autre comparait des femmes atteintes d’un AIA par voie ouverte et laparoscopique. Sur les dix études incluses dans les méta-analyses, quatre évaluaient l'infertilité, une la procréation médicalement assistée (PMA) et ont rapporté des critères de jugement liés à la grossesse. Sept études dans lesquelles les femmes ont été comparées avant et après la colectomie et/ou le AIA ont été résumées de façon qualitative, dont cinq comparaient l'infertilité, trois l'utilisation de la PMA et trois les critères de jugement reliées à la grossesse. Une étude incluait une comparaison de femmes avec et sans AIA , ainsi qu'avant et après AIA, et elle a donc été incluse à la fois dans la méta-analyse et dans le résumé qualitatif. Toutes les études présentaient un risque élevé de biais dans au moins deux domaines.
Nous sommes très incertains de l'effet des chirurgies liées aux MICI sur l'infertilité à 12 mois (RR 5,45, IC à 95 %: 0,41 à 72,5; 114 participants; 2 études) et à 24 mois (RR 3,59, IC à 95 %: 1,32 à 9,73; 190 participants; 1 étude). L'infertilité était plus faible chez les femmes ayant subi une chirurgie par approche laparoscopique que chez celles ayant subi une proctocolectomie restauratrice ouverte à 12 mois (RR 0,70, IC à 95 %: 0,38 à 1,27; 37 participantes; 1 étude).
Nous sommes très incertains de l'effet de la chirurgie liées aux MICI sur les critères de jugement reliées à la grossesse, ce qui inclus les fausses couches (OR 2,03, IC à 95 %: 1,14 à 3,60; 776 grossesses; 5 études), l'utilisation de la PMA (RR 25,09, IC à 95 %: 1,56 à 403,76; 106 participantes; 1 étude), les césariennes (RR 2,23, IC à 95 %: 1,00 à 4,95; 20 grossesses; 1 étude) les mortinaissances (RR 1,96, IC à 95 %: 0,42 à 9,18; 246 grossesses; 3 études), les naissances prématurées (RR 1,91, IC à 95%: 0,67 à 5,48; 194 grossesses; 3 études), les petits poids à la naissance (RR 0,61, IC à 95%: 0,08 à 4,83) et petit bébé pour l’âge gestationnel (RR 2,54, IC à 95%: 0,80 à 8,01; 65 grossesses; 1 étude)
Les études comparant l'infertilité avant et après une chirurgie liée aux MICI ont rapporté des taux numériquement plus élevés d'infertilité à six mois (avant: 1/5, 20,0%; après: 9/15, 60,0%; 1 étude), à 12 mois (avant: 68/327, 20,8%; après: 239/377, 63,4%; 5 études) et à 24 mois (avant: 14/89, 15,7%; après: 115/164, 70,1%; 2 études); l’utilisation de la PMA (avant: 5.3% à 42,2%; après: 30.3% à 34,3%; les proportions variaient d'une étude à l'autre en raison des différences dans l’identification des femmes considérées comme étant à risque d’utiliser la PMA); et les césariennes (avant: 8/73, 11,0%; après: 36/75, 48,0%; 2 études). De plus, les femmes avaient un plus long délai jusqu’à la conception après la chirurgie (deux à cinq mois; 2 études) qu'avant la chirurgie (5 à 16 mois; 2 études). Les proportions de femmes ayant fait une fausse couche (avant: 19/123, 15,4%; après: 21/134, 15,7%; 3 études) et les mortinaissances (avant: 2/38, 5,3%; après: 3/80: 3.8%; 2 études) étaient semblables avant et après la chirurgie. Moins de femmes ont présenté un diabète gestationnel après une chirurgie (avant: 3/37, 8,1%; après: 0/37; 1 étude), et le risque de prééclampsie était similaire avant et après une chirurgie (avant: 2/37, 5,4%; après: 0/37; 1 étude). Nous sommes très incertains des effets d’une chirurgie liée aux MICI sur ces critères de jugement en raison de la pauvre qualité des données probantes, y compris le biais dû à l'âge plus élevé des femmes après la chirurgie.
Nous avons jugé que les données probantes pour toutes les critères de jugement et comparaisons étaient de très faible qualité en raison de la nature observationnelle des données, de l'inclusion de petites études comportant des estimations imprécises et du risque élevé de biais parmi les études incluses.
"Post-édition effectuée par Frédéric Morin et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr