La pulvérisation d'insecticides dans les maisons (pulvérisation intradomiciliaire d'insecticide à effet rémanent; PID) pour tuer les moustiques est une des principales méthodes qui ont été utilisées pour lutter contre le paludisme sur une grande échelle. La PID a contribué à éliminer le paludisme de vastes zones en Asie, en Russie, en Europe et en Amérique latine, et des programmes de PID ont également été réalisés avec succès dans certaines parties de l'Afrique.
Une autre méthode efficace de lutte contre les moustiques repose sur l'utilisation de barrières physiques telles que les moustiquaires ou les rideaux qui peuvent également être imprégnés d'insecticides (moustiquaires imprégnées d'insecticide ; MII). Cette revue vise à examiner les bénéfices de la PID pour la santé et à comparer cette méthode avec les MII.
Cette revue n'évalue pas les effets potentiellement indésirables des insecticides utilisés pour la PID et elle ne comprend pas que des essais contrôlés randomisés (ECR) mais aussi des études contrôlées avant-après (CAA) et des séries temporelles interrompues (STI), car ces méthodes ont été considérées comme suffisamment rigoureuses.
Six études ont été identifiées pour inclusion (quatre ECR en grappes, une CAA et une STI). Quatre de ces études avaient été menées en Afrique sub-saharienne, une en Inde et une au Pakistan. En Tanzanie, où les gens sont régulièrement exposés au paludisme, la PID réduisait de moitié la transmission du paludisme chez les jeunes enfants en comparaison avec l'absence de PID ; en Inde et au Pakistan, où la transmission du paludisme est plus instable et où sévit plus d'un type de paludisme, elle protégeait tous les groupes d'âge.
En comparaison avec les MII, la PID est apparue plus protectrice (d'après le critère de jugement choisi) dans un essai mené dans une zone de transmission stable du paludisme, mais les MII semblaient être plus protectrices que la PID dans les zones instables. Malheureusement, le niveau de preuve est très limité et aucunes conclusions définitives ne devraient être tirées sur la base de cette revue.
En conclusion, bien que les programmes de PID aient affiché un succès impressionnant dans la réduction du paludisme à travers le monde, il existe trop peu d'essais bien menés pour permettre la quantification des effets de la PID dans les zones caractérisées par différentes transmissions du paludisme, ni la comparaison de la PID et des MII. Des essais de bonne qualité et de longue durée sont toujours urgemment nécessaires sur une grande échelle dans les zones où il n'y a eu que peu ou pas de lutte contre les moustiques. Les nouveaux essais devraient inclure un groupe PID et un groupe MII, et devraient également évaluer l'effet combiné des MII et de la PID, question très importante en vue de l'élimination du paludisme.
La documentation historique et celle du programme ont clairement établi l'impact de la PID. Toutefois, les essais de bonne qualité sont trop peu nombreux pour quantifier l'ampleur de l'effet dans différents contextes de transmission. Les résultats de comparaisons randomisées entre la PID et l'absence de PID confirme que la PID réduit l'incidence du paludisme dans des contextes de paludisme instable, mais les données d'essais randomisés dans des contextes de paludisme stable sont très limitées. Certaines données limitées suggèrent que les MII confèrent une meilleure protection que la PID dans les régions instables, mais des essais supplémentaires sont nécessaires pour comparer les effets des MII avec la PID ainsi que pour quantifier leurs effets combinés. Idéalement, les essais futurs devraient essayer d'évaluer l'effet de la PID dans les zones sans antécédent d'activités de lutte antipaludique.
La prévention primaire à grande échelle du paludisme dépend de deux interventions de lutte antivectorielle : la pulvérisation intradomiciliaire (PID) à effet rémanent et les moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII). Historiquement, la PID a réduit la transmission du paludisme dans de nombreux contextes à travers le monde, mais les effets de la PID sur la santé n'ont jamais été correctement quantifiés. Ceci est important et permettra de comparer la PID avec d'autres interventions de lutte antivectorielle.
Quantifier l'impact de la PID seule et comparer les impacts relatifs de la PID et des MII sur les principaux paramètres paludologiques.
Nous avons effectué une recherche dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses (septembre 2009), CENTRAL (The Cochrane Library 2009, numéro 3), MEDLINE (de 1966 à septembre 2009), EMBASE (de 1974 à septembre 2009), LILACS (de 1982 à septembre 2009), mRCT (septembre 2009) et dans des références bibliographiques et des résumés de conférence. Nous avons également contacté des chercheurs dans le domaine, des organisations et des fabricants d'insecticides (juin 2007).
