Pourquoi est-il important d’améliorer le diagnostic du cancer de la peau ?
Il existe différents types de cancer de la peau. Le plus fréquent est l’épithélioma basocellulaire. L’épithélioma basocellulaire est un cancer localisé qui peut s’étendre et détruire la peau qui l’entoure. Il se propage rarement dans l’organisme comme d’autres cancers. Les tumeurs très petites ou superficielles, à faible risque, peuvent généralement être traitées au moyen de crèmes, par exemple, plutôt que par chirurgie, alors qu’il est préférable d’enlever chirurgicalement les épithéliomas basocellulaires qui sont plus susceptibles de grossir et de s’étendre. La radiothérapie (un traitement utilisant des rayonnements pour tuer les cellules cancéreuses) peut également être utilisée si un épithélioma basocellulaire est très gros ou ne peut être enlevé chirurgicalement. L’épithélioma spinocellulaire cutané est aussi un cancer de la peau généralement localisé. Dans de rares cas, il peut se propager à d’autres parties du corps ; le meilleur traitement consiste donc à l’enlever par chirurgie. Le mélanome est l’une des formes les plus dangereuses de cancer de la peau car il a un potentiel plus élevé de propagation à d’autres parties du corps, et il est donc vital de le reconnaître et de l’éliminer rapidement. Si les personnes porteuses d’un épithélioma basocellulaire ne reçoivent pas le bon diagnostic (résultat « faux négatif »), leur traitement peut être retardé, ce qui rend la procédure chirurgicale plus complexe. Diagnostiquer un épithélioma basocellulaire alors qu’il s’agit en fait d’autre chose (résultat « faux positif ») peut entraîner un traitement inutile, une chirurgie ou d’autres examens et peut causer du stress et de l’anxiété au patient. Si un épithélioma basocellulaire est mal diagnostiqué chez une personne atteinte d’un épithélioma spinocellulaire ou d’un mélanome, le traitement efficace peut être retardé, ce qui peut accroître les risques que la tumeur se propage à d’autres organes du corps, avec des conséquences potentiellement très graves.
Quel est le but de la revue ?
L’objectif de cette revue Cochrane était de déterminer la précision d’une technique appelée « cytologie exfoliative » pour le diagnostic du cancer de la peau. Les chercheurs de Cochrane ont trouvé neuf études pour répondre à cette question. Neuf études portaient sur le diagnostic de l’épithélioma basocellulaire, deux sur le diagnostic de l’épithélioma spinocellulaire cutané et une sur le diagnostic du mélanome.
Quel est le sujet de la revue ?
La cytologie exfoliative consiste à gratter la surface d’une tumeur cutanée suspecte de la peau à l’aide d’un scalpel, puis à étaler une petite couche des particules recueillies sur une lame de verre et de colorer les cellules pour les examiner au microscope. C’est une méthode moins invasive que la biopsie cutanée et rapide à réaliser, avec des résultats disponibles immédiatement. Cela pourrait éviter aux patients une visite supplémentaire pour recevoir les résultats de la biopsie cutanée.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
La revue a porté sur neuf études totalisant 1655 lésions (un grain de beauté ou une zone de peau d’apparence inhabituelle par rapport à la peau environnante) pour lesquelles le diagnostic final a été le suivant* : 1120 épithéliomas basocellulaires, 41 épithéliomas spinocellulaires et 10 mélanomes.
Pour identifier un épithélioma basocellulaire, sept études montrent l’effet de l’utilisation de la cytologie exfoliative pour confirmer le diagnostic sur les lésions que les médecins soupçonnaient déjà d’être des épithéliomas basocellulaires. Dans un groupe de 1000 lésions de ce type, dont 860 (86%) sont effectivement des épithéliomas basocellulaires :
- environ 853 personnes ont un résultat de cytologie exfoliative confirmant la présence d’un épithélioma basocellulaire. Sur ce nombre, 14 (1,6 %) n’auront pas d’épithélioma (faux positif) ;
- sur 147 personnes ayant un résultat de cytologie exfoliative indiquant qu’il n’y a pas d’épithélioma basocellulaire, 21 (14%) en auront un en réalité (faux négatif).
Une étude a comparé l’exactitude de la cytologie exfoliative à l’utilisation d’un microscope portatif (dermoscopie) pour poser un diagnostic d’épithélioma basocellulaire, mais elle utilisait une méthode différente de prélèvement des cellules et a inclus des patients présentant un risque plus élevé de mélanome que dans les huit autres études.
Il n’y avait pas assez de preuves pour déterminer la précisions de la cytologie exfoliative dans le diagnostic de l’épithélioma spinocellulaire ou du mélanome.
Dans quelle mesure les résultats des études de cette revue sont-ils fiables ?
