Les enfants de moins de 3 ans infectés par le VIH présentent un risque élevé de décès sans traitement antirétroviral (TAR). Cependant, le traitement dans ce groupe d'âge est difficile, car les niveaux de virus dans le sang sont élevés et il existe peu de médicaments adaptés. Les résultats de cette revue systématique démontrent que l’administration du TAR peu après la naissance est préférable au retardement du traitement, car les nourrissons présentent moins de risques de décéder ou de tomber malades. Commencer un schéma thérapeutique de première intention qui comporte le lopinavir/ritonavir plutôt que la névirapine est préférable, car les nourrissons et les jeunes enfants sont moins susceptibles de devoir arrêter le traitement, qu'ils aient ou non été précédemment exposés à la névirapine. Cependant, le lopinavir/ritonavir est plus coûteux que la névirapine. De plus il n’est actuellement disponible que sous la forme d'un sirop peu pratique au goût amer et qui doit être réfrigéré, rendant difficile sa mise en œuvre dans toutes les régions du monde. En attendant qu’une meilleure formulation soit disponible, il pourrait être possible de passer du lopinavir/ritonavir à la névirapine lorsque le taux de virus VIH devient indétectable. Néanmoins, sur la base des preuves actuellement disponibles, un test de charge virale serait nécessaire pour identifier les enfants pour lesquels on pourrait substituer le lopinavir/ritonavir avec la névirapine en toute sécurité. Les tests de charges virales sont coûteux et ne sont pas largement disponibles dans la plupart des pays de l’Afrique sub-saharienne. Une approche alternative de traitement consiste à administrer une combinaison plus forte de médicaments (quatre médicaments différents) lors du démarrage du traitement, puis de réduire la consommation à trois médicaments après une courte durée. Toutefois, cette stratégie ne semble pas avoir d’avantages à long terme. Une stratégie « d’interruption de traitement » selon laquelle les nouveau-nés démarrent le TAR peu après la naissance, mais arrêtent ensuite le traitement au bout de 1-2 ans, est difficile à mettre en œuvre. Les enfants qui interrompent le TAR doivent le reprendre très rapidement pour les empêcher de tomber malades, et la surveillance d’un enfant sous traitement est compliquée dans des environnements bénéficiant de peu de ressources.
Le démarrage du TAR chez les enfants asymptomatiques de moins de 1 an d'âge réduit la morbidité et la mortalité, mais on ignore encore s'il existe des bienfaits cliniques pour le démarrage du TAR chez les enfants asymptomatiques présentant un diagnostic de l'infection par le VIH entre 1 et 3 ans.
Les preuves disponibles montrent qu’un schéma thérapeutique de première ligne à base de LPV/r est plus efficace qu'un régime à base de NVP, quel qu'ait été le niveau d'exposition au PPTME. De nouvelles formulations de LPV/r sont urgemment nécessaires afin de permettre aux nouvelles recommandations de l’OMS d’être mises en œuvre. Une approche alternative au LPV/r à long terme est de substituer le LPV/r par la NVP une fois la suppression virologique obtenue. Cette stratégie semblait prometteuse dans le seul essai réalisé, mais peut être difficile à mettre en œuvre en l'absence de dépistage routinier de la charge virale.
Une approche d’induction et de maintien à 4 médicaments montrait des avantages virologiques et immunologiques à court terme pendant la phase d’induction mais, en l'absence de bienfaits durables, n'est pas recommandée comme stratégie de traitement de routine. L'interruption du traitement après démarrage précoce du TAR au cours de la petite enfance a été difficile pour les enfants sévèrement immunodéprimés dans le contexte d'une piètre immunologie clinique à l'initiation du TAR en raison de la courte durée d'interruption, et n'est donc pas praticable dans les programmes de TAR dans lesquels une surveillance étroite n'est pas possible.
En l'absence de traitement antirétroviral (TAR), plus de 50 % des nourrissons infectés par le VIH connaissent une progression vers le SIDA et décèdent avant l'âge de 2 ans. Cependant le démarrage du TAR au début de la vie présente des difficultés, notamment la possibilité de résistance au médicament dans le cadre des programmes de prévention de la transmission de la mère à l'enfant (PPTME), l’insuffisance d'options médicamenteuses, le dosage incertain de certains médicaments et la toxicité à long terme. Les décisions capitales de prise en charge concernent le moment du démarrage du TAR, le schéma thérapeutique à commencer et le choix de remplacer les médicaments ou d’interrompre le traitement ainsi que le moment opportun pour ce faire le cas échéant. Cette revue, la mise à jour d'une revue précédente, vise à résumer les preuves actuellement disponibles sur ce sujet et de renseigner la prise en charge du TAR chez les enfants âgés de moins de 3 ans affectés par le VIH.
Évaluer 1) le moment du démarrage du TAR chez les jeunes enfants (moins de 3 ans) ; 2) quel TAR pour commencer, comparaison des inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse de première intention (INNTI) et des régimes à base d’inhibiteur de la protéase (IP) ; et 3) si des stratégies alternatives doivent être utilisées pour optimiser le traitement antirétroviral dans cette population : l'induction (initiation à 4 médicaments plutôt que 3) suivie par le maintien du TAR, l’interruption du TAR et la substitution des IP par des INNTI une fois la suppression virologique obtenue grâce à un traitement à base d’IP.