Des essais contrôlés randomisés (ECR) en grappes, des études contrôlées avant-après (CAA) et des séries temporelles interrompues (STI) sur la PID comparée à l'absence de PID ou aux MII. Les études examinant l'impact de la PID sur des groupes spéciaux non représentatifs de la population générale, ou utilisant des insecticides et des dosages non recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont été exclus.
Deux auteurs ont passé en revue de façon indépendante des essais candidats à l'inclusion. Deux auteurs ont extrait les données, évalué les risques de biais et analysé les données. Lorsque cela était possible, nous avons ajusté les intervalles de confiance (IC) pour le clustering. Nous avons regroupé séparément les études comparant la PID à l'absence de PID et celles comparant la PID aux MII, et nous avons ensuite stratifié chaque groupe par endémicité du paludisme.
PID versus absence de PID
Paludisme stable (taux d'inoculation entomologique (TIE > 1) : Dans un ECR réalisé en Tanzanie la PID avait réduit la ré-infection par les parasites du paludisme telle que détectée dans le cadre d'une surveillance active chez les enfants après traitement ; efficacité de protection (EP) 54 %. Dans le même contexte, l'incidence des cas de paludisme évaluée par surveillance passive avait été légèrement réduite chez les enfants âgés de un à cinq ans ; EP 14 %, mais pas chez les enfants de plus de cinq ans (EP -2 %). La prévalence du paludisme était légèrement inférieure dans le groupe de PID, mais cela n'était pas significatif (EP 6 %), et l'hémoglobine moyenne était plus élevée (différence moyenne 0,85 g/dL).
Dans un essai CAA au Nigeria, la PID a montré une capacité de protection contre la prévalence du paludisme pendant la saison humide (EP 26 % ; IC à 95 % de 20 à 32 %) mais pas durant la saison sèche (EP 6 % ; IC à 95 % de -4 à 15 %). Dans une STI au Mozambique, la prévalence avait été considérablement réduite sur une période de 7 ans (d'une prévalence de 60 - 65 % à une prévalence de 4 - 8 %, l'EP avant-après pondérée était de 74 % (IC à 95 % de 72 à 76 %).
Paludisme instable (TIE < 1) : Dans deux ECR, la PID avait réduit le taux d'incidence de toutes les infections palustres ; EP 31 % en Inde et 88 % (IC à 95 % de 69 à 96 %) au Pakistan. Par espèces de paludisme, la PID avait également réduit l'incidence du P. falciparum (EP 93 % ; IC à 95 % de 61 à 98 % au Pakistan) et du P. vivax (EP 79 %, IC à 95 % de 45 à 90% au Pakistan). Il y avait des effets similaires sur la prévalence du paludisme pour tous les types d'infection : EP 76 % au Pakistan ; EP 28 % en Inde. Lorsqu'on examinait séparément par sortes de parasite, pour le P. falciparum il y avait un EP de 92 % au Pakistan et de 34 % en Inde ; pour le P. vivax il y avait un EP de 68 % au Pakistan et aucun impact constaté en Inde (EP de -2 %).
PID versus moustiquaires imprégnées d'insecticides (MII)
Paludisme stable (TIE > 1) : Un seul ECR avait été réalisé dans une zone de transmission stable (en Tanzanie). Lorsque l'on comparait la ré-infection parasitologique détectée par surveillance active après traitement dans des cohortes à court terme, les MII apparaissaient supérieures, mais cela semblait non significatif lorsque l'IC non ajusté s'approchait de 1 (risque relatif PID:MII = 1,22). Lorsque l'incidence des épisodes de paludisme était mesurée par détection passive des cas, aucune différence n'était observée chez les enfants âgés d'un à cinq ans (risque relatif = 0,88, en faveur de la PID). Aucune différence n'avait été trouvée pour la prévalence du paludisme ou l'hémoglobine.
Paludisme instable (TIE < 1) : Deux études ; pour ce qui concerne l'incidence et la prévalence, les taux de paludisme étaient plus élevés dans le groupe de PID que dans le groupe de MII dans une étude. L'incidence du paludisme était plus élevée dans le groupe de PID en Inde (risque relatif PID:MII = 1,48) et en Afrique du Sud (risque relatif 1,34 mais les IC non ajustés par cluster incluaient 1). Pour la prévalence du paludisme, les MII semblaient donner en Inde une meilleure protection contre tous les types d'infection en comparaison avec la PID (risque relatif PID:MII = 1,70), et de même pour le P. falciparum (risque relatif PID:MII = 1,78) et pour le P. vivax (risque relatif PID:MII = 1,37).
Translated by: French Cochrane Centre
Translation supported by: Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé Français