Le petit nombre d’études incluses dans cette revue, la mauvaise description de la façon dont les patients ont été sélectionnés pour être inclus dans l’étude et les informations limitées sur la façon dont les résultats des tests ont été utilisés pour établir les diagnostics réduisent la fiabilité de nos résultats.
Les études n’expliquent pas comment les patients ont été orientés vers le test de cytologie exfoliative. Et surtout, le test n’a été utilisé que chez des personnes auxquelles les médecins avaient déjà diagnostiqué un épithélioma basocellulaire par le simple ‘examen de la lésion cutanée. En d’autres termes, le test a été utilisé pour confirmer le diagnostic d’un médecin. La plupart des études n’ont pas inclus suffisamment de personnes présentant des lésions cutanées d’apparence similaire à un épithélioma basocellulaire pour s’assurer que ce test identifiait correctement les épithéliomas basocellulaires. De ce fait, elles peuvent donner l’impression que la cytologie exfoliative est plus précise qu’elle ne le serait dans la pratique réelle.
À qui s’appliquent les résultats de cette revue ?
Les études ont été menées au Royaume-Uni, en Europe et en Australie. Les auteurs des études ont rarement décrit les caractéristiques des patients, comme l’âge et l’emplacement de la lésion. Le pourcentage de personnes incluses dans les études ayant reçu un diagnostic final d’épithélioma basocellulaire variait de 18 % à 90 % (neuf études). Pour l’épithélioma spinocellulaire, il était de 4 % et 18 % (deux études), et pour le mélanome, de 5 % (une étude). Il n’a pas été possible de dire d’après les études comment les cliniciens avaient décidé que les participants à l’étude avaient des lésions qui pouvaient être un cancer de la peau.
Quelles sont les implications de cette revue ?
Aucune recherche n’a été faite sur l’utilisation de la cytologie exfoliative pour diagnostiquer un cancer de la peau lorsqu’un patient était vu pour la première fois par un médecin. Les résultats de cette revue suggèrent que la cytologie exfoliative peut aider à confirmer les épithéliomas basocellulaires chez les patients présentant des lésions cutanées qu’un médecin soupçonne déjà d’en être un. Ce test pourrait être utile pour les patients atteints de épithélioma basocellulaire qui ont besoin de traitements non chirurgicaux, comme la radiothérapie, où un diagnostic histologique est nécessaire avant que le traitement puisse être administré.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché et utilisé des études publiées jusqu’en août 2016.
*Dans ces études, la biopsie était la norme de référence (moyen d’établir le diagnostic final).
L’utilité de la cytologie exfoliative pour le diagnostic primaire du cancer de la peau est inconnue car toutes les études incluses se sont concentrées sur l’utilisation de cette technique pour confirmer des diagnostics cliniques déjà suspectés. Pour la confirmation de l’épithélioma basocellulaire dans les lésions suspectées à l’examen clinique, les données suggèrent une sensibilité et une spécificité élevées. Comme il est peu probable en pratique que les décisions de traiter les épithéliomas basocellulaires à faible risque nécessitent une confirmation diagnostique dans la mesure où la suspicion clinique est déjà forte, la cytologie exfoliative pourrait être plus utile dans les cas d’épithélioma basocellulaire où les traitements envisagés nécessitent un diagnostic tissulaire (p. ex. avant une radiothérapie). Le petit nombre d’études incluses, la piètre qualité des rapports et les différences méthodologiques nous empêchent de tirer des conclusions solides pour guider la pratique clinique. Malgré l’insuffisance des données sur l’utilisation de la cytologie pour l’épithélioma spinocellulaire ou le mélanome, il est peu probable que la cytologie soit utile dans ces scénarios puisque l’architecture de la lésion entière, préservée par une biopsie, fournit des informations cruciales pour le diagnostic. Étant donné la rareté des données de bonne qualité, des études comparatives prospectives bien conçues sont peut-être nécessaires pour évaluer à la fois la valeur diagnostique de la cytologie exfoliative par rapport à la dermoscopie et sa valeur confirmatoire dans des populations rapportées de façon adéquate, présentant des lésions qui sont très probablement des épithéliomas basocellulaires et qui nécessitent un diagnostic tissulaire en vue d’un traitement ultérieur.