Méthodes de recherche
Nous avons recherché des études publiées dans le registre d'essais du groupe Cochrane sur le VIH/SIDA, la Bibliothèque Cochrane, Pubmed, EMBASE et CENTRAL. Nous avons passé au crible les résumés d'actes de conférence pertinents et avons recherché des essais non publiés et en cours dans des registres d'essais cliniques (clinicalTrials.gov et le système d'enregistrement international des essais cliniques de l'OMS).
Nous avons identifié des ECR qui impliquaient des enfants de moins de 3 ans infectés par le VIH au cours de la période périnatale sans restriction de cadre. Nous avons exclu les essais qui n’incluaient pas les enfants âgés de moins de 3 ans, n'ont pas fourni de résultats stratifiés pour les moins de 3 ans ou n'avaient évalué ni le moment du démarrage du TAR, ni le choix du schéma thérapeutique ou la stratégie de changement/d’interruption du traitement.
Deux évaluateurs ont appliqué indépendamment les critères de sélection, évalué la qualité des études et extrait les données. Les effets ont été évalués sous forme de « hazard ratio » (HR) pour les critères de délais jusqu'à l'événement, de risque relatif (RR) pour les critères de jugement dichotomiques et de différence moyenne pondérée pour les critères de jugement continus.
Une recherche dans les bases de données a identifié un total de 735 études uniques, précédemment non revues, dont 731 exclues ne laissent que 4 nouvelles études pour inclusion dans cette revue. Quatre études supplémentaires ont été identifiées dans des actes de conférence, donnant un total de 8 études évaluant le moment du démarrage du traitement (n = 2), le traitement à démarrer (n = 3), si l’on doit remplacer le lopinavir/ritonavir (LPV/r) par la névirapine (NVP) (n = 1), si l’on doit utiliser une stratégie continue de maintien de l’administration du TAR (n = 1) ou bien interrompre le traitement (n = 1).
L'instauration du traitement chez les nourrissons asymptomatiques dotés d’une bonne immunologie était associée à une réduction de 75 % (HR = 0,25 ; IC à 95 % entre 0,12 et 0,51; p = 0,0002) de la mortalité ou de la progression de la maladie dans le seul essai ayant une puissance suffisante pour approfondir cette question. Dans un essai pilote de plus petite taille, la numération moyenne des CD4 n'était pas significativement différente entre les groupes de traitement précoce et différé, 12 mois après le TAR.
Indépendamment de l'exposition préalable à la névirapine pour le PPTME, le risque d'échec du traitement à 24 semaines était 1,79 (IC à 95% entre 1,33 et 2,41) fois plus élevé chez les enfants commençant le TAR avec un régime à base de NVP par rapport à ceux entamant un traitement à base de LPV/ (p = 0,0001), sans différence nette de l'effet observé chez les enfants de moins ou de plus d’1 an. Le risque d'échec virologique à 24 semaines était globalement 1,84 (IC à 95 % entre 1,29 et 2,63) fois supérieur chez les enfants commençant le TAR avec un schéma thérapeutique à base de NVP comparé à ceux commençant avec un régime à base de LPV/r (p = 0,0008), avec une plus grande différence temporelle jusqu'à l'échec virologique (ou au décès) entre les schémas à base de NVP et de LPV/r lorsque le TAR était démarré au cours de la première année de vie.
Les nourrissons commençant par un traitement à base de LPV/r, et atteignant une suppression virologique prolongée et qui ont substitué la NVP à la LPV/r après en moyenne 9 mois sous LPV/r présentaient moins de risques de développer un échec virologique (défini comme au moins un TV supérieur à 50 copies/ml) comparés aux nourrissons commençant et demeurant sous LPV/r (HR = 0,62, IC à 95 % entre 0,41 et 0,92, p = 0,02). Cependant, le risque d'échec confirmé à une charge virale supérieure (> 1 000 copies/ml) était plus élevé chez les enfants qui passaient au NVP comparé à ceux restant sous LPV/r (HR = 10,19, IC à 95 % entre 2,36 et 43,94, p = 0,002).
Les enfants soumis a une approche d'induction et de maintenance d’un TAR avec un schéma thérapeutique d'INNTI à base de 4 médicaments sur 36 semaines, puis un TAR à 3 médicaments, avaient une élevation des CD4 significativement supérieure aux enfants recevant un TAR standard à base de 3 médicaments INNTI à 36 semaines (différence moyenne de 1,70 [IC à 95 % entre 0,61 et 2,79] p = 0,002) et une réponse de la charge virale significativement meilleure à 24 semaines (rapport des cotes (RC) 1,99 [IC à 95 % entre 1,09 et 3,62] p = 0,02). Cependant, les bienfaits immunologique et virologique étaient à court terme.
Le seul essai sur l’interruption du traitement qui comparait les enfants qui débutent le TAR en continu depuis la petite enfance avec les enfants qui interrompent le TAR a été stoppé prématurément car la durée d’interruption du traitement était de moins de 3 mois chez la plupart des nourrissons. Chez les enfants ayant interrompu le traitement, la croissance et la survenue d'événements indésirables graves étaient similaires à ceux suivant le traitement en continu.