La détection précoce et précise de tous les types de cancer de la peau est essentielle pour guider une prise en charge appropriée, réduire la morbidité et améliorer la survie. L’épithélioma basocellulaire est habituellement localisé sur la peau, mais il peut s’infiltrer et endommager les tissus environnants, tandis que l’épithélioma spinocellulaire cutané et le mélanome ont un potentiel beaucoup plus élevé de métastases et sont susceptibles, à terme, d’entraîner la mort. La cytologie exfoliative est un test non invasif qui utilise la technique de cytodiagnostic sur frottis de Tzanck pour identifier la maladie en examinant la structure des cellules des échantillons prélevés. Cette procédure simple est un test de diagnostic moins invasif qu’une biopsie cutanée et, dans le cas de l’épithélioma basocellulaire, elle a le potentiel de fournir un diagnostic immédiat qui évite une visite supplémentaire pour recevoir les résultats de biopsie cutanée. Elle peut être utile pour les patients qui doivent subir une chirurgie micrographique de Mohs ou des traitements non chirurgicaux, comme la radiothérapie. Toutefois, une cytologie ne peut jamais donner les mêmes informations qu’une biopsie cutanée et il est donc important de mieux comprendre dans quelles situations en lien avec le cancer de la peau elle peut être utile.
Déterminer la précision diagnostique de la cytologie exfoliative pour la détection de l’épithélioma basocellulaire chez l’adulte et comparer sa précision à celle de la pratique diagnostique standard (inspection visuelle avec ou sans dermoscopie). Les objectifs secondaires étaient les suivants : déterminer l’exactitude diagnostique de la cytologie exfoliative pour la détection de l’épithélioma spinocellulaire, du mélanome invasif et de ses variantes mélanocytaires intraépidermiques atypiques ainsi que de tout autre cancer de la peau et, pour chacune de ces pathologies secondaires, comparer l’exactitude de la cytologie exfoliative à l’inspection visuelle avec ou sans dermoscopie dans des comparaisons directes et déterminer l’effet de l’expérience de l’examinateur.
Nous avons effectué une recherche exhaustive dans les bases de données suivantes, de leur création à août 2016 : registre Cochrane des essais contrôlés, MEDLINE, Embase, CINAHL, CPCI, Zetoc, Science Citation Index, National Institutes of Health Ongoing Trials Register, la Clinical Research Network Portfolio Database du NIHR, ainsi que le Système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’OMS. Nous avons étudié des listes de références et des articles de revues systématiques publiés.
Études évaluant la cytologie exfoliative chez des adultes présentant des lésions soupçonnées d’être des épithéliomas basocellulaires, des épithéliomas spinocellulaires ou des mélanomes, par rapport au standard de référence pour la confirmation histologique.
Deux auteurs ont extrait indépendamment toutes les données à l’aide d’un formulaire normalisé d’extraction de données et d’évaluation de la qualité (basé sur QUADAS-2). Dans la mesure du possible, nous avons estimé les sensibilités et les particularités sommaires à l’aide du modèle hiérarchique à deux variables.
Nous avons synthétisé les résultats de neuf études qui incluaient un total de 1655 lésions, dont 1120 épithéliomas basocellulaires (14 ensembles de données), 41 épithéliomas spinocellulaires (parmi 401 lésions dans 2 ensembles de données) et 10 mélanomes (parmi 200 lésions dans 1 ensemble de données). Trois de ces ensembles de données (un pour l’épithélioma basocellulaire, un pour le mélanome et un pour toute tumeur maligne) proviennent d’une étude qui a également effectué une comparaison directe avec la dermoscopie. Les études étaient de qualité moyenne à mauvaise et ne décrivaient pas de façon adéquate la sélection des participants, les seuils utilisés pour poser des diagnostics cytologiques et histologiques et la mise en insu. Les rapports sur les voies d’aiguillage antérieures des participants étaient particulièrement pauvres, tout comme les descriptions des critères de cytodiagnostic utilisés pour établir les diagnostics. Aucune étude n’a évalué l’utilisation de la cytologie exfoliative comme test diagnostique primaire pour la détection de l’épithélioma basocellulaire ou d’autres cancers de la peau dans les lésions suspectes. Les données regroupées de sept études utilisant des critères cytomorphologiques standard (mais diverses méthodes de coloration) pour détecter l’épithélioma basocellulaire chez les participants présentant une forte suspicion clinique de ce type de tumeur ont estimé la sensibilité et la spécificité de la cytologie exfoliative à 97,5 % (IC à 95 % de 94,5 à 98,9 %) et 90,1 % (IC à 95 % de 81,1 à 95,1 %) respectivement. Appliquée à une population hypothétique de 1000 lésions soupçonnées cliniquement d’être des épithéliomas basocellulaires, avec une prévalence médiane observée de ce type de tumeur de 86 %, la cytologie exfoliative manquerait 21 épithéliomas basocellulaires et donnerait 14 faux positifs. Aucun faux positif n’a été confirmé histologiquement comme étant un mélanome. Nous ne disposons pas de données suffisantes pour résumer l’exactitude de la cytologie exfoliative dans la détection des mélanomes ou des épithéliomas spinocellulaires ou son exactitude par rapport à la dermoscopie.
Post-édition effectuée par Suzanne ASSÉNAT. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr